Dans les hautes collines d'Anamalai, trois narrateurs se racontent dans l'histoire des sentiments. La première est Komathi, une femme d'âge mûr de cinquante-sept ans qui a passé une grande partie de sa vie à s'occuper d'une maison et d'une femme, Leema, qu'elle a vue grandir et s'épanouir, tout au long de ses trente dernières années. La seconde personne qui prend la parole est Leema. A trente-huit ans, sans enfant, sa vie est rentrée dans une routine qui se partage entre son mari avocat, leur plantation de thé et ses actions bienfaitrices dans un orphelinat. Bien qu'appartenant à une caste supérieure de gens aisés, son existence devient de jour en jour pesante, vide, inintéressante et si éloignée de ses rêves ! le troisième qui intervient est un grand acteur de cinéma, Shoola Pani, qui a loué un cottage sur la propriété de Leema. Après son divorce, Shoola se sent brisé et n'aspire qu'à se ressourcer dans la solitude, loin du harcèlement médiatique et loin de son agent tyrannique.
A tour de rôle, ces trois personnages vont confesser leurs désirs et se découvrir.
Komathi qui a depuis longtemps abandonné ses chimères de jeunesse, décide pour faire plaisir à sa petite-fille d'apprendre à lire. Selvi a une pédagogie très particulière qui ne déplaît pas à sa grand-mère. Chaque lettre de l'alphabet a son fruit, son légume, son plat cuisiné.
Ainsi, le livre commence avec la lettre A, comme Arisi appalam. Connaissant aussi bien la nourriture que l'âme des gens qui l'entourent, elle va dans son for intérieur leur cuisiner ce dont ils ont besoin. Leema a grand besoin d'arisi appalam, des petites crêpes si fines, si légères… si réconfortantes.
Leema reçoit la brume épaisse qui tombe sur le jardin, comme une chape de plomb. Elle a soif d'air et d'espace.
B, comme Badam. le badam est une amande très prisée, une petite gourmandise qui sous sa peau brune et rêche lui rappelle la douceur du lait. Lorsqu'elle voit pour la première fois Shoola parcourir le parc pour se diriger vers le bord d'une falaise, Komathi qui se repose sous un arbre veut lui crier de faire attention. Il est enfoui dans ses pensés, loin de tout, fermé sous une carapace. Il y a une certaine ressemblance avec le badam.
Shoola s'est rasé les cheveux. Il est si fatigué ! Il se demande si un jour, il ne sera plus cette coquille vide.
C, comme Cheppankizhangu. le cheppankizhangu est un bulbe que l'on cultive depuis plus de dix mille ans… il lui rappelle son aachi, sa mère…
D, comme Daangar chutney. le daangar chutney est un plat marathi. C'est aussi un plat qui la renvoie à l'époque de Raghavendra Rao, celui qui avait capturé son coeur.
E,…
L'alphabet se développe avec des saveurs de miel et d'épices. Il est généreux et vient s'apposer comme un baume sur les plaies de chacun. La sage Komathi voit éclore des sentiments entre Leema et Shoola et si au début elle désapprouve cette errance sentimentale, elle finira par donner son assentiment avec la lettre Z, comme Zigartanda, une boisson fraîche, désaltérante ; « la boisson au coeur froid, qui vous fait pénétrer dans l'inconnu sans vous arrêter à ce que vous laissez derrière vous ni à ce qui vous attend. »
C'est une jolie romance aux charmes de l'Inde, une histoire simple toute en couleurs et en sentiments, avec un tempo assez lent au début et pudique, puis plus passionné sur la fin. Ce qui la distingue, c'est l'énumération de tous ces goûts qui viennent titiller notre imagination gustative. Il y a aussi l'évocation de cette terre aux parfums boisés, organiques, qui ondoie l'horizon.
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Mêler apprentissage de l'alphabet, cuisine, amour et tranches de vie... Quelle douce et détonnante recette ! Un roman qui mérite de se savourer. Ecrit du point de vue de plusieurs personnages dont nous voyons la lente maturation.
J'en ressors enchantée et vous le recommande vivement !
Bonne lecture :)
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Une histoire d'amour démarre entre un homme marié et une femme mariée, sous l'oeil bienveillant de la cuisinière de la femme, celle-ci raconte les prémices amoureux et en parallèle, son apprentissage de la lecture grâce à des ingrédients culinaires indiens ainsi que sa vie. C'est un joli livre bien écrit.
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Une feuille dont on ne saurait se passer, dont on parfume quasiment tous les plats. Comme le sel, elle anime le goût de tout ce à quoi elle s'ajoute. Comme le sel, aucune batterie d'épices n'est au complet sans elle.
Mais le karuvepillai n'est pas l'ami des femmes. Pour peu qu'elles en touchent un plant les jours où elles saignent, il se flétrit, alors qu'il n'en fera rien si un homme qui bat son épouse, affame sa mère ou viole une petite fille de deux ans le frôle. C'est la nature de cette espèce. On dit qu'une déesse a tenté de lui faire abandonner son hostilité envers les femmes et son dégoût pour les cycles naturels, mais il trône dans la cuisine avec tant de majesté qu'il n'a rien voulu savoir, même venant d'elle.
Alors, comme pour le punir de ne pas comprendre, dans son orgueil, qu'il est naturel qu'une femme saigne et ne doit pas être traitée en créature impure pendant cette période, la déesse lui a jeté une malédiction:
-Sans elle, tu ne seras jamais rien. Et puisque tu sembles ne pas vouloir la reconnaître pour ce qu'elle est, avec ses défauts, son sang et tout le reste, on te laissera en compagnie des déchets du repas, fibres, os, pépins et autres.
Il introduit une tranche d'orange dans sa bouche et se met à mâcher longuement. On lui a dit un jour qu'il était conseillé de mastiquer chaque bouchée trente-deux fois.
Leena se demande comment quelqu'un de si raisonnable dans ses propos peut lui donner l'envie quasi irrépressible de lui renverser la cassolette de curry aux oeufs sur la tête.
La nourriture, je connais, me suis-je dit. Elle ne me faussera jamais compagnie, contrairement à tout le reste – les hommes, l’argent, le bonheur et, jusqu’ici, l’alphabet. J’entrevois une possibilité dans ce que suggère Selvi. Peut-être l’alphabet se laissera-t-il convaincre par la douceur de ne pas s’éclipser. La nourriture m’apprendra peut-être à mettre un sens sur ces lignes, ces courbes, ces fioritures.
Il y avait 33,333 chances sur cent pour que leurs existences se croisent et trouvent une nouvelle trajectoire personnelle. Lorsqu'on multiplie 33,333 par trois, on obtient 99,999. Quelle est cette particule égale à 0,001 qui oriente le hasard dans une direction ? Du fatras de pensées sans intérêt qui lui viennent, une expression se dégage et reste flotter à la surface : la particularité divine. La force mystérieuse qui donne sa masse à la matière. L'intrigante particule divine a fait en sorte que leurs destinées se croisent et entrent en contact.
Mariée depuis près de seize ans, elle ne s'est jamais imaginée en femme intéressée par autre chose que son couple. Elle a choisi d'épouser K.K. parce qu'elle n'était pas amoureuse de lui. Aimer quelqu'un, c'est le laisser prendre du pouvoir sur vous. Elle avait vu ses parents se torturer d'amour, individuellement et mutuellement. Elle avait été témoin des ravages de la passion, et vu comme elle vous arrachait jusqu'à l'apparence de votre équilibre mental.
Elle en a déduit que le mariage était plus important que l'amour.
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