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Pierre-Paul Durastanti (Traducteur)
EAN : 9782381630755
384 pages
Le Bélial' (23/02/2023)
3.96/5   150 notes
Résumé :
Début du XIXe siècle. Silas Coade est médecin à bord du Demeter, une goélette affrétée par un riche commanditaire pour explorer le nord de la Norvège afin de découvrir une ouverture menant à un mystérieux édifice au fond d'un fjord. Mais peu avant d'atteindre son but, le bateau subit une terrible avarie conduisant à la mort de tout l'équipage.
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Critiques, Analyses et Avis (47) Voir plus Ajouter une critique
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Sous les ordre d'un capitaine néerlandais nommé van Vught, le médecin Silas Coade a embarqué sur "la Déméter", une goélette de cinquième rang qui a entrepris de passer au peigne fin des milles et des milles de la côte norvégienne à la recherche d'un mystérieux passage creusé dans la roche.
Quand soudain, un bout a cassé et un espar est tombé sur la caboche du colonel Ramos.
Il se trouvait au mauvais endroit, au mauvais moment ...
Ce récit commence comme un étrange roman maritime.
Une mystérieuse expédition cherche la "fissure", un étroit défilé qui mène à une mer intérieure où se trouve un édifice qui amènera la fortune à l'équipage de la Déméter.
Mais un mot va venir tout bouleverser : "Éversion" !
"Éversion" est un livre de science-fiction écrit par Alastair Reynolds et paru aux éditions "Le Bélial" le 23 février 2023.
"Éversion" est un des cinq livres de la sélection du prix Utopiales 2023 qui va venir récompenser un roman ou un recueil de nouvelles appartenant au genre des littératures de l'imaginaire et paru ou traduit en langue française durant la saison littéraire qui précède le festival.
Il ne serait pas déraisonnable de penser qu'il remporte, à Nantes, ce prix sans même laisser à quiconque le temps de s'en rendre compte.
C'est que tout est affaire de perception.
Ici plus qu'ailleurs encore ...
Il fût un temps où pour pénétrer dans la quatrième dimension, il nous était demandé de ne pas toucher à notre téléviseur.
Ici, il n'est besoin que de s'enfoncer plus avant encore, plus profondément dans le récit d'Alastair Reynolds.
Ce récit est original.
Un de ses personnages est un jeune mathématicien, toujours à la limite de l'épuisement et de la déduction.
Il a pour nom Dupin.
Ce récit est imprévisible.
Il aurait pu être dédié à Edgar Allan Poe.
Mais cela n'aurait été qu'à l'embarquement, et le voyage est long.
Il est changeant.
Le sol s'y dérobe sous les pieds de ses lectrices, les références y font cruellement défaut à ses lecteurs tant "la veille de pierre" réserve bien des surprises.
L'écriture est adaptée au récit, tantôt lente et brumeuse, tantôt rapide et efficace.
Le récit avance parfois lentement, mais sans jamais générer aucune sorte d'ennui, ni de lassitude.
Tout y est mystère et ambiance.
Ce roman est une expérience nouvelle, et pourtant il est de ceux qui mériteraient de n'avoir ni code-barre, ni quatrième de couverture, de ceux qui gagneraient à être abordés en aveugle dans un vieux broché jauni.
Puis l'instant d'après, le temps d'un battement de cils, ce récit pourrait alors se poursuivre sur la plus moderne des liseuses, de celles qui ne craignent pas les météorites !
Ce livre est un enchevêtrement d'inattendu et de retournements de situations.
Alastair Reynolds s'amuse avec notre entendement de lecture.
Ce livre, comme "un vaisseau, est un rêve de murmures".
Qui sont vraiment tous ces personnages protéiformes ?
Alastair Reynolds faisait-il partie de l'équipage de la "Déméter" ?
Remportera-t-il le prix littéraire Utopiales 2023 ?
Quoiqu'il en soit, quoiqu'il puisse se passer, "Éversion" est un de ces roman qui marquent le "genre", qui font date et se transforment au fil des changements d'époques et de réalités en classiques passionnants et incontournables ...



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Ce bouquin m'a épaté !

Mais si l'on veut en profiter à fond, il vaut mieux effacer sa mémoire après avoir lu la quatrième de couverture. Perso je l'ai vite oublié et pour une fois, je ne m'en plains pas. Contentez-vous de regarder cette superbe et intrigante couverture, et laissez-vous ferrer.
En profiter à fond, ça veut dire être surpris par l'évolution apriori surprenante de ce récit qui nous place quelque part au 18eme siècle, je dirais, à bord d'un navire qui zigzague entre des blocs de glace en scrutant les côtes fractales de Norvège. C'est le détestable Russe (un hasard je suppose) Topolsky qui a organisé l'expédition. Il s'agit de découvrir une fissure étroite qui mènerait vers une sorte de lagon et vers un… artefact.
Silas Coede est médecin de bord et nous le prouve en pratiquant une trépanation devant nos yeux ébahis sur le géant mexicain Ramos. Il est également un peu écrivain de récits de fiction qui plaisent à l'équipage, mais pas à Ada Cossile, autre membre de l'expédition qui ne cesse de moquer ses talents littéraires. Toute l'histoire est vue par les yeux et la plume de Silas.

Je n'en dirais guère plus. Etonnamment, le récit se décline en multiples variations sur le thème principal, toujours avec les mêmes acteurs mais toujours… ailleurs. Ces reboots sont intrigants au possible, mais Alastair Reynolds a pitié de son lecteur et lui donne à manger quelques miettes de compréhension – dont semblent se souvenir certains personnages – avant de fournir le pain complet. La réalité qui se cache derrière les voiles illusoires, toute surprenante qu'elle soit, n'est pas plus palpitante que les voiles en question, qui présentent dans leurs motifs des technologies de siècles variés, de l'horreur lovecraftienne, du space-opera version Edmond Hamilton ou de l'interrogation sur le degré d'humanité à donner à une intelligence artificielle.
Mais la réputation d'auteur hard SF de l'auteur est sauve. On le comprend finalement, quand l'ensemble du puzzle se met en place et que l'on saisit que chaque élément, aussi anodin soit-il, avait été placé là volontairement. C'est surtout le jeu qu'il fait avec la topologie, cette éversion dont je vous laisse trouver la définition vous-mêmes et que subit l'étrange Édifice que l'équipe souhaite explorer, qui en fait preuve. Mais que ceux que les sciences dures se rassurent : le fait de regarder les choses par les yeux d'un médecin implique que les descriptions analogiques n'emploient guère de mots savants, même si elles laissent parfois sceptique quant à la représentation que l'on peut s'en faire.

La qualité de la traduction de Pierre-Paul Durastanti, prêtant un langage plutôt recherché multipliant l'humour au second degré – à l'anglaise – apporte énormément au récit. Je me suis rapidement attaché à tous les acteurs, hormis Topolsky le pénible de service. Je me suis demandé si le capitaine de vaisseau van Vught était un hommage à Van Vogt (et peut-être à son roman Rencontre cosmique). Et le prénom Ada, serait-ce en référence à Ada Lovelace ?
Ces questions me sont personnelles. Alastair Reynolds, lui, n'apporte pas toutes les réponses. Comme dans Rendez-vous avec Rama d'Arthur C. Clarke, il y a des choses concernant l'Étranger dont on ne saura jamais rien. Et j'aime bien cela. Je peux vivre avec ces questions sans réponses.
Après tout, la vraie vie en est remplie.
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Certainement l'un des auteurs de hard science-fiction les plus connus au monde, le britannique Alastair Reynolds retrouve une second souffle en France grâce aux éditions du Bélial'.
Après son arrivée dans la collection Une Heure-Lumière avec La Millième Nuit, c'est avec un roman qu'on le retrouve aujourd'hui dans l'Hexagone, à savoir l'intriguant Éversion. Traduit de main de maître par Pierre-Paul Durastanti, le récit nous transporte au XIXème siècle à bord de la goélette de cinquième rang, le Demeter, et son exploration des côtes norvégiennes…

Vers l'Ailleurs…
Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'on ne s'attendait pas du tout à se retrouver là, au coeur d'une expédition maritime dont les tenants et aboutissants restent pour le moins obscurs dans un premier temps. Ce qui est certain par contre, c'est que notre narrateur est médecin-chirurgien de bord, Silas Coade, et que son art sera mis très rapidement à contribution lorsqu'un roc s'abat sur le crâne du colonel Ramos. S'ensuit une séance de trépanation à la française pour éviter que l'hématome extra-dural n'emporte le malheureux dans la tombe. Malgré cette mésaventure, le Demeter poursuit sa route à la recherche d'une faille qui le mènerait tout drôle vers un lagon caché et un Édifice aussi mystérieux que dangereux (et dont personne ne connaput l'orgine). C'est en retrouvant l'épave de l'Europe, un précédent navire bien moins chanceux, que les choses se compliquent. Topolsky, généreux mécène de toute cette aventure n'a pas vraiment tout dit au capitaine van Vught. Alastair Reynolds nous ferait-il son Dan Simmons en nous proposant une variation norvégienne du célèbre Terreur ?
Une expédition maritime, des glaces menaçantes, quelque chose qui semble s'en prendre aux explorateurs…
Sauf que voilà, l'auteur britannique a quelque chose de radicalement différent en tête. Rapidement, Silas trouve la mort… et se retrouve en fait au pôle sud sur un navire à vapeur… ou serait-ce sur un dirigeable après la Grande Guerre en Europe ? Les histoires s'enchaînent et résonnent, parsemées d'échos familiers et de motifs bien trop constants pour être le simple fruit du hasard… Mais que se passe-t-il à bord du Demeter et qu'arrive-t-il à Silas et les siens ?
Cette question occupe naturellement le centre d'un récit enchâssé où le lecteur va de surprise en surprise tout en comprenant, comme le narrateur, que quelque chose se trame en arrière-plan.
Les personnages restent les mêmes malgré quelques fluctuations de temps et de personnalités. le colonel Ramos semble être le plus proche de Silas, toujours blessé, toujours sauvé, toujours fidèle. Topolski complote constamment dans son coin et détourne l'expédition pour son propre profit, peu importe le coût en vies humaines. Dupin, le matheux de cette fine équipe, se sent de plus en plus mal à mesure que le mystère s'épaissit et qu'il tente par tous les moyens de le percer…et Ada Cossile… Ada la pinailleuse, la donneuse de leçons… en sait bien davantage qu'elle ne veut bien l'avouer !
Éversion est un piège qui se retourne sur lui-même au fur et à mesure que l'on progresse à l'intérieur…mais vers quoi ? Voilà bien toute la question…

Ressentir pour exister
De façon surprenante, surtout pour un roman étiqueté hard science-fiction, c'est bel et bien le ressenti des personnages et leur lente prise de conscience de la situation qui va venir ajouter au récit une touche à la fois humaniste et émotionnelle. Là où un Greg Egan n'arrive quasiment jamais à surmonter la froideur de ses écrits et hypothèses, Alastair Reynolds finit par tout miser sur son héros particulièrement atypique, à savoir Silas Coade.
C'est sa relation avec Ramos mais aussi avec Ada Cossile ou encore Raymond Dupin, qui va venir donner au récit sa conclusion déchirante.
Tout au long de ces trois cent pages, l'auteur n'aura cependant de cesse de revenir à cette question fondamentale en science-fiction et, plus largement, en philosophie : qu'est-ce qui fait la particularité de l'Homme ?
Alastair Reynolds propose une réponse aussi simple que touchante : sa capacité à compatir, à souffrir avec l'autre, à avoir de l'intérêt pour l'autre.
En bref, être humain, c'est faire preuve d'empathie.
Dès lors, Éversion peut certainement se concevoir comme un diabolique jeu de poupées russes science-fictif, reposant sur la théorie de l'éversion des sphères mais c'est surement sa capacité à rechercher ce qui construit une personnalité humaine et lui donne chair qui le rend véritablement intéressant. Par le souvenir, par l'acte de camaraderie, par la tristesse ou par l'attirance, et, surtout, par la capacité à survivre. Tout cela culmine dans ce récit volontairement entremêlé où l'on comprend peu à peu la terrible vérité que le narrateur refuse (très) longtemps de voir.
En additionnant une intrigue à tiroirs qui semble se rejouer en boucle en variant les temps et les lieux à une véritable réflexion sur le rôle de l'apprentissage des émotions pour l'homme de science, Alastair Reynolds offre un récit aussi passionnant que rusé.

Inattendu, roublard et finalement terriblement touchant, Éversion étonne en prenant le lecteur à contre-pied. Cette aventure de science-fiction protéiforme transforme la froide réflexion mathématique en vibrante ode à une humanité retrouvée par la compréhension de l'autre… et Alastair Reynolds nous offre ainsi un roman que l'on n'attendait pas, passionnant jusqu'au bout et déchirant sans prévenir.
Lien : https://justaword.fr/%C3%A9v..
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Sens dessus dessous

Les vaisseaux en SF, c'est du vu, du revu, et du rerevu. A moins d'être un fan assidu et hardcore de maquettes, pas de quoi se ruer sur le pénultième roman avec un vaisseau. Ce qui est mon cas, moi qui ne suis pas en outre très friand de Space opéra.
Mais tu as beau prendre des résolutions, ne pas lire des trucs avec des vaisseaux de la mort of death qui navigue à 200% de la vitesse de la lumière, quand ce n'est pas ceux qui plient l'espace ou empruntent un trou qui les fait tomber où ils veulent (moi, lorsque je tombe, je me retrouve toujours dans une situation que je ne veux pas)... Malgré tout cela, certains (sale engeance d'éditeur) s'en contrefichent et sortent un bouquin avec un vaisseau et ajoutent insidieusement le nom de Alastair Reynolds en couverture. Moi je suis quelqu'un de faible : entre vaisseau et amour, je choisis amour. Amour d'un auteur et de sa série Les inhibiteurs. Qui se résume a des vaisseaux (et des IAs surpuissantes). Bref, tout ce que je viens de te dire que ce n'est pas ma came.
Et pour bien mettre un terme à tes putains de résolutions, ces moins que rien n'hésitent pas à mettre une putain de couverture (dont tu contrefous, car tu lis en numérique) qui envoie du lourd. Et comme tu n'es qu'un pov' clébard, tu sors la CB et tu achètes un roman avec des vaisseaux...

Après tous ses préliminaires, tu t'attends à lire une histoire avec un immense vaisseau tip top original, surtout avec Alastair à la barre. Et tu remarques qu'il s'agit seulement d'une saloperie de bateau, un vaisseau naval quoi, une putain de barque !!! J'entends d'ici que vous vous exclamez : tu n'as pas vu le bateau sur la couverture qui déchire ? Si, mais je pensais que c'était un truc de graphiste, une licence poétique... Et je ne lis plus les 4e de couverture....

Plutôt méchamment pas content, je m'aperçois que je ne sais même pas ce que cela veut dire Eversion. Étant une personne intelligente, je sors mon dico qui me dit que c'est une histoire de pied. de pied !? Mais il est où le bateau dans l'histoire ? Car dans la mienne d'histoire il y a un bateau. Je réfléchis un peu et me rappelle que les distances dans ce bouquin sont en pieds (merci le traducteur ! Encore un payé à rien foutre). Voilà donc ce fameux rapport ? Ou alors que c'est pour dire que ce bouquin, c'est le pied ? Trop de possibilités pour mon cerveau canin... Je balance donc mon dico et consulte Google qui me déçoit rarement (vive les IAs), qui me dit que Eversion n'est pas une histoire de pied mais de sphère. Et c'est vrai que dans le film Sphère, il y a bien bien des vaisseaux : des bateaux, des sous marins et même une sphère et que ce film n'était pas le pied.

Tout concorde (un avion est-il un vaisseau ?) enfin, je peux continuer ma lecture. Qui me fait rapidement boire la tasse, car le bateau à voile est finalement un bateau à vapeur ! Eh oh le traducteur, il serait pas l'heure de prendre sa retraite ? "Pfff, ces traducteurs, j'vous jure. Pas comme ça qu'on va relever la France !" Bref, c'est le bordel complet, tout est inversé, sens dessus dessous et vice versa, et plus j'avance dans ma lecture, plus je sais que je ne pourrai rien en dire et que je devrais faire une chronique qui parlera de tout sauf de l'histoire, une longue digression. Et que tu t'aperçois pauvre lecteur, que tu viens de perdre quelques minutes pour ne rien savoir de plus.

Mais comme je suis quelqu'un de sympa tout de même, juste une constatation après la dernière page tournée : lit Eversion, c'est le pied.
Et là, enfin, l'illumination : pied - chaussures - chaussures bateau !!! Yes.
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Bienvenue à bord du Déméter ! Nous sommes approximativement à la fin du XVIII siècle, et la petite goélette fait voile vers les eaux de l'Arctique avec un équipage réduit à la recherche d'un endroit bien précis. Évoquée par une précédente expédition n'ayant pu aboutir, la rumeur de la présence d'une sorte de forteresse cyclopéenne baptisée « l'Édifice » a en effet attiré la convoitise d'un aventurier russe, persuadé de tenir là l'occasion de rentrer dans l'histoire et de coiffer au poteau tous ses concurrents. Outre le capitaine, les officiers et l'équipage, le vaisseau transporte une poignée de protagonistes qui vont jouer un rôle central dans l'intrigue. Parmi eux, le fameux opportuniste, Topolsky, un jeune mathématicien visiblement surmené, un colonel mexicain chargé d'assurer le bon déroulement de l'expédition, une femme nommée Ada Cossile et dont les compétences dans le cadre de ce voyage en particulier restent un mystère, et surtout un médecin, le docteur Silas Coade, qui va assumer la fonction de narrateur tout au long du récit. Problème : nous avons affaire ici à un narrateur qui rencontre visiblement quelques difficultés pour appréhender la réalité. En effet, si l'action commence bien au XVIIIe à bord d'une goélette naviguant dans les eaux nordiques, elle se poursuit soudainement à bord d'un bateau à vapeur évoluant au sud de la Patagonie et datant de la fin du XIXe. On bascule quelque temps plus tard au milieu du XXe siècle, et cette fois à bord d'un dirigeable plongeant dans une fissure repérée dans le coeur de la Terre. Et ainsi de suite. En dépit de ces grands écarts temporels, certains impondérables demeurent. D'abord, les membres de l'expédition sont toujours identiques et possèdent les mêmes traits de caractères. L'objectif est lui aussi similaire et tourne autour de la découverte et de l'exploration de ce fameux Édifice qui provoque une peur bleue chez le narrateur et dans lequel les membres d'une précédente expédition semble déjà s'être perdus. Enfin, chaque changement de période s'accompagne de la mort tragique de ce bon docteur qui ne garde ensuite que des bribes de souvenirs de son précédent voyage à bord du Déméter.

Le pitch est alléchant et repose tout entier sur le mystère que représentent ces va-et-vient temporels ainsi que sur la nature de ce médecin, personnage pourtant tout ce qu'il y a de plus ordinaire en apparence. L'intrigue se fonde sur une construction savamment maîtrisée et ne connaît quasiment pas de temps morts, Alastair Reynolds distillant au fil de son récit quantités d'indices qui viennent sans arrêt surprendre le lecteur et relancer son intérêt. On prend dans un premier temps beaucoup de plaisir à tenter de cerner l'époque à laquelle on se trouve puisque, outre l'aspect du vaisseau qui constitue déjà un indice, l'auteur s'est amusé à parsemer son récit de légers clins d'oeil historiques dont la plupart tournent autour du parcours du colonel Ramos au Mexique (les figures d'Hidalgo, de Santa Anna ou encore de Trotski sont par exemple évoquées et permettent grosso modo de dater l'action). Outre les références historiques, on trouve également de nombreuses références littéraires plus ou moins affichées. le narrateur est d'ailleurs lui-même auteur et les rares aperçus que l'on peut avoir de son roman en cours d'écriture fournissent chaque fois un petit indice sur l'allure qu'aura le Déméter lors de la prochaine expédition. La première époque dépeinte par Alastair Reynolds s'inspire énormément des grands récits maritimes, à commencer par ceux des désormais célèbres « Aventures de Jack Aubrey » de Patrick O'Brian auquel Reynolds emprunte, outre le cadre marin, le personnage du sympathique docteur accro aux opiacés. Impossible en effet de ne pas penser à Stephen Maturin, l'un des deux héros des romans d'O Brian, ce qui a pour principal effet de faire partir le lecteur avec un a priori positif sur Silas. L'expédition au coeur de la Terre fait quant à elle abondamment référence à l'imaginaire de Jules Verne, tandis que tout ce qui tourne autour de l'Édifice, dont la forme et les dimensions dépassent l'entendement, évoque plutôt les écrits de Lovecraft, à commencer par « Les Montagnes hallucinées ». Toutes les époques convoquent donc des imaginaires différents liés à l'exploration ou au fantastique, puis à la science-fiction, et c'est ce savant mélange qui fait en partie le charme du roman qui alterne entre récit d'aventure ou d'horreur.

Le pari tenté par l'auteur était pourtant assez osé, notamment parce qu'on aurait pu craindre que la répétition des mêmes scènes à des époques différentes finirait par provoquer la lassitude. En effet, quelque soit la période à laquelle le docteur se réveille, ce sont toujours les mêmes événements qui se répètent, avec toutefois quelques modifications (parfois infimes) dans le déroulement des faits ou la réaction des personnages. Seules les circonstances de la mort de notre narrateur varient, l'expédition avançant chaque fois de plus en plus loin à mesure que l'on change de temporalité. Ces répétitions n'ont pourtant rien de rébarbatives, bien au contraire. On se prend au contraire à traquer le moindre petit écart entre cette expédition et la précédente, et à analyser les interventions de la seule qui semble avoir un véritable aperçu de la situation, la fameuse Ada Cossile, seule femme de l'expédtition qui semble prendre un malin plaisir à asticoter en permanence le brave médecin. L'explication de ces mystérieux saut temporels et du rôle joué par le docteur Coade est quant à elle tout à fait satisfaisante et, en ce qui me concerne, inattendue. Alastair Reynolds étant réputé pour ses romans de hard-SF, je craignais que l'ouvrage ne parte dans des considérations techniques ou mathématiques ultra complexes auxquelles je n'aurais rien saisi, or il n'en est rien (même si une poignée de passages m'ont donné un peu de fil à retordre). La clé du mystère n'a au contraire rien de complexe mais s'avère très élégante, justifiant à elle seule l'intérêt porté au roman.

Avec « Éversion », Alastair Reynolds signe un roman à mi chemin entre le récit d'aventure maritime à la O'Brian et le récit d'horreur d'influence lovecraftienne, avant de basculer dans de la pure SF. Porté par un personnage extrêmement attachant, l'ouvrage repose en grande partie sur la qualité de sa construction narrative dont la clé de compréhension est à la fois surprenante et d'une élégante simplicité. Une belle découverte !
Lien : https://lebibliocosme.fr/202..
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critiques presse (1)
Liberation
08 mars 2023
On pense d’abord qu’Eversion est une mise en abîme : le Britannique Alastair Reynolds imagine un romancier qui écrit une histoire dont il semble lui-même le personnage, et qui serait celle qu’on est en train de lire.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
— Qu'est-ce qu'il se passe ? lança Topolsky dont le lourd vêtement froissé par le vent ruisselait de son passage sur le pont.
— Une urgence médicale, maître Topolsky.
— Le docteur va lui forer le crâne, expliqua Mortlock avec autant d'enthousiasme que s'il venait de passer chirurgien assistant. Son cerveau ne peut plus respirer, vous voyez, donc il lui comprime les pensées.
— Un résumé louable, dit madame Cossile en joignant le bout de ses doigts.
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— On sait en revanche que l'un d'eux à réussi à regagner "l'Europe" par le sas hydro, puis qu'il est retourné dans l’Édifice en se faisant traîner de force.
— Mon dieu.
— Il a eu le temps de laisser un message pour des visiteurs éventuels. Qui dit : "Cassez-vous vite." Devine la suite ?
— Ils sont entrés aussi.
— Tu piges bien la nature humaine, Silas. Jusque dans un de ses principes directeurs : il faut toujours compter sur quelqu'un pour faire l'inverse de ce qu'il devrait.
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"Tu crois savoir ce dont je suis capable ?
- J'ai écouté un trop grand nombre de vos histoires pour ne pas avoir une opinion de vos aptitudes"...
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Les hommes parlent dans leur sommeil, vous le savez maintenant. Sur un bateau, ce discours atteindra sans mal les oreilles d'autres hommes - même si ces derniers dorment aussi. Un vaisseau, c'est un rêve de murmures.
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"Aucune loi n'impose qu'un homme soit guidé par les mêmes obsessions que son prochain." Je le toisai. "Qu'est-ce qui vous guide Mortlock ?
- La tourte, surtout", dit-il, posant la main sur son ventre creusé qu'il aurait sans doute aimé remplir. "Et du grog. Et une histoire bien racontée. Comme les vôtres."
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Videos de Alastair Reynolds (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Alastair Reynolds
Whether your story is set in a real-life city, a distant planet, or an imaginary place, setting can be critical. You'll need to know how your characters get around, how long it takes to get from place to place, and what they'll see along the way. Authors whose stories are set in a variety of places—from early 20th century Paris to a confined spaceship—will speak on this panel. Featuring Alastair Reynolds, Constance Sayers, Alex Jennings, and R. S. Ford
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