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EAN : 9782377561292
186 pages
L'Ogre (03/03/2022)
4.17/5   6 notes
Résumé :
Le corps mutilé d'Ibrahim Qashoush est retrouvé flottant à la surface de l'Oronte. Il devient, dans une Syrie étouffée par la guerre à partir de 2011, un martyr. Il était le Rossignol de la Révolution, qui faisait s'époumoner les foules les jours de manifestations, avant d'être assassiné par les sbires du régime de Bachar-el-Assad. Qui était-il vraiment ? Chanteur ? Révolutionnaire ? Poète ? Maçon ? Maxime Actis part sur ces traces et à travers les différents person... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
"Ibrahim Qashoush" est le premier roman de Maxime Actis. Il aborde le sujet douloureux de la guerre civile en Syrie et d'un de ses martyrs.
Il a choisi la figure d'un jeune homme nommé Ibrahim Qashoush, mort pour s'être rebellé contre Bachar El Hassad et son parti le Baas. Il a été baptisé "Le Rossignol de la Révolution" après avoir été égorgé par les forces de sécurité du régime et ses cordes vocales ont été coupées. Tout ça parce qu'il a chanté lors des manifestations qui ont commencé à Hama à la fin du printemps 2011.
Quel symbole ! celui de lui couper la voix en ces premiers temps de la révolution.

Pour en témoigner, ce livre donne la parole à plusieurs personnes sous forme de petits chapitres. La construction du roman est originale puisqu'il y a des narrations croisées dans des temporalités différentes entre 2011 et aujourd'hui.
Il y a J.H. le journaliste anglais qui fait un reportage en se rendant en Syrie et en Turquie.
Il y a un aventurier (dans lequel on reconnaît les traits de l'auteur) qui se trouve en Grèce et Macédoine du Nord témoin de la fuite de familles syriennes qui cherchent à échapper aux massacres.
Il y a des rebelles comme Dima l'étudiante qui va rejoindre le Liban pour protéger sa vie en restant active, elle va créer un site pour recenser les morts pour le souvenir et la dignité des disparus.
Il y a aussi Abdel Basset Sarout le footballeur professionnel qui deviendra un chef rebelle.
Si ce livre raconte l'horreur, il est aussi question d'humanité qui se bat contre la mort.

Maxime Actis a choisi une écriture plate, un peu froide mais plutôt que de le lui reprocher je trouve que cela permet de gérer les émotions d'une telle histoire malheureusement bien réelle.
Encore une découverte intéressante grâce aux Prix des lecteurs de ma bibliothèque qui a sélectionné ce roman qui est le premier que je lis à utiliser l'écriture inclusive. J'ai plutôt apprécié d'autant plus qu'il va falloir s'y habituer.


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Challenge Multi-défis 2023
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À travers la figure d'un chanteur militant improvisé, et de la foule de voix qui l'accompagnent, une impressionnante mosaïque de l'horreur chaotique de la guerre civile syrienne – et un rappel salutaire de ce qui crée les réfugiés.


Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/05/15/note-de-lecture-ibrahim-qashoush-maxime-actis/

Quelques mois après le début du Printemps arabe à Damas, en 2011, une chanson inspirée du folklore traditionnel syrien, mais aux paroles redoutablement subversives (« Yallah Bachar dégage / Emballe vite tous tes bagages / Retiens ton armée sauvage / Yallah Bachar dégage / Y en a marre de tes discours / Après Kadhafi ton tour / Yallah Bachar dégage »), devient vite l'hymne officieux de la révolution en cours, scandé dans toutes les manifestations, avant que cette espérance ne se dissolve dans une répression d'une rare férocité, dans la guerre civile syrienne, dans l'émergence de l'État islamique, et dans le succès ultime, « sur le terrain », de Bachar El-Assad et de ses alliés iranien et russe. Dès juillet 2011, le cadavre de l'auteur présumé de la chanson, Ibrahim Qashoush, est retrouvé, gorge et cordes vocales tranchées, dans l'Oronte qui traverse sa ville de Hama. Alors que la légende du martyr prospère discrètement, bien des zones d'ombre demeurent, qu'il s'agit d'éclairer pour, peut-être, saisir quelque chose de ténu et de fort lové au coeur du chaos syrien et de son horreur depuis plus de dix ans.

Avec les sources qui peuvent être les nôtres désormais, dix ans plus tard, Maxime Actis a orchestré, dans ce premier roman publié aux éditions de l'Ogre en avril 2022, une quête polyphonique de vérité toujours un peu déjouée, une mosaïque brutale et pourtant paradoxalement poétique, pour nous restituer, entre fiction et documentaire (on songera logiquement au travail si sensible d'un John d'Agata), l'intensité de la brûlure, là-bas, et nous proposer en filigrane une lecture efficace et humaine de la vague de réfugiés née de ce conflit insoutenable – mais pourtant parfaitement soutenu.

Le journaliste J.H., enquêtant officieusement mais avec divers concours officiels, bien après les faits, de Damas à Istanbul, la jeune étudiante Dima, actrice des premières manifestations non violentes puis spectatrice compulsive d'une rapide montée aux extrêmes de la part du régime, le joueur de football Basset, le chanteur Rahmani seront les principales voix qui recueilleront les témoignages à adjoindre et mêler aux leurs, alors que déjà les mémoires se déforment, soumises aussi à l'emprise du chaos et de la peur.

Paradoxalement, la voix la plus importante du volume est peut-être celle qui ne franchira pas la frontière syrienne, mystérieux double de l'auteur, routard méticuleux et pourtant vagabond, dont le camping-car, aux confins de la Turquie et de la Grèce, avant de vouloir se rendre à l'origine des maux, mesurera de près la foule se pressant aux portes de l'Europe, comme si ne pas mourir sous les bombardements et les expéditions punitives était un choix (surtout si l'on n'est pas Ukrainien, mais Syrien ou Afghan), aux yeux de tant (trop) de membres de l'Union européenne. C'est elle qui nous rappelle, comme Emmanuel Ruben écrivant dans le même mouvement de pensée et de poésie ancrée ses « Sous les serpents du ciel » et « Jérusalem terrestre », d'une part, ses « Coeur de l'Europe » et « Terminus Schengen », d'autre part, comme Alain Giorgetti et son incroyable « La nuit nous serons semblables à nous-mêmes », comme Sébastien Ménard, même, avec l'envolée nostalgique de son « Soleil gasoil », Maxime Actis nous rappelle de sa cruelle beauté que le salut dans la fuite n'est pas un caprice ou une opportunité, et que la présence de quelques terroristes infiltrés dans un flot aussi massif ne doit jamais faire oublier qu'à la racine, il y a bien la nécessité vitale de l'échappée.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Chants syriens de la disparition. Dans un frappant ensemble de fragments, dans cette certitude d'être un outsider, de ne pouvoir rendre compte du réel syrien que depuis ses marges, ses frontières et ses rendus sur les réseaux, Maxime Actis parvient à faire entendre non tant un destin individuel que celui collectif, pluriel, d'une résistance et de son écrasement dans le sang. Ibrahim Qashoush prend la forme d'une enquête sur un chanteur disparu, sur le compositeur d'un hymne invitant à faire dégager Bashar el Asad pour collecter les traces de ce qui reste d'un pays, la Syrie.
Lien : https://viduite.wordpress.co..
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Il a fait beaucoup de route. Il suit du doigt l’itinéraire Google avec les étapes. C’est relativement abstrait maintenant. Il n’a plus grand-chose comme argent, juste de quoi rentrer, acheter de la nourriture et visiter quelques sites archéologiques. Il devra peut-être s’arrêter faire les vendanges en Grèce. Il verra ce qui est possible. C’est le moment de revenir sur ses pas.
Ça fait une semaine qu’il passe les pieds dans l’eau. Elle est claire et agitée. Ici, l’Oronte n’est plus un fleuve et ce n’est pas encore la mer. Beaucoup de familles viennent s’y baigner. Il les comprend : les montagnes autour donnent à l’endroit quelque chose de merveilleux.
Il sait que l’Oronte remonte jusqu’au Liban en traversant la Syrie alors il regarde le fleuve à contre-courant, comme s’il allait pouvoir deviner quelque chose de la réalité syrienne dont le fleuve est témoin. De toute évidence, il ne voit rien. Toujours rien. Au fil des jours il prend plusieurs photos du même endroit, du même point de vue. Pour ne rien en perdre, mais peut-être aussi pour en faire surgir quelque chose. L’eau coule et coule, rebelle. La fiche Wikipédia prétend que c’est le surnom du fleuve.
L’eau froide jusqu’aux mollets, il pense aux chansons de Basset et aux likes sur les pages citoyennes en soutien à la révolution sur Facebook. À tout le reste. Et il s’y perd. C’est à l’intérieur de sa tête. Il pense qu’il n’aura jamais été en Syrie, si ce n’est pas mirage, par l’intermédiaire de toutes ces images, mais, de toute évidence, oui, il ne voit rien. C’est un outsider. Pas un faible, ni un opposant qu’on sous-estime, non, il est juste en-dehors, alors il ne peut qu’imaginer, avec le moins de fantaisie possible. Il se dit qu’à la place où il est, il ne pourra pas faire plus : ramener quelques anecdotes, les plus modestes possible. Ne pas trop déformer la réalité et ses sensations, pas si éclairantes que cela.
À un moment, il regarde vers la mer.
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Dans cette petite ville, comme dans la plupart des villes du pays, cela fait bien longtemps que l’on ne parle plus. Les vieux et les vieilles répètent à leurs enfants que les murs ont des oreilles. C’est ce qui se dit depuis de longues années. Les murs ont des oreilles. Cela fait si longtemps que même les vieux et les vieilles ne se rappellent plus. Dehors et dedans, on ne parle pas, on chuchote, on chuchote lorsque les plats se déplacent de main en main pendant les repas, les murs ont des oreilles alors la peur se colle aux corps et aux mots. Une peur terrible. On ne parle pas car jadis, mais il n’y a pas si longtemps, il y a eu des massacres. Les hommes kaki sont entrés dans certaines villes et dans toutes ces villes. Tout le monde a été massacré.
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Une figure noire debout au premier plan. Le décor est la vieille ville de Damas, terre sombre. À droite de la photographie, il y a un passage très étroit, la silhouette s’est arrêtée devant une porte qui donne sur la rue, aucun mouvement, elle regarde, le numéro 17. On ne voit pas son visage. Il y a une porte en bois clair et un anneau pour la cogner. Pour frapper à la porte. Au-dessus de la porte quelqu’un a écrit un truc à la bombe aérosol rouge. Une inscription. Deux tracts sont collés aux vieilles pierres du mur. L’un d’eux est déchiré. Ce sont peut-être des publicités. Ce sont peut-être des mots interdits, imprimés à la va-vite. Impossibles à déchiffrer.
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D’après les informations recueillies, un corps est traîné au sol et des hommes le tirent jusqu’aux berges du fleuve. Ils ne sont pas venus là à pied, c’est éloigné de tout. D’après les informations recueillies, ils sont trois ou quatre. Toute la scène se passe au milieu de la nuit, on ne voit rien. Les hommes déposent le corps au bord de l’eau. C’est un corps mort. Avec le courant, le corps avance lentement sur le fleuve et, d’après les informations recueillies, le corps n’est découvert que plusieurs jours plus tard.
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C’est simple, le cadre, c’est la Syrie. Un territoire délimité par quelques traits sur les cartes, une terre calcaire et aride sur la côte orientale de la mer Méditerranée. C’est ça. Ce n’est pas une histoire qu’on pourrait raconter en prenant son élan et en commençant par il était une fois. On ne peut pas utiliser de formule magique. Peut-être des mots simples.
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Vidéo de Maxime Actis
Rencontre animée par Alain Nicolas
À lire l'un de ses textes publié dans une revue littéraire, sa mère dit à l'auteur que « ça doit être compliqué de vivre à force de regarder les choses précisément comme ça. » Mais c'est assurément un ravissement pour nous. Long poème composé de dix-neuf « chants », Les paysages avalent presque tout oscille entre un présent intranquille et des périples fondateurs à travers les Balkans. Des êtres qu'on perd jusqu'aux maisons désertées, en passant par cette femme qui ne reconnaît plus les siens : la poésie s'arme pour fixer tout ce qui file et que le temps engloutit. L'apparition d'un jeune poète saisissant.
À lire – Maxime Actis, Les paysages avalent presque tout, Flammarion Poésie, 2020.
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