On sait depuis les trois premiers livres de
Jussi Adler-Olsen que Rose, l'assistante de Carl Morck est un peu dérangée : le sort d'un petit chat, trouvé presque mort d'inanition, et euthanasié par les services de police l'émeuvent, parmi tous les cold cases, les meurtres et les horreurs qui viennent de fleurir dans le département V.
Sa propriétaire ne pouvait pas le laisser sans le confier à sa voisine, déduit-t-elle, il s'agit donc d'une disparition, il y a 23 ans. L'ile de Sprogo apparaît dans les radars, deux disparitions d'anciennes surveillantes seraient intervenues le même jour.
Histoire vraie, dont l'auteur remémore le souvenir : de 1923 à 1961, les femmes déclarées débiles ou ayant été enceintes sans être mariées étaient internées sur l'ile de Srogo et ne pouvaient la quitter qu'après avoir accepté de se faire stériliser. Pire, les stérilisations forcées et les hystérectomies étaient pratiquées sans le consentement des intéressées, suivant les idées « eugénistes » , en application des lois pour la pureté raciale adoptées ensuite par l'Allemagne nazie.
Il s'agit bien d'un bagne, avec violences, travail forcé, jeux pervers, mélange de vraies attardées mentales et de pauvres victimes, de pouvoir et de ruse avec l'impossibilité de s'en sortir. L'une de ces victimes, Nete, nouvelle Justine, passe de malheur en malheur, de viol en viol, d'espoir déchu en angoisse pure, atterrit à Sprogo, rebondit pourtant, puis….
Cette enquête, partant d'une histoire vraie, et pas tellement oubliée par tous, car , en 2010, des partis d'extrême droite continuent le combat, prêchant qu'il n'y a pas de sens à laisser vivre des individus incapables d'élever un enfant : criminels, handicapés, déficients mentaux, prostituées, et… immigrés( !!!)
Ce thriller politique, sûrement le meilleur des 4 que je viens de lire de
Jussi Adler-Olsen,
Dossier 64, dénonciation d'une pratique qui a bien eu lieu et dont seul le Danemark, à l'inverse de la Suède, de la Norvège ou de l'Allemagne, n'a pas offert réparations ni présenté d'excuses aux victimes, nous tient en laisse, nous enferme dans cette ile perdue du Nord du Danemark, pour nous livrer un excellentissime récit, varié, avec rebondissements entre les années 1987 et 2010, entre plusieurs protagonistes, Rose déjà citée, et Assad, qui semble impliqué personnellement dans cette horrible épisode . Car racisme il y a, bien entendu, le caractère et les pensées du néo-fasciste est exposé tel qu'il pense, brut de coffrage.
Avec humour ( je crois) l'auteur nous fait participer à une vengeance dont on aime qu'elle ait lieu, un peu de justice sur la terre. Et un rebondissement qui nous réjouit, lui aussi.
Humour que l'auteur dose avec science : « une des collègues de Carl lui adresse un sourire « qui aurait été censuré dans un film des années cinquante », sa femme veut le plumer « ce n'était tout de même pas sa faute si elle avait décidé d'organiser son mariage avec un homme avant d'avoir divorcé du précédent ».