Colette Baudoche est un roman de la revanche, celle d'un autre temps. le temps où Metz – c'est là que se déroule la majeure partie du récit – était devenue allemande, suite au traité de Francfort signé le 10 mai 1871, à la suite de la défaite française de 1870.
Maurice Barrès, qui a la Lorraine au coeur et un nationalisme peut-être exacerbé – répondant en écho à un autre nationalisme, je veux parler de l'allemand –, écrit ce roman à quelques décennies de la défaite française et une poignée d'années avant la conflagration la plus terrible pour la France : 1914-1918.
Barrès exalte ainsi la France et fustige l'Allemagne à travers l'histoire d'un enseignant qui découvre, au contact de ses deux logeuses – une vieille dame et sa petite-fille Colette –, la délicatesse française, opposée tout au long du récit à la rudesse germanique. Une rudesse que le personnage d'Asmus tente de conjurer en s'imprégant du mieux qu'il peut de l'esprit français. Car, ainsi que le stipule le texte : « Il est impossible de comprendre aucun objet si nous n'avons pas mêlé nos songes à sa réalité, établi un lien entre lui et notre vie. »
Aussi, Asmus choisit de se convertir à la France, « soutenu par le sentiment que depuis quelques mois, il se hausse à un degré supérieur de civilisation, et que ce perfectionnement, il ne pourrait y faire obstacle. » Ce qui ne saurait suffire, car il est marqué du sceau de l'infamie : il est allemand.
Et si le coeur de la jeune lorraine recueillerait volontiers celui du professeur allemand, lequel s'en est ouvertement épris, Barrès se dresse soudain, rappelant à la jeune femme un amour plus sacré que tout autre : la France. « Collette perçoit avec une joyeuse allégresse qu'entre elle et M. Asmus, ce n'est pas une question personnelle, mais une question française. »
Plus qu'un roman, il s'agit donc là d'un manifeste patriotique qui, à la lumière des deux guerres mondiales, perd de sa puissance évocatrice. Car à la revanche, nous, lecteurs d'aujourd'hui, n'avons plus en mémoire que les morts et les destructions de toute sorte qu'occasionnèrent ses querelles sanglantes entre la France et l'Allemagne ; ce que ne pouvait deviner Barrès au moment où il écrivait.
Si l'on y retrouve le style exalté de l'auteur, Colette Baudoche n'est cependant pas de la trempe de
la Colline inspirée ou des Déracinés. C'est d'ailleurs plus un manifeste qu'une oeuvre littéraire proprement dite…