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La force des choses tome 2 sur 2
EAN : 9782070367658
507 pages
Gallimard (06/10/1972)
4.21/5   111 notes
Résumé :
A trop se décanter, le passé perd cette intensité qui nous l'a fait vivre le coeur battant et qui donne aux souvenirs leur saveur humaine à défaut de la froide impartialité historique. C'est pourquoi, au risque d'encourir le reproche de manquer du recul nécessaire, Simone de Beauvoir a choisi de continuer dans La Force des choses l'autobiographie entreprise dans Mémoires d'une jeune fille rangée et La Force de l'âge. Vie publique, vie privée se confondent au cours d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Simone de Beauvoir, certes brillante élève de philosophie avec une tête bien faite et bien pleine. Inutile d'épiloguer.
Je retrouve dans ces mémoires beaucoup de scènes du film sur Sartre de Claude Goretta, sorti en 2005, « Sartre, l'âge des passions », que j'avais particulièrement apprécié, mais ce n'est bien sûr qu'une adaptation plus ou moins embellie et romancée des faits de cette époque.
Cela dit si l'écriture est évidemment plaisante, stylée, souvent plaintive aussi, nous voici un peu comme dans Le Journal des frères Goncourt.
Si les voyages ou réflexions et les histoires de coeur de la philosophe et les tracasseries maladives fort nombreuses de Sartre se lisent avec facilité et ne demandent aucune vérification, en revanche les événements - appréciations et jugements portés sur la guerre d'Algérie, la colonisation, l'historique, etc, - demanderaient pour un lecteur exigeant des recherches approfondies concernant cette période pour cautionner ou non les affirmations faites sans concession. Je ne l'ai pas encore fait, et reviendrai dans peu de temps donner mon avis.
Je n'ai pas lu le tome 1, et n'ai pas l'intention de l'acheter.
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Ce dernier tome des Mémoires retrace la période allant de 1952 à 1959, ce qui correspond à sa relation avec Claude Lanzmann, qui n'a que 25 ans lors de leur rencontre (elle en a 44), jeune journaliste engagé qui revendique ses origines juives et son passé de résistant, et est ouvertement communiste et anticolonialiste. A son contact, elle va se politiser davantage, lire la presse, et ils écriront tous deux beaucoup pour la revue "Les Temps modernes", fondée par elle et Sartre en 45, et que Lanzmann dirigera à la mort De Beauvoir, en 1986. Très vite, il s'installe chez elle. En 54, elle gagne le Goncourt grâce aux "Mandarins", et accède à l'indépendance financière (elle profitait de l'argent de Sartre).
Cependant elle continue de faire des voyages notables avec Sartre, notamment en Chine, dont elle fera un livre, même si "la culture chinoise, essentiellement une culture de fonctionnaires et d'hommes de cour (...) ne la touche pas", à Cuba, où ils défendront le régime castriste, puis 2 mois au Brésil, où ils se frotteront au syncrétisme des favelas où des miséreuses entrent en transe et qui fera l'objet d'un journal de bord ; en URSS et en Pologne aussi (ils passent tous leurs été à Rome, leur ville préférée). Elle va aussi revoir son ancien amant Algren et ils vont voyager en Europe. En France, De Gaulle est au pouvoir, l'indépendance de l'Algérie fait couler le sang, la torture se répand et Beauvoir s'engage donc aux côtés de Gisèle Halimi pour dénoncer ces agissements et signe la préface de son livre ; Sartre est lui-même inquiété pour ses positions anticolonialistes, et son appartement sera plastiqué. de plus, sa santé n'est pas bonne car il se tue au travail et force sur la bouteille. Simone est inquiète. Elle y voit sa propre finitude... C'est une sombre période qui s'ouvre alors. Ils perdent leurs anciens amis : Genet, Camus, Vian... et se replie sur elle-même, écoutant de la musique seule chez elle. Mon intérêt pour ce tome a beaucoup varié car elle n'explicite que très peu le contexte politique. Ce que j'ai préféré, c'est quand elle étrille les auteurs qu'elle lit, voyez un peu :
« Quand à Hemingway, je continuais d'admirer certaines de ses nouvelles. Mais L'Adieu aux armes, le soleil se lève aussi, relus, me déçurent. Il avait fait faire un grand progrès a la technique romanesque ; mais, leur nouveauté disparue, les procédés, les stéréotypies sautaient aux yeux. Surtout je découvrais chez lui une conception de la vie qui ne m'etait pas du tout sympathique. Son individualisme impliquait une connivence décidée avec l'injustice capitaliste ; c'etait celui d'un dilettante assez riche pour financer de couteuses expéditions de chasse et de pêche et pratiquant à l'égard des guides, des serviteurs, un paternalisme ingénu. Lanzmann me fit remarquer que le soleil se lève aussi était entache de racisme ; un roman est un microcosme : si le seul pleutre est un juif, le seul juif, un pleutre, un rapport de compréhension, sinon une relation universelle, est posé entre ces deux caractères. D'ailleurs, les complicités que nous propose Hemingway a tous les tournants de ses récits impliquent que nous avons conscience d'être, comme lui, aryens, mâles, dotes de fortune et de loisirs, n'ayant jamais éprouvé notre corps que sous la figure du sexe et de la mort. Un seigneur s'adresse a des seigneurs. La bonhomie du style peut tromper, mais ce n'est pas un hasard si la droite lui a tressé de luxueuses couronnes : il a peint et exalte le monde des privilégiés. »
« J'avais aperçu aussi, chez le Wright, Truman Capote, couché sur un divan, en pantalon de velours bleu pale ; il avait du talent, mais il n'en faisait pas grand chose. On m'avait trop vanté The Catcher in the Rye de Salinger ; j'y trouvai surtout des promesses. Et malheureusement la poésie (américaine) m'échappait. »
Ou encore :
« Pasternak est un très grand poète ; mais je ne réussis pas à lire "Le Docteur Jivago" ; l'auteur ne m'apprenait rien sur un monde auquel il semblait s'être fait délibérément aveugle et sourd et il l'enveloppait d'un brouillard ou il se dissolvait lui même. Pour avaler ce pave de brumes compactes, il faut que la bourgeoisie ait été soutenue par un fanatisme puissant. »
« Mais je me plongeais de bon coeur dans les profondeurs de Lolita. Nabokov contestait avec un humour inquiétant les limpides rationalisations du sexe, de l'émotion, de l'individu, nécessaires au monde de l'organisation. Malgré la gaucherie prétentieuse du prologue et l'essoufflement final, je fus prise à l'histoire. Rougemont, qui parle sottement de l'Europe mais pas si mal du sexe, a loué Nabokov d'avoir inventé une figure nouvelle de l'amour-malédiction ; et il est vrai qu'a l'époque de Coccinelle et des ballets roses, l'amour n'entraîne plus pour personne la damnation ; tandis que, au premier coup d'oeil qu'il a jeté sur Lolita, Humber Humbert entre en enfer. »
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Ça y est, je crois que l'on peut dire que je suis arrivée à la moitié de l'autobiographie de Simone de Beauvoir. Avec le deuxième volet de la force des choses, l'auteure reprend là où elle s'était arrêtée à la fin de la première partie. Publié en 1963, il commence à la Libération (première partie) et se termine au début des années 60.

L'auteure se confie sur son état d'esprit par rapport au communisme soviétique ou encore sur la guerre d'Algérie. On retrouve aussi les descriptions de ses voyages, ses surprises et ses déceptions, et aussi, on fait la connaissance d'un nouveau personnage haut en couleur : Claude Lanzmann, écrivain, cinéaste (notamment connu pour son documentaire culte Shoah, 1985) qui va devenir son amant, puis un de ses amis les plus proches.
J'ai un peu étudié Lanzmann par le passé, mais j'ai vraiment pu apprendre à le connaître grâce au portrait qu'en brosse Beauvoir, ça a donc été avec une petite pointe de tristesse que j'ai appris son décès en juillet dernier.

J'ai encore mis énormément de temps à lire ce volet. le précédent m'avait paru bien trop politique, pas assez intime. Il m'avait laissé sur ma faim on va dire. J'attendais beaucoup de cette deuxième partie et je n'ai pas été déçue.
J'ai mis deux mois à le lire pour deux raisons, la première était que je voulais absolument le commencer lors de mon séjour à Paris, il s'avère que je logeais juste à côté de son dernier appartement - d'ailleurs, elle mentionne à un moment la rue dans laquelle j'étais et qui se trouve en face de sa plaque commémorative.
La deuxième - qui n'est que répétition si vous avez déjà vu mon article sur L'invitée - est que la typo de chez Folio est un véritable calvaire. C'était pire encore que pour L'invitée, une police minuscule, des mots mâchés. Il m'arrivait de me retrouver comme une con dans le métro à essayer de déchiffrer un mot pour saisir la phrase. Ça n'a pas de sens.

Je suis immédiatement entrée dedans, c'est dans son style élégant que l'auteure nous ramène à sa vie peuplée d'écriture, de sorties et de voyages.
On découvre donc Lanzmann, qu'elle mentionne au tout début. Ce portrait est important, dans la mesure où cet homme aura une place de choix dans l'avenir de l'auteure. Il est présent tout au long du livre - l'époque dont elle traite correspond à celle de leur liaison (1952-1959) - et même lorsqu'ils décident de se séparer, Lanzmann n'en reste pas moins un ami très proche de la philosophe puisqu'il deviendra le directeur des Temps modernes, la revue créée, entre autres, par Sartre et Beauvoir.

Elle nous emmène aussi lors de ses voyages, avec elle on découvre l'Italie, l'Espagne, Cuba, Brésil... On découvre tout un tas de pays par le biais de ses impressions, que ce soit sur le paysage ou sur le pays en lui-même - c'est à ce moment que l'on se rend compte à quel point elle était pour le régime de Castro par exemple.
Néanmoins, l'événement véritablement au centre du livre, c'est bien évidemment la guerre d'Algérie et la nomination de de Gaulle à la tête du pays.


Mon avis en intégralité :

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Cette deuxième partie de la Force des choses reste à la hauteur du travail de mémoires. Peut-être même est-elle encore plus réussie. du point de vue politique, nous sommes plongés dans les méandres de la guerre d'Algérie et le retour de De Gaulle. Et cet événement historique n'est pas tout à fait traité de la même manière que la seconde guerre mondiale. Simone de Beauvoir semble prendre davantage de recul (paradoxalement elle écrit cette partie assez tôt après avoir vécu ces événements). L'auteure est aux prises avec sa conscience morale et c'est finalement la première fois qu'elle prend autant de distance avec la France et les français. Et on peut le comprendre à la lueur des crimes de l'État français ! Au niveau de la vie privée, elle semble également de plus en plus transparente, notamment à travers sa relation avec Lanzmann. L'une des parties les plus réussies est selon moi le voyage au Brésil. Autant ses précédents voyages pouvaient paraître longs, autant ce pays est formidablement bien décrit et l'on ne s'y ennuie pas (sans doute parce qu'il est étudié à la lueur de convictions politiques et personnelles). Enfin, tout au long de cette partie, comme dans la précédente, on sent la mort toute proche. Et l'épilogue est l'apogée en terme qualitatif. Elle fait le bilan de sa relation avec Sartre mais aussi de sa relation avec elle-même, à travers l'évolution de son corps, de ses goûts,de ses convictions. Une fois la connivence installée entre Beauvoir et le lecteur il me semble difficile de la lâcher en si bon chemin. Peu d'auteur ont provoqué cet effet chez moi, ce n'est pas une question de vie semblable, d'idées convergentes ou de style. C'est un tout. Grâce à elle, le travail de Mémoires est sublimé !
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Lu il y a plus de 10 ans, je me souviens ne pas y avoir retrouver la fraicheur de ses "Mémoires d'une jeune fille rangée", que j'avais adoré. le réel poids des années s'est installé, et elle semble l'accepter avec résignation. Mais comme cela me fait peur à moi!
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Citations et extraits (40) Voir plus Ajouter une citation
1er octobre 1958 - Le soir, j'ai dîné avec Han Suyin, très séduisante. Je l'ai retrouvée au Pont-Royal : tailleur clair, longue, mince, le visage à peine asiatique, belle pour ses quarante ans. La fille de père chinois, est nettement asiatique ; elle ne sait pas un mot de français et elle a dû bien s'ennuyer. Nous avons dîné chez Beulemans. Hans Suyin est intéressante. Elle a décidé très jeune d'assumer sa condition de métisse : elle a choisi de ne pas choisir ; elle se sent aussi occidentale qu'asiatique, dit-elle, mais tout son cœur est à l'Asie. Elle vit à Singapour et de neuf heures du matin à cinq heures du soir, chaque jour, elle soigne des femmes chinoises : (elle est médecin gynécologue) ; puis elle rentre en auto chez elle et elle écrit. Depuis 52, elle va tous les ans en Chine ; elle admire énormément les dirigeants et les cadres : ce sont des saints, dit-elle. Elle me raconte qu'à Singapour et même à Canton, malgré le régime, il y a encore des communautés de femmes (trente mille environ à Canton) qui sont lesbiennes reconnues, elles se marient entre elles et adoptent des enfants. Elles peuvent sortir de la communauté et épouser un homme. Alors elles se coupent les cheveux.

659 - [Le Livre de poche n° 2540, p. 237-238]
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"J'ai étais prête à aimer l'Amérique. Je tombai de haut. Ils... se penchaient sur l'Europe, sur la France, avec une arrogante condescendance. La discussion me parut souvent aussi vaine qu'avec des grands paranoïaques. J'entendis des étudiants, des professeurs,des journalistes se demander sérieusement s'il ne fallait lâcher des bombes sur Moscou avant que l'URSS ne fut en mesure de riposter. ..Ce qui m'inquiéta le plus, ce fut l'inertie de tous ces gens que harcelait une propagande égarée ...ils étaient incapables de penser, , de choisir, , de décider par eux-mêmes. Ils usaient dans tous les domaines de cet étalon abstrait , l'argent."
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Des jeunes femmes surtout viennent me voir. Beaucoup se sentent coincées par une situation - mari , enfants, travail - qui s’est créée avec leur complicité, et pourtant malgré elles : elles se débrouillent avec plus ou moins de chance. Souvent, elles essaient d’ecrire. Elles discutent avec moi leurs problèmes. Certaines me font d'extravagantes confidences.
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Chaque soir, au théâtre Montparnasse, un public sensible pleurait sur les malheurs anciens de la petite Anne Frank ; mais tous ces enfants qui étaient en train d'agoniser, de mourir, de devenir fous sur une terre qu'on disait française, il n'en voulait rien connaître (...). Je ne supportais plus cette hypocrisie, cette indifférence, ce pays, ma propre peau. (...) Je regardais ces jeunes garçons en tenue léopard qui souriaient et paradaient, le visage bronzé les mains nettes : ces mains... Des gens s'approchaient intéressés, curieux, amicaux. Oui, j'habitais une ville occupée, et je détestais les occupants avec plus de détresse que ceux des années 40, à cause de tous les liens que j'avais avec eux.
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Quant à Hemingway, je continuais d’admirer certaines de ses nouvelles. Mais "L’Adieu aux armes", "Le soleil se lève aussi", relus, me déçurent. Il avait fait faire un grand progrès a la technique romanesque ; mais, leur nouveauté disparue, les procédés, les stéréotypies sautaient aux yeux. Surtout je découvrais chez lui une conception de la vie qui ne m’était pas du tout sympathique. Son individualisme impliquait une connivence décidée avec l’injustice capitaliste ; c’était celui d’un dilettante assez riche pour financer de couteuses expéditions de chasse et de pêche et pratiquant à l’égard des guides, des serviteurs, un paternalisme ingénu. Lanzmann me fit remarquer que "Le soleil se lève aussi" était entache de racisme ; un roman est un microcosme : si le seul pleutre est un juif, le seul juif, un pleutre, un rapport de compréhension, sinon une relation universelle, est posé entre ces deux caractères. D’ailleurs, les complicités que nous propose Hemingway à tous les tournants de ses récits impliquent que nous avons conscience d’être, comme lui, aryens, mâles, dotes de fortune et de loisirs, n’ayant jamais éprouvé notre corps que sous la figure du sexe et de la mort. Un seigneur s’adresse a des seigneurs. La bonhomie du style peut tromper, mais ce n’est pas un hasard si la droite lui a tressé de luxueuses couronnes : il a peint et exalte le monde des privilégiés.
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Vidéo de Simone de Beauvoir
Vous connaissez Simone de Beauvoir, mais peut-être pas sa soeur Hélène. Pourtant, cette artiste peintre s'est elle aussi engagée pour la cause des femmes.
#feminisme #simonedebeauvoir #cultureprime
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