"Le Prisonnier Masqué" parachève avec brio -que dis-je avec brio?- avec panache "Secret d'Etat", cette trilogie splendide et surtout infiniment addictive signée
Juliette Benzoni et c'est avec un plaisir gourmand qu'on y retrouve Sylvie, Perceval, François, Marie flanqués de nouveaux personnages empruntant et empruntés autant à
L Histoire (
Nicolas Fouquet,
Louise de la Vallière, Athénaïs de Montespan, la marquise de Binvilliers de sinistre mémoire, Mazarin, Anne d'Autriche…) qu'à l'imaginaire fécond de la romancière.
Nous avions quitté Sylvie et les siens subissant les affres de la Fronde en même temps que ceux de son coeur, déchiré -pauvre de lui- entre sa tendresse pour Jean qui n'eut d'autres défauts que cette trop grande douceur qui le rendait un rien fade si ce n'est mièvre et son béguin adolescent pour ce fat de François, aussi beau qu'insupportable.
L'un frondeur et l'autre pas. Celui qui croyait en Mazarin et celui qui n'y croyait pas.
Alors non, ce n'est pas la rose et le réséda... le lys et l'oeillet peut-être bien et dans cette histoire là, c'est le lys que fauche l'oeillet, Jean qui tombe et François qui s'en va, maudit par Sylvie qui une fois encore devra compter sur l'amour des siens pour ne pas sombrer dans le désespoir tandis qu'elle pleure son époux et qu'un fils lui vient de cette nuit frondeuse.
Bien sûr que la jeune duchesse s'était aussi promis, dans la foulée, qu'elle se retirerait à tout jamais de la cour, qu'il n'y aurait plus pour elle de bals et de complots, de secrets et de représentations, de chicanes et de traquenards, de grandes fêtes et de petits soupers...mais c'était sans compter sur le jeune Louis XIV qui ne l'a jamais oublié et qui souhaite lui voir intégrer la maison qu'il forme pour sa future épouse, l'infante
Marie-Thérèse d'Autriche. Même veuve, même sage, on ne dit pas non à celui qui n'est pas encore le Roi-Soleil.
C'est ainsi que Sylvie regagne Paris puis Saint-Jean-de-Luz où elle assiste au mariage de son roi et de la princesse espagnole. Elle qui aspirait au calme sera confrontée à nouveau aux turpitudes du faste, de la noblesse et de la cour... et celle du jeune Louis XIV est au moins aussi cruelle que celle de
Louis XIII et si elle n'est plus la jeune demoiselle d'honneur apeurée d'alors, il n'en demeure pas moins que rien ne sera épargné à la duchesse de Fontsomme qui risque de payer fort cher le prix de ses amitiés et plus encore celui d'un secret qu'elle traîne depuis une nuit d'orage de 1636...
Et puis, il y a François, qu'elle s'était jurée de ne plus jamais revoir mais qui lui aussi s'est mis au service du soleil levant...
Comme dans les deux tomes précédents,
Juliette Benzoni nous entraîne avec verve et un sens consommé du romanesque au coeur de ce XVII°siècle cher aux romanciers qui ont trouvé là matière à sculpter, nous en donnant à voir tout un pan que Dumas avait rêvé bien avant elle avec "Le Vicomte de Bragelonne" et c'est une merveilleuse leçon d'histoire (mais si vous savez bien! L'affaire des poisons, la valse des maîtresses du roi, la "mauresse de Moret", l'homme au masque de fer, enfin!) qui se profile tandis que la fiction se déploie elle aussi, scellant nos retrouvailles avec des personnages incroyablement attachants.
Oui, c'est parfois mièvre et cousu de fils blancs.
Oui, j'ai parfois eu envie de secouer abruptement Sylvie dans ce tome mais j'ai tellement frémi aussi et savouré chaque intrigue jusqu'à plus soif ... Encore aujourd'hui alors que mes quinze ans s'éloignent de plus en plus inexorablement, je ne peux que saluer cette saga que j'ai tant aimé, avec ses défauts et ses qualités.
Et puis, je lui dois ma théorie favorite sur l'homme au masque de fer...