AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782246314011
470 pages
Grasset (28/08/1985)
3.07/5   14 notes
Résumé :

Anne Marie était le grand roman de l'amour filial. La Chasse à l'ours, qui s'ouvre par la mort déchirante de cette mère mythique, est celui de la passion amoureuse. Autour de Lulu, cinquante ans, grand reporter dans un quotidien parisien, ours" lâché aussi bien dans la forêt africaine que dans la jungle parisienne, les femmes tournent en chasseresses, sans toujours savoir sur quel pied danser...Car ce baroudeur désa... >Voir plus
Que lire après La chasse à l'oursVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
La chasse à l'ours // Lucien Bodard
En mission journalistique à Belfast en Irlande au moment de la guerre civile, une guerre qui n'en est pas une tout en en étant une, l'auteur se confie à la feuille blanche pour évoquer sa vie privée.
« L'Irlande et ses spasmes m'ont arraché opportunément à un autre bourbier, plus ravageur encore, dans lequel je me débattais comme un Pierrot: ma vie avec les femmes. » Une dilection ! Une aboulie !
Les femmes, ses bourrelles, l'auteur avoue qu'elles sont aussi ses victimes et que souvent il les a lacérées, déchiquetées, anéanties ! Mais le fait est là : ses épouses successives et ses maîtresses ont tourné « démones et sorcières, un tourbillon cyclonique, un sabbat prométhéen » qui à présent le concasse et le broie tel un vortex femelle.
« Passions des femmes ! Mon malheur… » écrit-il.
Alors il y a Clémence, sa femme, la légitime, la pire du lot. Vingt ans de moins que lui, mais une vraie nature ! « S'il y eut un temps merveilleux dans ma vie, ce sont mes premiers jours avec Clémence… Clémence de ma passion. Tout en elle est délectable… Clémence l'impudique dans une certaine qualité de pudeur…Elle pourrait être ma fille…Que voit-elle en moi ? L'homme, le père, l'amant ?...Elle, ma sémillante fillette, ma compagne, ma femme !...Ses imaginations, sa pétulance !... » Amoureuse de l'anathème, Clémence l'amante truculente… Hélas, elle est aussi reine de la félonie et quand elle endosse ses atours de Madone à la blancheur liliale, c'est qu'elle franchit les sommets de la trahison ! Hydre sous ses aspects charmants et son caractère primesautier !
Puis il y a Martine, la maîtresse en titre, tendre comme une walkyrie opulente et grand coeur, mais son goût féroce du pouvoir emporte tout avec son sourire de chef dominateur, son talent, sa réussite, son aura.
Sans oublier Paule, l'ex, épouse divorcée qui continue à se comporter en reine-mère en affirmant que dans l'univers de Lucien, elle est la seule femme qui ne soit pas une maladie. Elle se dit même guérisseuse des maux infligés par les autres femelles aux hommes qu'elle aime.
Enfin il y a les abonnées, une petite harde peu exigeante dont Ghislaine, une fidèle.
Anne-Marie est morte : c'est l'incipit de ce roman qui s'ouvre sur la mort déchirante d'une mère hors norme, mythique en vérité. « Anne -marie ma mère ma femme, mon amante. » le temps est alors à la sidération : Lucien, cinquante ans, reste sans réaction et se confie…Anne-Marie : une mère qui l'a façonné à sa manière, qui l'a déglingué comme il dit, démoli pour la vie ; elle a tout fabriqué ses névroses, ses lâchetés, ses faiblesses.
« Anne-Marie passait de l'amour à la méchanceté, de la sincérité à la duplicité, ma mère pouvait multiplier ses facettes à l'infini… »
Après la vie avec sa mère et une minutieuse description de la maison de retraite où elle a croupi durant vingt ans à Cavalaire, l'auteur décrit son cadre de travail à Paris au journal France-soir avec une galerie de portraits étonnante. En fait grand reporter dans le monde entier, il ne reste jamais bien longtemps en les murs du journal. Lâché aussi bien dans la forêt africaine que dans la jungle parisienne, les femmes chasseresses le courtisent à tout va. Baroudeur désabusé, don Juan acharné, il est un infidèle possessif à l'appétit infernal.
Aucun des membres de sa famille ou presque n'échappent à la plume acérée de Bodard. « La dégueulasserie m'a entouré dès le berceau, une duperie permanente…Le cul-de-sac de leurs pauvres passions et de leurs sombres convoitises…Beaux messieurs, belles dames, de sales bêtes tournant en rond dans le bocal des bienséances. La méchanceté en épingles de cravates et robes décolletées, une fange à belles dentelles… »
Dans ce roman, Lucien évoque avec lucidité et émotion toutes ces femmes qui ont tourné autour de lui, tantôt mystérieuses, tantôt séduisantes et séductrices. C'est une véritable confession, sans détour, dans laquelle il avoue qu'il redécouvre constamment en lui avec découragement, une incapacité à résoudre les problèmes de sa vie : il les entasse, les accumule, ils s'enchevêtrent, ils l'écrasent…
Habilement, Lucien intercale des souvenirs d'enfance avec Anne-Marie sa mère. Les vacances bucoliques à Ancenis chez le frère et la belle-soeur d'Anne-Marie ont laissé un parfum de douceur et de nostalgie quand le petit garçon d'alors était choyé de tous. La messe dominicale était un moment privilégié : « Les lumières irréelles et les pénombres vacillantes, le capharnaüm, la sainte foire des objets religieux, ces gens statufiés en des positions incroyables, plutôt inconvenantes, la surabondance de christs barbus et nus… » Et les fidèles qui tous pratiquent, « confessant leurs petits péchés, se repentant suffisamment, communiant dévotement ; certains, plus inquiets, ont peur du diable et de sa rôtisserie. Somme toute, ce sont de bons chrétiens qui auront droit au paradis… »
Tout au long du roman, on notera l'extraordinaire talent de l'auteur pour dresser des portraits de personnages, le plus souvent au vitriol d'ailleurs comme celui de Mao Tsé Toung, et puis dans l'évocation des événements de mai 1968, le tout dans un style foisonnant, abondant, exalté, exubérant et toujours teinté d'humour et enrichi de mots inventés très suggestifs.
Et vers la fin du récit, Lucien se livre à des aveux, reconnaissant ses torts dans les conflits qui l'opposèrent à ses femmes et notamment à Clémence : « J'appelais amour mon vampirisme, cette obstination à métamorphoser Clémence en une bonniche ayant mission de dépoussiérer mes rides. » Clémence, son éternelle Clémence jusqu'à la dernière ligne !


Commenter  J’apprécie          40


Lire un extrait
Videos de Lucien Bodard (14) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Lucien Bodard
Jacqueline Duhême Une vie (extraits) conversation avec Jacqueline Duhême à la Maison des artistes de Nogent-sur-Marne le 8 février 2020 et où il est notamment question d'une mère libraire à Neuilly, de Jacques Prévert et de Henri Matisse, de Paul Eluard et de Grain d'aile, de Maurice Girodias et d'Henri Miller, de Maurice Druon et de Miguel-Angel Asturias, de dessins, de reportages dessinés et de crobards, d'Hélène Lazareff et du journal Elle, de Jacqueline Laurent et de Jacqueline Kennedy, de Marie Cardinale et de Lucien Bodard, de Charles de Gaulle et du voyage du pape en Terre Sainte, de "Tistou les pouces verts" et de "Ma vie en crobards", de Pierre Marchand et des éditions Gallimard, d'amour et de rencontres -
"Ce que j'avais à faire, je l'ai fait de mon mieux. le reste est peu de chose." (Henri Matisse ). "Je ne sais en quel temps c'était, je confonds toujours l'enfance et l'Eden – comme je mêle la mort à la vie – un pont de douceur les relie." (Miguel Angel Asturias)
+ Lire la suite
autres livres classés : romanVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (47) Voir plus



Quiz Voir plus

Les écrivains et le suicide

En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

Virginia Woolf
Marguerite Duras
Sylvia Plath
Victoria Ocampo

8 questions
1710 lecteurs ont répondu
Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}