Une future académicienne qui situe une partie de son roman au Tadla, à Aït Saïd, Beni Mellal et cite Kasba-Tadla. Aẗt Saïd n'existe pas sur les cartes du Maroc, imprimées depuis des années, sa dernière apparition sur une carte remonte à 1925 ?
Charles de Foucauld fit halte à Aït Saïd le 19 septembre 1883 et décrit le village un peu comme le fait
Dominique Bona, en particulier les grottes qui attirent
Malika. L'exemplaire lu est celui publié par le Club France Loisir, 1993, avec en couverture une femme brune aux cheveux lâchés, tête rejetée en arrière, souriante, deux vêtements : un déshabillé très échancré noué par une ceinture, une petite culotte blanche, un truc pour attirer le lecteur.
Que désire nous conter
Dominique Bona ? « On parlait de tennis et de bateau, on s'en tenait aux futilités du mois d'août et à ses festivités. le soleil et le sport suffisaient à faire oublier les tracas de Paris. » (page 30) ou bien « Elle [
Malika, alors nounou à Saint-Tropez] évoquait aussi l'Orient, ses odeurs de vanille et sa lascivité. Elle reflétait le sud. Un sud aussi flou qu'extensible, qu'ils avaient du mal à préciser, mais dont ils ne pouvaient s'éloigner. La jeune fille éclipsait toutes choses. Même absente, disparue de l'autre côté de la maison, Cendrillon était la reine de la soirée. » (page 41) ?
Malika perturbe, sans le vouloir, sans intention, « naturellement » par son corps, son attitude, l'harmonie de façade, la légèreté des vacances en faisant aller chercher à des éléments de la « bourgeoisie » parisienne gavés de futilités, de préjugés, au tréfonds d'eux-mêmes les fantasmes qui les habitent, des souvenirs enfouis, des idées malsaines. « La jeune fille [
Malika] avait exprimé sa personnalité. Elle ne se laissait plus réduire à une fonction. Elle était elle-même. Un corps étranger qu'on n'avait jamais vu. Un corps sensuel, provocant et malicieux. Un corps joueur, qui s'amusait à plaire. Un corps excitant, capable d'allumer certains feux dans certains regards, et reléguait dans l'ombre les autres corps de femmes. Qui existait sauvagement, et près duquel
Marie-Hélène se sentait ternir, fondre tout entière. » (page 47)
Après une deuxième lecture, je me demande qui est central dans ce livre,
Malika la marocaine analphabète, qui dans les mots de l'autrice ne semblent surtout exister qu'à travers son « corps sensuel d'orientale brune à la peau mâte », « ..., elle [
Malika] n'en demeurait pas moins de la famille des impulsifs et des sensuels : l'instinct la dominait, elle ne raisonnait pas ses désirs. » (page 273) ou bien ce microcosme financier et pseudo-artistique avant-gardiste parisien échoué en bordure de Méditerranée, au mois d'août, qui divague ?
Me gênèrent les wagons de stéréotypes sur l'Orient, « Elle évoquait aussi l'Orient, ses odeurs de vanille et sa lascivité. », Orient = vanille = lascivité ?, la misère « Comment dire aux gens d'ici, prompts aux jugements expéditifs, au mépris de ce qui leur est étranger, comment évoquer cette vie fruste, sans confort, sans hygiène ? Comment leur raconter, sans les faire sourire, qu'elle allait s'accroupir derrière la maison dans un coin qu'on nettoyait à la paille tous les deux ou trois jours, où les poules pondaient leurs oeufs ? » (page 82), l'islam, « À Aït Saïd, les gens vivaient sans daigner s'attarder sur eux-mêmes, sans comparer leur sort à celui d'autres villages, plus au nord ou plus au sud, et pour la plupart d'entre eux, sans espérer de transformations ou d'améliorations matérielles. Ils acceptaient. Soumis à une décision qu'ils jugeaient indiscutable et souveraine, d'essence divine, ils pensaient simplement que si Dieu l'avait voulu, s'il l'ordonnait encore, il était vain de désirer autre chose. le désir était déjà un blasphème, une contestation de l'ordre supérieur. La loi consistait à obéir, à se soumettre corps et âme, à ne pas déranger par l'exercice d'une volonté si péniblement et si modestement humaine, la volonté d'Allah. La sagesse était dans l'acceptation des données universelles : la naissance, l'histoire de chacun, la mort, tout était écrit et défini par avance, il était aussi inutile que dangereux de se dérober. Telle était la seule philosophie qui eût cours à Aït Saïd, et elle valait plus encore pour les femmes. doublement victimes de cette organisation générale, de ces décrets qui pesaient sur la tête de tous. Allah et les hommes légiféraient pour elles. » (pages 90/91), le distinguo entre femmes berbères et femmes arabes, « Elle renonça à plaider pour ses ancêtres berbères. Les Français s'en tiennent à une vision simpliste de l'Afrique du Nord, ils ne distinguent au Maghreb que les Arabes, auxquels ils portent sans nuance, pour la plupart d'entre eux, une égale et violente inimitié. Par orgueil, par sentiment de ne pas être comme les autres, au lieu de se replier sur elle-même, de se conformer au rejet, elle se considéra comme une fille de roi. C'était sa manière de se défendre. Elle exprima toujours devant moi la fierté d'appartenir à un peuple de la plus noble origine. » (page 250)
Gênant également les explications systématiques et naïves qui alourdissent le texte, l'appauvrissent, enferment le lecteur au lieu de lui offrir un espace de liberté, « Sa volonté de fer tenait chez elle de l'instinct de survie. Quelque chose d'irréductible se cachait en elle: une foi invincible dans un destin personnel. » (page 167), «
Malika se fiait simplement à une croyance de son pays selon laquelle il est des lieux, des dates et des événements auxquels on ne se dérobe pas. Ils sont de l'ordre d'une volonté supérieure, inspirés par Allah. Aussi ne s'inquiétait-elle pas : elle arrivait en territoire annoncé. » (page 237).
Enfin le cliché étalon sur le Maroc, totalement absurde « À deux ou trois cents kilomètres d'Essaouira, de ses couleurs tièdes et transparentes, la rudesse des roches rouges et leur contraste avec la végétation luxuriante des montagnes au loin - la Suisse en fond du décor, devait-il me dire - enthousiasmèrent le photographe. Il prit plusieurs clichés des orangers se profilant sur un désert de poussière, avec en contrepoint, sur la ligne de l'azur impeccable, une giclée verte de pâturages. le voyage à Aït Saïd fut pour lui une occasion supplémentaire de s'émerveiller sur un pays à ce point imprévisible et secret qu'il lui rappelait sans cesse son inspiratrice. » (page 221). Les hauteurs de Beni Mellal évoquent la Suisse, n'est-ce pas plutôt la Suisse qui remémore le Maroc ? Sur les hauteurs de Beni Mellal, des pâturages verts,
Dominique Bona a-t-elle questionné les moutons sur le vert des pâturages mellali ? « inspiratrice » qu'il [le photographe rencontré à Essaouira et qui exploitera
Malika, une ordure] déshabille pour la photographier comme le firent les photographes coloniaux avec leurs séries « mauresque ». Est-ce ainsi que l'on écrit pour devenir académicienne ?
Photographies, cartes et textes supplémentaires, ici : https://sites.google.com/view/kasba-tadla/accueil