C'est en gros par erreur que j'ai lu
Mère Courage et ses enfants, vu que j'étais persuadée que le challenge Théâtre avait un niveau
Brecht ; en fait, c'était un niveau
Marivaux (il faut quand même en tenir une couche pour confondre les deux). Donc, toute à mon erreur, je renâcle, je renâcle et je renâcle encore, comme je le fais depuis plusieurs années concernant
Brecht. C'est que ces histoires de théâtre didactique donnent une image à la fois ennuyeuse et poussiéreuse aux pièces de
Brecht. Et puis il faut bien avouer que ma bibliothèque de quartier n'offre pas beaucoup de choix (oui, je sais, le théâtre ça ne sort pas, donc on en achète pas, donc forcément ça risque pas d'être lu si c'est pas à disposition, et donc ça ne risque pas d'être emprunté. Mais passons.) Donc je devais avoir le choix entre deux ou trois bouquins, dont un avec des bonnes taches de café dessus : c'était Mère Courage. Comme les autres titres me rebutaient encore plus que Mère Courage, c'était soit l'exemplaire aux taches de café, soit celui que j'ai récupéré dans une boîte à livres... mais en allemand. Mon allemand s'étant fort usé au fil du temps, j'ai opté pour les taches de café (les gens sont dégueulasses, quand même ; quand ils ne rayent pas des DVD tout neufs. Mais passons.) Donc je me force en vue du challenge (pour le niveau
Marivaux, en toute logique), j'ouvre mon livre (avec ses taches de café), et là... grosse surprise. Ce texte qui m'avait semblé horriblement ennuyeux quand je l'avais tout juste feuilleté m'a plu dès la toute première page.
Mère Courage, de son véritable nom Anna Fierling, parcourt l'Europe au XVIIème siècle, en pleine Guerre de Trente ans. Elle suit l'armée (au vu des circonstances, elle peut changer de camps si nécessaire) avec ses enfants et sa carriole, dans laquelle elle trimbale un peu de tout ce qu'elle peut revendre. C'est comme ça qu'elle gagne piètrement sa vie, et qu'elle va mettre, bien qu'involontairement, en péril ses enfants. Étonnamment, Mère Courage est consciente de profiter de la guerre pour survivre, mais d'être aussi largement exploitée, de se montrer lâche, et pourtant elle continue envers et contre tout son parcours insensé. La fin montrera que le courage peut pourtant se révéler dans les pires circonstances, et chez quelqu'un qu'on n'attend pas forcément dans ce rôle - mais qui évidemment n'est pas Mère Courage.
Brecht a l'art de traiter un sujet grave avec beaucoup d'humour, les répliques de Mère Courage y étant pour beaucoup, ainsi que les chansons ponctuant la pièce. Je ne sais quoi dire d'intéressant, tellement
Brecht l'a lui-même analysée pour les spectateurs et a clairement expliqué ce qu'il dénonçait : le capitalisme naissant, dont Mère Courage est à la fois la victime et l'un des rouages, mais surtout le fait que Mère Courage n'apprend rien de son expérience. Pour une fois, les éditions de L'Arche n'ont pas livré un texte brut (ce qui m'agace prodigieusement d'habitude, vu le prix de leurs bouquins), mais ont constitué un petit dossier en fin d'ouvrage avec des textes et un entretien de
Brecht, qui permettent de saisir son projet. le grand regret de
Brecht, c'est au final que les gens aient apprécié sa pièce mais n'aient pas saisi son propos, même six ans après sa création (la pièce a été montée en 1949). Il cite des idées reçues du genre "Une bonne guerre réglerait tout ça" et déplore le fait que personne n'apprenne rien de la guerre : "[La masse] apprend aussi peu de la catastrophe que le cobaye apprend de la biologie." Bon, bon, bon.
Voilà, c'était la critique rigolote du jour. Vu que je fais une pause du côté de O'Neill, il fallait que je trouve un autre sujet bien déprimant pour combler cette lacune. On ne peut pas toujours faire le clown, n'est-ce pas ?
Challenge Théâtre 2020