Il est de certains sujets, à peine s'en approche-t-on, de graves turbulences affectent aussitôt le sens. On ne s'entend plus, les phrases se brouillent, on ne voit plus ce qui est écrit. Pire, on voit autre chose à la place. Il se produit un phénomène d'hallucination sémantique (...) Bien entendu, celui qui a émis le sens, et qui le voit se présenter tout à fait différemment à l'autre extrémité de l'échange (...) a tendance à protester : il n'a pas dit ce qu'on lui fait dire, il a même dit tout le contraire. Mais ses protestations ne servent à rien, car même s'il arrive à prouver qu'il n'a pas dit ce qu'on lui fait dire, on lui rétorque que ce qu'il croit avoir dit n'est pas du tout ce qu'il voulait dire vraiment, et qu'on est seul à savoir, et à pouvoir lui expliquer.
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C'est précisément l'objet de la vie morale d'empêcher la capitulation devant la pulsion, lorsque celle-ci est reconnue comme mauvaise.
On parle pour ne pas dire, pour assurer que certaines choses ne seront pas dites, que des pans entiers de la réalité resteront offusqués.
Je crois profondément que la civilisation a été inventée pour rendre possible la solitude.
Comme il arrive assez souvent en histoire, la vertu est-elle mal récompensée.
Le développement et la prospérité d'un pays dépendent beaucoup plus de la nature des relations qu'entretient sa population avec ce que j'appelle obstinément et par facilité son "contrat social" qu'ils ne dépendent des ressources naturelles de ce pays, de son climat ou de sa latitude.
S'ils veulent rester quarante-cinq millions d'Espagnols, les Espagnols doivent s'ajouter de très nombreux non-Espagnols, sans quoi ils n'y arriveront pas.
Plus que de la laideur, à mon avis, le XXe siècle fut le siècle de la camelote.
Ce qui manque le plus à présent, c'est l'absence.
Aucune culture ou civilisation ne peut atteindre un haut degré de développement si à chaque génération elle doit repartir de rien.
Il faut créer une classe cultivée autonome, indépendante de toutes les classes sociales existantes.
La politique n'intéresse plus personne, les gens préfèrent les variétés ? On fera passer les hommes politiques dans les émissions de variétés, et ils seront jugés sur leurs capacités à soutenir un dialogue avec Doc Gynéco.
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Français par Montaigne, par Marivaux, par Mallarmé, très peu par Molière. Français par Manet, par La Marseillaise, par les larmes (Le Bord des larmes). Français par le vin, français par le pain, par la salade à la fin des repas. Français par la Seine à Jumièges, par les futaies d' Île-de-France, par la balustrade d'Estaing. Français par les Jardins de la Fontaine, par le château d'eau du Peyrou, par la vie comme à Bordeaux. Français par le ciel de Paris et par la lumière du Gers. Français par Paul-Jean Toulet, par Alexis de Castillon et par Valentin de Boulogne. Français par le mauvais caractère, par les après-midi tranquilles, par le canard Gédéon et par Adieu Philippine. Français par Jean Racine, par Blaise Pascal, par Marcel Proust. Français par la mélancolie, par le goût des distances, par la futilité. Français par les comptoirs des Indes, par la mort de Montcalm, par Druot près du four à pain de son père. Français par l'appel du 18 juin. Français par Henri Matisse. Français par Vercingétorix. Français par la statue d'Henri IV au Pont-Neuf. Français par le fromage, par la villa Médicis, par les jardins de Cordès. Français par le foie gras de canard, par la sonate pour flûte, alto et harpe. Français par : Vous autres Français vous oubliez toujours qu'entre la vanité et le ridicule il n'y a qu'un pas, dit Lloyd George. – Oui, le pas de Calais, répond Briand. Français par la Suisse romande, par la statue de Clemenceau au rond-point des Champs-Élysées, par les Monet des années vingt. Français par Les Trois Mousquetaires, par Robert de Saint-Loup, par Jeannot Lapin et sa cour à la rosée. Français par le mot mort, par le mot paysage, par tous les mots en age...
Entre le VIIe siècle et la fin du XIXe siècle il y a certes des immigrés, c'est-à-dire des étrangers qui s'établissent en France et qui deviennent français, ou dont les enfants deviennent français. Ils sont en nombre suffisant, et leur apport est assez précieux, dans les domaines les plus divers – l'art, l'artisanat, la politique, la mode, l'industrie, l'architecture, les travaux publics, la maçonnerie, la musique, la littérature, la vie spirituelle –, pour qu'on puisse dire qu'ils ont contribué, et de manière très positive, à faire de la France ce qu'elle est. Mais ces immigrés ne font pas une immigration. Ce sont des individus, ou quelquefois, plus rarement, des familles, qui s'agrègent au tissu, à l'histoire et à l'esprit nationaux (et quelquefois ne s'y agrègent pas, et repartent dans leur pays d'origine). Par la force de leur personnalité ou l'intensité de leur travail, ils peuvent en modifier la nuance, mais ce sont toujours, après eux, le même tissu, la même histoire, le même esprit. Ce dont il est question aujourd'hui, et qui s'effectue depuis un peu plus d'un siècle, mais surtout depuis une trentaine d'années, est un phénomène qui n'est pas seulement d'une tout autre ampleur, mais qui, par son ampleur même, incomparable à ce qui a précédé, est d'un caractère radicalement différent.
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Rencontre avec Renaud Camus à Paris, à la Maison des Mines, le 18 mars 2022
Programme : -Conférence autour de son dernier livre La Dépossession animée par François Bousquet
– Débat avec le philosophe Olivier Rey
– Rencontre et dédicace
Informations utiles :
Date : 18 mars 2022
Horaires : 19h30-23h
Maison des Mines
270 rue St Jacques 75005 Paris
Tarifs :
Billet classique : 10€
Billet classique + La Dépossession : 41€
Billet -26 ans : 7€
Billet -26 ans + La Dépossession : 39€
Billeterie :
https://my.weezevent.com/conference-dedicace-renaud-camus-a-paris