"Ah Léon, Léon, Léon…" Pour ceux qui s'attendent à reprendre en coeur ces chants du folklore rugbystique, une bière à la main, le béret sur la tête devant leur livre, à revivre au fil des pages des souvenirs de bandas, de troisièmes mi-temps échevelées, de rejeux de matchs au comptoir, d'accent rocailleux des terroirs risquent d'être déçus. En effet, même si le rugby est bien au coeur de l'ouvrage, l'action a été transportée dans un pays imaginaire. Et, au grand dam de la franchouillardise, l'auteur n'a que peu recréé cette dimension culturelle et populaire, cette âme et cette chair qui sous-tendent la ferveur d'une population et permettent de donner un élan plus transcendant au sport. Mais, le parti pris du roman est plutôt de s'intéresser à la vision de l'intérieur de la vie d'une équipe professionnelle de haut niveau. Donc, tant pis pour la chaleur et l'exaltation, mais place à la sueur, la hargne, le défi et la performance ! Même si c'est moins fun, c'est aussi moins image d'Épinal.
La sueur, la hargne, le défi et la performance sont également présents dans le second coeur du bouquin, du côté de l'énigme policière et de l'équipe des enquêteurs. En effet, face à des crimes en série "mytho puissance deux" (mythomanie des assassins, mythologie grecque en toile de fond), les enquêteurs peinent entre leurs histoires d'amour intestines, la pression publique, la poursuite des criminels dans une énigme pas toujours très facile à suivre. En effet, en principe, l'exercice du roman policier veut qu'on ne trouve pas trop vite les meurtriers, et qu'il faille donc tenter d'égarer le lecteur jusqu'au rebondissement et dénouement finaux. On peut dire que sur ce point, l'auteur a gagné, car il n'épargne pas la sueur et la peine aux lecteurs non plus. En effet, il n'est déjà pas aisé d'assimiler
L Histoire, la géographie, la chronique rugbystique, le droit constitutionnel de la République - nom tristounet et plat du pays fictif dans lequel se déroule le livre - et les traductions de grec ancien de l'intrigue, mais avec l'absence d'évidences dans les raisonnements de l'enquêteur principal, cerveau en chef de la dream team des policiers, Fénimore Garamande (les noms des personnages ont beaucoup plus de relief que celui du pays : on les dirait issus d'un état-civil haïtien ou du 18e siècle), on a du mal à suivre toute la logique de l'enquête, à saisir comment il arrive à trouver les assassins au bout du compte. Car, il est vrai que globalement on a du mal à tout comprendre. En effet, pour apporter de l'humour au texte – et c'est une réussite –, le propos est ironique et le style est très déstructuré ; mais il l'est parfois tellement que le sens peut échapper, même après plusieurs relectures. Il faut donc, dans ces cas de figure, essayer d'avoir une compréhension d'ensemble plutôt que détaillée.
En conclusion, oeuvre pas antipathique et écrite avec drôlerie, pour rugbyman adepte de la méthode de lecture globale donc.