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sur 500 notes
Louis-Ferdinand Céline, le « grand bazardeur de la patrie », le « fléau mauvaise foi cynique saboteur », le « mal embouché », le « désastreux pitre », le « bouc providentiel », le « traitre rêvé »…
Cet « animal des ténèbres », celui montré opportunément du doigt par les résistants de la vingt-cinquième heure pour cacher leurs propres turpitudes, leurs petites saloperies, leurs grandes lâchetés…
Ainsi se voyait Céline ! En victime expiatoire. Tout juste bon à être éviscéré, puis immolé par les « bonnes consciences » à la place de plein d'autres, bien plus fieffées ordures d'extrême mauvaise foi que lui.
Réfugié dans sa colline de Meudon, il se défend becs et ongles contre le monde entier si monstrueusement injuste envers lui. Il en oublierait presque « Bagatelles », le grand Ferdine. C'est quand même à cause de ce livre, de son antisémitisme viscéral, de ses fréquentations douteuses qu'il se retrouve en plein Bérézina…
Il combat avec son unique arme : les mots ! Il éructe. Il rugit. Il vocifère. Sa haine est incandescente. Un magma en fusion.
Il ne veut épargner personne. Les pauvres qui se méfient de lui, médecin loqueteux. Et qui écrit en plus ! les éditeurs, ces vampires qui lui sucent jusqu'à la dernière goutte de son sang. le monde littéraire nouvelle vague. Des bien plus pitres que lui. Tartre (JP Sartre) le grand clown ; Malraux l'idole des jeunes ; Mauriac le chichiteux bordelais…. Pas un qui n'échappe à sa rage embrasée. Ses trois petits points qui pétaradent comme une mitrailleuse, qui explosent comme de grands geysers de lave en fusion.
Son peu de tendresse, il la donne sans retenue à ses proches : Lili, la compagne des bons et des mauvais jours ; le Vigan, acteur halluciné comme on en fait plus de nos jours ; Bébert, le chat au tact tout en ondes ; toutes celles et ceux qui souffrent et qui ont besoin d'un médecin comme Madame Niçois, une bien vieille dame, une patiente fidèle, arrivée en bout de course.
C'est chez elle que Céline se chope une crise soudaine de paludisme. le « frisson solennel » ! C'est dans la fièvre, les transes qu'il va se souvenir de Sigmaringen, et de son « Hohenzollern-château, fantastique biscornu trompe-l'oeil ». Comme dans un mauvais rêve. Comme une simple déconnade.
Ses souvenirs, il va les vomir au milieu de ses sempiternelles jérémiades. C'est pour éviter de se faire lyncher qu'il accompagne le dernier carré d'hommes fidèles au maréchal Pétain. Toutes les épaves de l'Europe Nouvelle viennent s'échouer à Sigmaringen. Bouts d'armées étrillées ; haillonneux hagard ; rescapés effarés des grands bombardements. Pendant que le médecin Céline a les pieds et les mains dans la merde et le sang, les puissants font toujours comme si l'Europe Nouvelle avait un grand avenir. Théâtre d'ombres pathétique. Elle rétrécit pourtant comme peau de chagrin, l'Europe Nouvelle. Les américains poussent à l'ouest, les russes à l'est, et l'armée de Leclerc s'empare de Strasbourg. Mais on veut encore croire à la victoire finale, et on projette d'édifier une statue de Charlemagne, plus haute que celle de la liberté. Ultime bouffonnerie quand le triste Laval, en échange d'une fiole de cyanure, nomme Céline Gouverneur de Saint Pierre et Miquelon.
Avec le Céline de « D'un château l'autre », « Nord », « Rigodon », ça passe où ça casse. Me concernant, ça passe. Sa musique intérieure, cette écriture réinventée, ses vociférations torrentielles m'ont toujours transporté, fasciné, dérouté, ému, dégouté, perturbé. Par-dessus tout, j'aime quand Céline se fait matois, cabotin, qu'il rentre les griffes, et rit des autres et de lui-même sans méchanceté. Enfin presque !
J'ai mieux compris et davantage apprécié « D'un château l'autre » qu'il y a une trentaine d'années quand je l'ai lu pour la première fois. A cause peut-être des inévitables accidents de la vie, et de deux, trois rêves à jamais disparus… J'aurais préféré autrement.
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Sur "D'un château l'autre", un fin commentateur a publié ici la critique suivante: « Il y a quelque chose de pourris au royaume du Danemark comme dirais Shakespeare »: ça, c'est envoyé: quelle claque! Allez, je « like » et je clique. Fine saillie spirituelle, quel dommage pourtant qu'en si peu de mots l'orthographe y soit tant maltraitée. Et la convocation de l'oeuvre la plus célèbre du « Molière anglais » à l'appui de cette petite critique assassine ne doit pas nous faire oublier tout le talent littéraire de Louis-Ferdinand Céline qui fut, avec Marcel Proust, le plus grand écrivain français du XXe siècle.

Premier volet de la trilogie allemande, avec « Nord » puis « Rigodon », « D'un Château l'autre » est un récit très personnel, hallucinant et halluciné, pour évoquer sans souci de chronologie sa fuite de France à la Libération et son errance outre Rhin, du château de Sigmaringen, en Allemagne, à une forteresse prison au Danemark, entrecoupé de souvenirs de ses années à Montmartre ou en banlieue. Cette trilogie, c'est un peu sa saison en enfer. Céline s'y montre à la fois pamphlétaire, mémorialiste et auteur comique, avec des portraits féroces des hommes de la clique de Vichy comme de ses rivaux littéraires. Mais la vérité historique n'est pas la qualité première de l'ouvrage, tant l'homme était un écorché vif (20 ans en 1914, blessé pendant la 1ère Guerre et 45 ans en 1939). L'écrivain se situe sur le plan de la littérature autant dire celui de l'artiste. Comme tout créateur, donc, il déforme, transforme, défigure et transfigure à sa guise la réalité. Malgré ses outrances, l'auteur restitue quand même bien toute l'atmosphère de cette époque.

« D'un Château l'autre » est surtout un chef d'oeuvre littéraire, comme l'opus suivant d'ailleurs. Il est paru en 1957 et renouvelait profondément l'écriture. le titre en fournit déjà un bel exemple avec cette géniale contraction faisant disparaître la préposition. Il y a chez Céline beaucoup de procédés d'écriture et un immense travail sur la syntaxe, qui abolit la traditionnelle structure « sujet – verbe – complément » pour introduire une rupture qui reproduit à merveille l'émotion et le flux des pensées. Jamais un auteur français n'a approché de si près l'art de transcrire la langue parlée dans l'écrit : il réussit le tour de force de nous donner l'illusion de l'entendre plus que de le lire. Mais ne nous y trompons pas : il s'agit bien d'une véritable prouesse obtenue par un labeur acharné. Une écriture réinventée, triturée, expurgée et aérée qui s'appuie sur les émotions au détriment de la raison. Un roman où l'innovation langagière de l'auteur abonde aussi avec de nombreux et savoureux néologismes : « barafouiller », « brouillagineux », etc. Ah, quel talent, le Ferdinand !

Rappelons enfin que nous jugeons un livre et pas un homme (que d'autres plus autorisés se sont amplement chargés de le faire avant nous) et qu'il ne s'agit pas non plus d'un livre antisémite, l'ombre portée par les pamphlets de l'auteur étant déjà suffisamment noire et accablante, sans qu'il soit nécessaire d'en rajouter pour essayer d'occulter la créativité et les géniales fulgurances stylistiques de cet écrivain maudit. Un écrivain souvent imité mais jamais égalé.
Alors, revenons à Hamlet pour ce petit conseil amical à notre fin lecteur du début : "Jetez, nous vous en prions, cet impuissant chagrin dans la poussière..."
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Ah, je vous devine ! Bande d'hypocrites malfaisants ! Vous vous étiez dit comme ça : « D'accord, Voyage au bout de la nuit, à la rigueur Mort à crédit, mais pas plus. Après, oh non ! ça pamphlète sévèrement, ça s'extrême-droitise sans complexe ! Et c'est pas le chat Bébert qui nous fera avaler la pilule ! »
N'empêche, ça vous chatouillait l'orteil et pire encore – que j'en causerai même pas que c'est tellement pas propre ! Je suis médecin, l'hygiène…Vous comprenez !
Mais malgré vos réticences proprettes, vous avez plongé dans ma Trilogie allemande, même si vous vous êtes sentis aussi sales que les mains de l'agité du bocal, celui qui s'est découvert une virginité héroïque de pucelle lorraine à la Libération en m'accablant de tous les noms de bactéries…Jean-Paul Tartre il disait que j'étais pas un digne… Pas grave s'il avait passé l'Occupation sans trop s'écorcher la morale résistante ! du passé, tout ça…table rase…commode…nouvelle légende…et des bourre-pif à Céline pour lui faire payer comptant son talent qu'on a pas…Je connais ces choses…Je les ai vues…
Je vous perds, je reviens…
Or donc, vous avez lu D'un château l'autre, premier panneau de mon triptyque pas vernis pour deux ronds…C'est le début de la fin…Les chefs d'hier sont juste bons à causer rhumatismes et grogner sur la pitance qu'on leur sert…restrictions…Pétain et sa cour claudicante c'est Louis XVI le 10 août 1792. Fini les Tuileries, direction le Temple !
A Sigmaringen, vous avez viré voyeurs, je sais…faites pas les dégoûtés. Même que vous avez aimé cette déroute lamentable ; même que, si vous êtes honnêtes, vous aurez remarqué que je les adorais pas bézef ces compagnons d'exil…sauf La Vigue, acteur en délicatesse…comme moi. Je les ai travaillés comme Picasso portraiturant Dora je sais plus qui ! C'est qu'il y avait du spectacle, pouvez me croire, j'y étais…Vécu…
Puis vous l'avez refermé mon livre, frustré…Envie de savoir le reste…C'est humain…Toujours savoir. Surtout qu'on vous l'a racontée, la suite, façon ennemi public numéro 1, auteur maudit...Vous voulez m'entendre encore, pour ma défense et pour le plaisir de vous cochonner l'esprit : l'Allemagne en lambeaux, le Danemark, la prison, j'en passe…Vous pouvez plus vous arrêter…Ma prose : de l'opium sans pipe et sans autel !
Ah, si j'avais dit pardon ! C'était Goncourt, académie et Panthéon ! Là, rien : pas d'école, pas de rue, pas de stade. Céline ? Connais pas !
Bon, je vous laisse : « moi là comme je suis, sur le flanc, je voudrais vous parler encore… tableaux, blasons, coulisses, tentures !… mais je ne sais plus… je retrouve plus ! la tête me tourne… oh ! mais attendez !… je vous retrouverai !… vous et mon Château… et ma tête !… plus tard… plus tard… »

(Ceci est un pastiche. le fantôme de Céline décline donc toute responsabilité !)
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Il y a quelque chose de pourris dans le royaume du Danemark , comme dirait Shakespeare ...
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ISBN : 9782070367764

Encore un roman célinien, c'est-à-dire un roman dont les fondations plongent au sein de la réalité la plus solide, avec un Céline redevenu médecin à Meudon après les années d'exil et de poison, un médecin qui, le plus souvent, soigne les pauvres et gagne très peu, voire rien du tout, un Céline que viennent visiter aussi quelques "curieux" genre M. Perrichon, qui se délectent à observer dans sa déchéance cet Himalaya de l'écriture, cet OVNI de la Littérature française - et mondiale. Cela nous vaut l'inénarrable anecdote où un Céline impavide - qui a emprunté un Pachon, appareil destiné à prendre la tension artérielle - assure à ces patients sournois et venus là pour le juger et se gausser de ses malheurs que leur tension personnelle n'est pas loin de friser les 25 ! Evidemment, ajoute-t-il, toujours aussi professionnel et aimable, s'ils acceptaient de s'abonner à un autre régime alimentaire - le marché noir fait encore recette ... Départ en fanfare des clients furieux, non pas de friser les 25 de tension mais à l'idée qu'on puisse leur supprimer ce à quoi ils tiennent le plus : la bouffe et la gnôle ! ...

Céline, lui, s'amuse. Méchamment - et même très méchamment - mais c'est la seule façon qu'il lui reste pour l'instant de protester contre ces visiteurs indésirables - et puis, après tout, ne jouent-ils pas, ces imbéciles, aux agents provocateurs ? D'ailleurs, il ne s'en prend pas qu'à ses malades, réels ou imaginaires. Bien sûr, il nous évoque sa haine contre ceux qui ont saccagé et pillé sont appartement d'avant-guerre et vendu ses meubles à l'encan quand encore ils ne les ont pas brûlés. Il raille, avec quelle férocité ! la Triolette et son Larengon (devinez qui c'est ) sans oublier le sieur Tartre, auteur sans talent, philosophe sans queue ni tête, philosophe de mes deux qui n'a jamais eu de style mais qui, à la place, a toujours eu l'art et la manière de s'approprier les idées des autres avant de les cuisiner à sa propre sauce . On voit aussi passer un Paul Morand qui a finalement tiré d'assez bonnes cartes d'un jeu pourri à la base - y en a toujours qu'ont une de ses chances, ma Doué ! comme nous le balance çà et là l'écrivain qui, jamais, ne renoncera à ses origines bretonnes, celles que symbolisait sa mère, sa mère, morte de faim, de froid et de tristesse sur un banc parisien alors que lui-même se trouvait en prison au Danemark, sa mère discrètement enterrée au Père-Lachaise parce que c'est si facile de s'attaquer aux morts même s'ils ne furent, de leur vivant, que de braves gens ...

Un salut au passage, pour Robert Denoël, assassiné à la fin de l'Occupation dans des circonstances demeurées mystérieuses, éditeur ambigu s'il en est puisque, s'il n'hésita pas à publier les pamphlets de Céline et ceux de Rebatet, il menait de front une revue anti-nazie. Rappelons d'ailleurs que Denoël est aussi l'éditeur de "Mort A Crédit", roman qui, lui, n'a rien à voir avec "Bagatelles ..." et ce type de prose célinienne. Et une montagne d'imprécations pour les éditeurs survivants dont Céline donne tantôt les noms véritables, tantôt les invraisemblables patronymes qu'il leur a concoctés.

Bref, Céline se plaint, pousse ses gueulantes habituelles, et dit tout ce qu'il pense, aussi bien sa tendresse pour les animaux que son indignation (ma foi, assez bourgeoise) sur ceux qui viennent lui voler ses poubelles qu'il descend lui-même sur la route, avant que ne passent les éboueurs. Voler des poubelles, non mais, j'vous jure ! Et puis, voilà qu'un jour, ou plutôt qu'un soir, alors qu'il sort d'une visite à l'une de ses patientes insolvables, laquelle souffre hélas ! d'un cancer tout aussi insolvable, Céline, dont nous savons qu'il a rapporté quelques maladies d'Afrique, est pris d'hallucinations. Il voit devant lui, à quai sur le fleuve, une péniche appelée "La Publique" et, descendant de ladite péniche, lui faisant plein de gestes désordonnés et lui tenant des propos qui ressemblent au personnage, ni plus ni moins que Robert le Vigan en personne, son ancien camarade d'exil qui vit cependant désormais en Argentine.

Et pourtant, pas de doute : c'est bien "La Vigue", comme le surnommait le Breton de Courbevoie, qui se tient devant lui, avec sa gueule de beau gosse, son bagou exalté et cette puissance d'acteur que, de film en film et quel que soit ce que l'on pense de l'homme, nul ne s'avisera de nier - à moins d'être un parfait idiot . Les échanges des deux hommes, mélange de discours abracadabrantesques et de réflexions des plus lucides, amènent Céline à comprendre qu'il est en pleine crise de malaria ou de paludisme et le font prendre ses jambes à son cou, direction son lit, qui l'attend pour qu'il puisse y entamer en toute sécurité la seconde partie de "D'Un Château l'Autre", celle consacrée à son exil (et à celui de personnes des plus intéressantes, comme nous le verrons) à Siegmaringen (orthographe de l'écrivain alors que, en principe, il n'y a pas de "e" dans la première syllabe).

Comme toujours, quand Céline plonge dans l'hallucination et les souvenirs, le paysage s'éclaircit. Certains me jugeront sévèrement d'écrire cela sur une période durant laquelle Céline se trouvait encore à l'abri alors que tant d'enfants, de femmes et d'hommes tombaient, victimes d'une idéologie à laquelle il paraissait bien avoir fait allégeance. Mais en conscience et en tant que lectrice seule, je ne puis le formuler autrement. Loin de faire l'apologie des Nazis, des Vichystes, des collabos de toutes sortes, Céline l'Anarchiste, Céline le Surdoué, Céline l'Ecrivain génial dont on se demande comment il a pu compromettre aussi sottement un Don tel que celui qu'il avait reçu des Dieux, nous les montre tels qu'il les a vus (et de près) : Pétain (qui le haïssait) et ses seize cartes d'alimentation (Laval devait se contenter de huit ), la promenade régulière et quotidienne de "Philippe" vers le lac où l'arrêtait toujours un certain Corpechot, un déjanté de la plus belle eau, auto-proclamé semi-amiral des réfugiés et qui vivait dans la hantise de voir une bombe anéantir "le Maréchal", les S. S. qui apparaissent au coin d'un bois ou d'un autre, les avions qui survolent le tout, le mépris des Allemands envers les collabos et la haine de ceux-ci envers les Allemands, les incroyables discours de Laval (que Céline, le jugeant sur son physique plus ou moins sarrazin, avait un jour tout bonnement traité de "juif" dans un article), Otto Abetz, perdu dans ses rêveries ... bref, une monstrueuse petite planète qu'il quittera à la fin avec Lili, sa femme, et Bébert son fidèle félin, pour une autre planète tout aussi monstrueuse, laquelle le mènera à la prison danoise avant de le réexpédier ... à Meudon.

L'ouvrage se termine d'ailleurs là, à Meudon ; où un Céline convalescent mais résigné se voit obligé de poursuivre ses soins auprès de Mme Niçois, dont l'Hôpital ne veut plus parce qu'elle est incurable. Dernière note éminemment absurde et célinienne : une voisine qui s'occupe désormais de la pauvre femme (laquelle a plus ou moins perdu la tête) et qui, entre deux gloussements ridicules, n'arrête pas d'appeler Céline "Dr Haricot." Pourquoi ? Pour quès ? comme le dirait l'auteur du "Voyage ..." en personne - eh ! bien, j'aurais bien du mal à vous l'expliquer parce que j'ai pas compris ...

Une fois de plus, dans "D'Un Château l'Autre", Céline nous joue son tour préféré, sa spécialité à la Houdini : il semble partir en aveugle, tâtonner à droite, à gauche, ignorer absolument tout de là où il veut arriver ... et puis l'ensemble se tisse sans un noeud de travers et nous offre un texte tout à la fois réaliste et hallucinatoire, avec des visions purement oniriques et des dialogues qui, pour avoir été tenus par des politiciens, n'en sont pas moins d'une démence effarante. Après les avoir lus, on comprend un peu mieux le chaos dans lequel tous ces gens-là, de tous bords d'ailleurs, ont entraîné l'Europe - et pour trop longtemps.

Les politiciens, c'est le chaos. Et malheur à qui s'en mêle sans être du sérail. Telle pourrait être la conclusion imposée par cette lecture colorée, ahurissante, magique, pleine d'humour noir et peut-être plus encore d'auto-dérision. Car Céline, s'il se présente en victime, n'entend pas pour autant omettre les "erreurs" qu'il a commises. S'il décrit les autres sans grande gentillesse, il ne s'épargne pas lui-même - il n'épargne en fait que Lili et Bébert et, toujours, il les épargnera. C'est là le signe d'une profonde intégrité intellectuelle. du moins, c'est ce que l'on dit toujours. Alors, pourquoi refuser à Céline cette si précieuse qualité ? ...

... Donnez-moi une raison, une seule, qui soit valable ...

... Hein ? dites voir un peu ... Je suis toute ouïe ... ;o)
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Après le roman Sigmaringen de Pierre Assouline, je m'étais promis de lire le récit qu'en avait fait Louis-Ferdinand Céline, une vingtaine d'année après son séjour forcé dans cette petite ville du sud de l'Allemagne. Mon mari s'y était attelé avant moi et m'avait prévenue d'une certaine difficulté de lecture ainsi que d'une structure pour le moins tarabiscotée.
Divagations, imprécations, rancoeurs peuplent la majorité de la logorrhée de l'auteur avec ici et là quelques brefs retours au calme et à un style moins argotique. « Je m'excuse de parler tant de moi-même... je m'appesantis... des déboires?... vous avez les vôtres!... ces gens de lettres sont terribles! si affligés de moimoiïsme. »
Au bout de quelques pages (la patience est de mise), le miracle s'accomplit : on ne fait qu'un avec le narrateur et toute la démesure qu'il met à raconter ses années d'exil, en fuite avec les hommes du gouvernement de Vichy, prend tout son sens.
Cependant, je n'aurais pu apprécier autant ce récit de Céline si je n'avais lu en premier lieu le roman de Pierre Assouline.
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Foutre diable, j'ai essayé et j'y suis pas arrivée !

Depuis le temps que je me disais qu'il faudrait que je découvre l'oeuvre de Céline, en mettant de côté ce que je sais du bonhomme et me contenter de découvrir quelques uns de ses titres les plus emblématiques.

Pour commencer, j'ai préféré m'attaquer à un de ses romans guère épais puisque je sortais totalement de ma zone de confort habituelle (romans noirs, policiers, thriller) et j'ai donc choisi celui-ci plutôt que "Voyage au bout de la nuit".

Bardaf, ce fut l'embardée puisque je n'ai pas réussi à le lire en entier, parce que j'ai sauté des passages entiers et que j'ai fini par le reposer sur la table, baissant les bras et pestant de ne pas y être arrivée alors que mes petits collègues Babeliotes l'encensent.

Alors, où le bât a-t-il blessé ? Dans la présentation de son texte, avant tout : il révolutionne l'affaire en envoyant aux orties les phrases types sujet-verbe-complément, il abuse des points d'exclamations, de suspensions, oublie les majuscule et, ma foi, j'aurais encore pu m'y adapter sans soucis s'il n'avait pas sauté du coq à l'âne et éructer sur tout et tout le monde.

Sûr que les mots sont des armes, dans sa bouche, dans sa plume, il s'énerve sur tout le monde, tout le monde ne prend pour son grade, il rugit – non pas de plaisir, mais de haine et moi, j'ai capitulé au bout d'un moment parce que je n'en pouvais plus.

Dommage, parce que le Céline, je l'entendais vociférer dans ma tête car il a réussi à transformer ses mots couchés sur le papier en cris dans ma tête, comme s'ils sortaient des pages, mais j'ai pas réussi à accrocher, et j'ai donc jeté l'éponge.

Je ne m'avoue pas vaincue pour autant et je tenterai d'autres romans de l'auteur, en espérant, un jour, arriver à en lire un en entier, sinon, ben, tant pis pour moi.

Lien : https://thecanniballecteur.w..
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Céline ouvre son D'un château l'autre par ses plaintes qui deviendront habituelles dans tous ses romans suivants : s'il se vend mal, c'est de la faute de ses éditeurs, qui non seulement le pressent sans cesse d'écrire, mais qui font exprès de ne pas bien vendre ses livres, de manière à garder des trésors qu'ils pourront écouler quand il sera mort ; il revient sur son emprisonnement au Danemark, dans un trou glacial, pendant deux ans, persuadé qu'on l'a laissé là dans l'espoir qu'il y reste ; il dénonce le pillage de sa maison, qui est resté impuni et qui a bien profité aux pillards ; son mépris entre les intellectuels en vue de l'époque (Sartre («Tartre »), Mauriac, Malraux, Aragon) ; et son cabinet de médecine qui reste vide (ce qui l'oblige à écrire pour gagner sa vie). En deux mots, il se crée un rôle de pestiféré et de victime qui paie pour tous les autres, le revendique comme un titre de noblesse et en joue volontiers.

Cette partie occupe tout de même une part importante du livre (plus de 150 pages sur 400) et on se demande un peu ce qui nous tombe sur la tête : tout est assez embrouillé, on passe du coq à l'âne sans arrêt. La confusion est à son comble quand Céline, dans un délire, revoit l'acteur le Vigan, qui l'a accompagné en Allemagne, sur un bateau fantôme qui transporte des morts.

Cet épisode permet à Céline de se remémorer son passage à Sigmaringen : les Allemands y ont accueilli Pétain et son gouvernement « en exil » pour conserver un interlocuteur officiel. La Libération est en cours, et un bon millier de collaborateurs condamnés par différents tribunaux l'ont rejoint. Tout manque : la nourriture est immonde (hormis pour les ministres traités comme des princes), les médicaments sont inexistants, la gale sévit, … les armées en déroute se succèdent à la gare, dans un désordre total. Malgré tout, on cherche à garder un côté cérémoniel : promenade de Pétain et de ses ministres, « délégation officielle » envoyée à Berlin par un train conçu pour le Shah d'Iran mais qui n'a jamais servi... Les situations grotesques s'enchaînent !

J'ai eu beaucoup de mal à rentrer dans ce livre, que j'ai trouvé assez brouillon. J'étais même à deux doigts de le refermer après une cinquantaine de pages, ce que je lisais n'avait aucune logique. Je me suis accroché parce que je savais que Pétain devait apparaître un jour ou l'autre ! Il y a quelques passages dans lesquels je retrouve le génie de Céline, mais dans l'ensemble, ces châteaux ne me laisseront pas un souvenir impérissable.
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Le style de Céline est un vrai bonheur. Il a créé une nouvelle façon de faire passer la langue orale dans l'écrit. J'aime aussi sa façon d'être désespéré par l'espèce humaine. Mais ce n'est pas platement réaliste, l'onirique n'est jamais loin. La description de la péniche de Caron au pont de Meudon est ungrand moment de littérature. J'ai relu ce livre après avoir lu siegmaringen de Pierre Assouline. Il me semble que je le comprends mieux que la première fois que je l'ai lu mais certains personnages me sont totalement énigmatiques. Y a-t-il parmi les babélionautes des spécialistes de l'histoire contemporaine?
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Céline nous promène d'une de ses résidences l'autre : Meudon, où il exerce la médecine libérale, Copenhague où il fut emprisonné à la fin de la guerre. Entre les deux, Sigmaringen.
Cette dernière ville, allemande, est située non loin de Constance,assez proche de la frontière suisse. Les hiérarques de ce qui se nommait « Etat français » y furent rassemblés par les allemands, afin de pouvoir prétendre à l'existence d'un gouvernement en exil. En plus de Pétain, Laval, de Brinon, Bichelonne, Marion, Bridoux et quelques autres, y furent parqués également les 1142 individus faisant l'objet d'un mandat d'amener délivré par les nouvelles autorités françaises (Paris a déjà été libéré) pour collaboration. Dont Céline, qui devient alors un des médecins du lieu.
Ce livre ne vaut que pour cela. C'est un reportage, et un reportage rare, sur le quotidien de ces collaborateurs en vue. Inoubliable est la description de l'aller-retour en train (destiné à la réception du shah d'Iran par les allemands, et qui n'avait en fait pas servi) vers le nord de l'Allemagne. Inoubliable car montrant le degré de désorganisation du Reich et le dénuement auquel il était parvenu, mais plus encore le ridicule des situations.
Malheureusement, le style littéraire est loin d'égaler celui de ses romans d'avant-guerre. Son éditeur a demandé à Céline de faire du Céline, et Céline écrit du Céline bien célinien, en forçant le trait et pas qu'un peu. Jets de bile, griffes d'acide, tout le monde il est ignoble, passe encore, c'est à la demande de l'éditeur. Mais le style n'est cette fois pas à la hauteur, et les sentences sur la condition humaine quasi absentes.
Ajoutons que Céline se donne souvent le beau rôle, alors que Gilbert Joseph a montré dans un livre récent (« Fernand de Brinon, l'aristocrate de la collaboration ») les intrigues, assez mesquines, de Céline pour devenir le médecin attitré des hiérarques logés au « Château ».
Un livre à lire pour qui s'intéresse à la chute du Reich allemand, bourré d'anecdotes certainement véridiques. Il faut alors accepter de passer outre le style outré, un style qui a perdu son aspect génial.
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