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EAN : 978B005R59GEE
(29/09/2011)
3.52/5   28 notes
Résumé :
Ce livre est une oeuvre du domaine public éditée au format numérique par Norph-Nop. L?achat de l?édition Kindle inclut le téléchargement via un réseau sans fil sur votre liseuse et vos applications de lecture Kindle
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Tite Et Bérénice de Pierre Corneille subit toujours un peu l'ombre de sa consoeur et rivale Bérénice de Jean Racine. Dès l'origine, la Bérénice de Racine fut conçue dans l'urgence comme une adversaire destinée à sortir juste avant la pièce de Corneille (une semaine seulement) et à siphonner tout le public potentiel au théâtre concurrent.

Je sais que Babelio fourmille d'amoureux des enquêtes, de gens qui adorent voir un têtu à la Columbo pinailler sur un détail pour en faire surgir du sens et tout ce registre de l'herméneutique des scènes de crime. C'est passionnant, il est vrai. Mais c'est tellement plus fort encore quand c'est vous-même qui menez l'enquête.

Ne vous y trompez pas, je ne m'en viens pas vous parler de cette fameuse série jeunesse des années 1980 " Les aventures dont VOUS êtes le héros ", qui avait certes plein de qualités et qui est la mère spirituelle des jeux de rôle. Non, ici, je viens vous parler d'une vraie petite manière d'enquête historique et ce livre est l'outil idéal pour s'y plonger en mettant en regard deux pièces nées à une semaine d'intervalle.

L'année 1670 est une année faste pour le théâtre français. Molière signe l'une de ses meilleures pièces, le Bourgeois Gentilhomme, les deux tragédiens vedette du moment, Corneille le finissant et Racine le montant sont donc très attendus.

Louis XIV est un jeune roi à qui tout sourit (du moins beaucoup de choses) et dont le pouvoir, peu à peu, ressemble de plus en plus à celui d'un empereur romain. Il convient donc de le brosser un peu dans le sens du poil lorsque vous voulez faire votre route au royaume de France.

Ce livre nous permet de retracer, outre cette période qui transparaît partout en filigrane, l'une des plus belles courses à l'échalote de l'histoire littéraire. On sait que c'était souvent le cas à l'époque de la Grèce antique, à qui allait coiffer l'autre sur le poteau puisqu'il y avait une sorte de concours. On sait aussi que l'une des dernières grandes empoignades de ce genre entre deux cadors s'est soldée par un match nul entre Oscar Wilde (Le Portrait de Dorian Gray) et Sir Arthur Conan Doyle (Le Signe Des Quatre).

Projetons-nous, si vous le voulez bien, au mois de novembre 1670 au moment de la création de Bérénice : Racine est alors un fringant jeune homme de trente ans, à peu près le même âge que le roi, très à la mode et qui vole de succès en succès.

Pierre Corneille, soixante-quatre ans (c'est très vieux pour l'époque), est au pinacle des auteurs tragiques mais c'est une gloire du passé, ses grands succès, le Cid, Horace, etc. datent de trente ans auparavant (Le Cid fut créé presque trois ans avant la naissance de Racine). Il a certes du prestige mais il est passé de mode.

Ajoutons à cela que l'Hôtel de Bourgogne et le Théâtre du Palais-Royal, les deux principales scènes parisiennes d'alors, se tirent une bourre pas possible pour essayer d'écraser son concurrent. le hasard faisant que des gens de l'Hôtel de Bourgogne furent au courant que le grand Corneille, sous contrat avec le Palais-Royal, préparait une pièce sur les amours de l'empereur romain Titus et de la reine de Palestine Bérénice, ceux-ci s'empressèrent de commander à Racine une tragédie sur ce même thème.

Sachant que papy Corneille n'avait plus besoin de travailler rapidement et que l'autre s'est fait un devoir de le coiffer sur le poteau, c'est donc Racine qui présente sa pièce en premier, l'intitulant Bérénice — titre que Corneille avait pressenti pour sa pièce — obligeant ce dernier à changer son titre en Tite et Bérénice pour sa propre pièce qui sort tout juste une semaine plus tard dans le théâtre concurrent.

L'histoire retient donc une victoire totale de Racine, pigeonnant son aîné, et remportant plus de succès que celui-ci. Cet état de fait poussent beaucoup à considérer l'oeuvre de Jean Racine comme très supérieure à celle de Pierre Corneille. Mais, m'étant aventurée à lire ces deux pièces coup sur coup, je ne partage pas du tout cet enthousiasme unilatéral.

Certes je ne suis pas là pour comparer les deux oeuvres qui d'ailleurs se répondent et se complètent bien plus qu'elles ne se marchent sur les pieds. Mais je ne vois nulle part où la versification racinienne serait tant supérieure à celle de Corneille ni en quoi sa gestion de l'intrigue surclasserait celle de son aîné. Je crois plutôt à un effet de mode qui fait long feu, sachant que les effets de mode de 1670, vus de notre fenêtre de l'an 2015, ont un petit quelque chose de risible.

Racine dans sa pièce nous proposait un ménage à trois entre Titus, Bérénice et Antiochus avant l'exil de Bérénice. Corneille place quant à lui sa comédie héroïque au retour d'exil de Bérénice et ne nous parle plus d'un ménage à trois mais d'un ménage à quatre entre Tite et Bérénice d'une part, (ça, vous l'auriez deviné), mais aussi avec Domitie et Domitian d'autre part.

Comme le dit la chanson de Brel, la valse à quatre temps, c'est beaucoup moins dansant mais tout aussi charmant qu'une valse à trois temps. du coup, l'histoire se complique avant l'heure d'une manière de Double Inconstance de Marivaux, que je vais essayer de vous présenter rapidement.

Domitie (entendez Domitia Longina, celle dont le buste à chevelure d'éponge est exposé au Louvre) est une prestigieuse belle romaine, de la lignée impériale de Néron et fille de Corbulon, le magnifique général qui a soumis l'Arménie et vaincu les Parthes. Domitian (entendez le futur empereur Domitien) n'est autre que le frère de Tite (entendez l'éphémère empereur Titus) et le fils de l'empereur Vespasien.

Cela fait déjà un beau pedigree. Je ne m'attarde pas sur Titus (voir ma critique de Bérénice) et précise seulement que Bérénice est la petite fille du roi Hérode, reine juive du royaume de Judée, rebaptisée Palestine par les Romains après leur conquête (et surtout après la révolte de Bar Kokhba).

La pièce de Racine nous avait montré comment, malgré l'amour fou qui unissait réciproquement Bérénice à Tite, celui-ci s'était vu contraint par la pression populaire romaine et le sénat à renoncer à un mariage avec elle et à " exiler " Bérénice hors de Rome en la renvoyant dans son royaume de Palestine.

Chez Corneille, les années ont passé et l'on retrouve une situation trouble où Domitie est amoureuse de longue date de Domitian. Mais elle est orgueilleuse, mais elle est ambitieuse cette belle dame, si bien que voyant Tite toujours à caser car n'arrivant pas à se retirer du coeur l'épieu nommé Bérénice, elle se dit soudain : « Aimer le jeune frère d'un empereur, c'est ballot, c'est comme de voir une éclipse totale de soleil à 98 %, c'est gâcher le spectacle. »

De sorte que Domitie aux dents longues verrait d'un très bon oeil que Tite la demande en mariage, même si elle n'éprouve rien pour lui amoureusement. Tite, dans le même esprit, est tout près de conclure l'affaire, sans amour, mais puisque Rome le veut, l'exige et quand l'on est empereur à Rome, l'on n'est presque plus homme ; la politique prend le pas sur la poétique.

Le dindon de la farce, comme vous le voyez, pour l'heure c'est Domitian. Mais il n'a pas encore dit son dernier mot, l'animal ! Il se dit — à raison — que si par un surprenant hasard, Bérénice se trouvait sur le chemin de Tite, les palpitements du coeur du frangin repartiraient comme en quarante (euh…, en 75 après JC, en vrai).

Et là, fatalement, quand on passe de la valse au quadrille, il faut un peu accorder les violons. Tite ne sait plus du tout s'il veut se marier avec Domitie, cette dernière, furieuse, demande à son véritable amour, Domitian, de l'aider dans son projet vis-à-vis de Tite, mais Domitian, pas folle la guêpe, s'arrange précisément pour la faire bisquer en prétendant que si elle ne veut plus de lui, il va demander la main de Bérénice

L'orage gronde dans le crâne de la tempétueuse Domitie qui redoute de se retrouver le bec dans l'eau, ce que sa fierté ne tolèrerait pas. Pourtant elle aime Domitian, mais c'est un titre qu'elle veut… et le titre, c'est Tite. Et Tite, que fera-t-il ? Va-t-il finalement l'envoyer paître son sénat et se marier avec qui il aime vraiment ? Et Bérénice dans tout cela ?

J'aime autant vous laisser découvrir la fin par vous-même car j'ai très peur de me ramasser un coup de balais sur la tête de la part de Domitie qui devient hystérique dès qu'on parle d'homme ici…

Il demeure une bonne pièce, sans doute pas exceptionnelle, mais qui n'a absolument pas à rougir devant la Bérénice de Racine ; les deux se complétant et se répondant d'ailleurs admirablement car prenant la suite l'une de l'autre. Quant à vous, prenez plaisir, comme je l'ai fait moi-même, à mener votre propre petite enquête en vous souvenant que tout ceci, une fois encore et je ne le répèterai jamais assez, n'est que mon avis, un peu tiré par les cheveux (pas la chevelure de Bérénice, qui elle est une homonyme et était reine d'Égypte au IIIème siècle avant J.-C.) et qui ne représente pas grand-chose.
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La pièce de Corneille est créée en 1670 par la troupe de Molière, publiée en 1671. Une semaine avant sa création, Racine avait donné sa Bérénice à l'Hôtel de Bourgogne. Il ne s'agit sans doute pas d'un hasard, la rivalité entre les deux auteurs était alors fort exacerbée. Les spécialistes ne sont pas forcément d'accord sur ce qui s'est vraiment passé ; la version que me sembla la plus vraisemblable est que Corneille s'était lancée dans son sujet avant Racine, et que les comédiens de l'Hôtel de Bourgogne ont passé commande d'une pièce sur le même sujet à son rival. Cela faisait une excellent publicité. La pièce de Corneille n'a pas eu réellement de succès, au contraire de celle de Racine, et pour son époque cela signe l'ascendant pris par le plus jeune auteur sur son illustre aîné. Qui ne donnera plus que deux pièces. L'échec lors des premières représentations fut irrémédiable, la pièce ne s'en est jamais relevée.

En fait, la pièce (appelée tragédie héroïque) est très différente de celle de Racine, il faut en quelque sorte oublier l'une pour apprécier l'autre. Déjà, et c'est important, Corneille ne part pas de mêmes données historiques. Plusieurs sources évoquent Titus et Bérénice, et leur histoire d'amour. Titus est un personnage plutôt trouble, élevé à la cour de Claude et Néron, il passa pour cruel et dépravé, ne reculant devant rien pour se procurer de l'argent. Des parallèles avec Néron ont été établis. Mais arrivé au pouvoir, il semble maîtriser ses mauvais penchants. Mais il n'aura été empereur que deux ans. Bérénice, qui a une dizaine d'années en plus, a eu deux maris, des enfants, des accusations « d'impudicité » et d'inceste (avec son frère). Elle a été l'alliée des Romains qui ont pris Jérusalem, dont Titus, et qui ont traité la ville et la population avec une grande cruauté. Rien des amants idéaux dont la légende va se construire petit à petit. Suétone est le premier auteur qui gomme un certain nombre de faits, en particulier une première séparation forcée entre les deux amants, imposée par le Sénat, et le père de Titus, Vespasien. Bérénice revient à Rome lorsque Titus en devient le maître, mais ce dernier reste « continent », et Bérénice doit repartir à nouveau. Corneille retient tous ces éléments, ainsi qu'un mariage projeté entre Domitie et Titus, de même que la passion de Domitian, le frère de Titus pour Domitie. Ces faits sont mentionnés par des historiens. C'est très différent de l'épure racinienne, où les personnages sont presque des abstractions, sans rien autour, livrés à leur passion qui est leur seule réalité. Les personnages cornéliens évoluent dans un monde complexe, avec des enjeux contradictoires.

A Rome, le mariage de Titus et de Domitie doit avoir lieu dans quatre jours. Domitie aime Domitian, le frère de Titus, mais pour devenir impératrice, elle n'hésite aucunement à épouser Titus. Elle repousse les sollicitations de l'homme qu'elle aime que ce mariage désespère. Elle s'inquiète du manque d'empressement de Titus pour la mariage prochain, sachant l'amour qui l'a attaché à Bérénice. Domitian évoque ses sentiments à Titus qui laisse le choix à Domitie. L'arrivée de Bérénice à Rome semble changer la donne. Domitian propose à Bérénice de l'épouser pour contrarier les deux fiancés et faire revenir Titus à elle, ce qu'elle dédaigne. Domitie complote pour éloigner Bérénice, et si elle est dédaigné à détrôner Titus. Titus résiste à Bérénice dans un premier temps, Bérénice ne prétend pas l'épouser, mais faire qu'il n'épouse pas Domitie, mais une autre femme, dont elle serait sûre qu'elle ne serait pas une vraie rivale. le Sénat consent au mariage en accordant à Bérénice la citoyenneté romaine, mais elle refuse ce mariage qui ferrait courir des risques importants à Titus. Ce dernier se résout à n'épouser personne et laisser son frère devenir le mari de Domitie et son successeur à l'empire.

Corneille brosse à merveille un contexte complexe, avec la succession d'empereurs, des complots de cour, des assassinats. Un monde trouble et dangereux. Dans lequel se débattent des personnages déchirés entre leurs amours, mais aussi leur aspiration au pouvoir, à la domination, à ce qu'ils pensent se devoir à eux-mêmes et à ceux dont ils ont la charge. Il y a quatre protagonistes presque à égalité, Domitie particulièrement, a une présence et un relief fort. Les femmes, comme souvent chez Corneille sont très saillantes, elles semblent savoir mieux ce qu'elles veulent, ou ce qu'elle doivent faire. A sortir la tête haute d'une situation bloquée, dans laquelle le bonheur personnel n'est pas possible, et leur renoncement prend une allure de victoire. Même si elle est cruelle, et les déchire.
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Titus et Bérénice font partie des couples d'amoureux maudits célèbres de la littérature, avec Roméo et Juliette ou Tristan et Iseult. Nous les connaissons et pleurons sur et avec eux grâce à Racine.
Mais Corneille nous présente sa propre version, où le couple du titre n'est peut-être pas le plus intéressant. Il ajoute comme personnages principaux Domitie et Domitian, dont les noms mêmes semblent les prédestiner l'un à l'autre.
Mais si les deux couples étaient heureux, si Domitian n'était pas un peu jaloux de son frère, si Tite n'appréciait pas de plus en plus les charmes de Domitie, si le Sénat de Rome, les citoyens et les différences religieuses n'intervenaient pas, il n'y aurait pas d'intrigue et donc pas de pièce. Car les héros sont confrontés à un dilemme très cornélien finalement : l'amour ou la raison, les sentiments ou la raison d'état.
Et surtout, si l'héroïne ne la pièce n'était pas celle que l'on croit ? Pas Bérénice, dont on parle beaucoup mais qui n'arrive pas tout de suite, pas Tite qui ne sait qui aimer ni à qui ou quoi obéir, ni Domitian, mais Domitie, qui, elle, n'hésite pas entre amour et pouvoir. Elle le revendique, elle veut être impératrice, et l'orgueil et l'ambition comptent plus pour elle que la passion. Un beau personnage féminin fort, comme souvent chez Corneille.
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Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
TITE : Je sais qu’un empereur doit parler ce langage ;
Et quand il l’a fallu, j’en ai dit davantage ;
Mais de ces duretés que j’étale à regret,
Chaque mot à mon cœur coûte un soupir secret ;
Et quand à la raison j’accorde un tel empire,
Je le dis seulement parce qu’il le faut dire,
Et qu’étant au-dessus de tous les potentats,
Il me serait honteux de ne le dire pas.
De quoi s’enorgueillit un souverain de Rome,
Si par respect pour elle il doit cesser d’être homme,
Éteindre un feu qui plaît, ou ne le ressentir
Que pour s’en faire honte et pour le démentir ?
Cette toute-puissance est bien imaginaire,
Qui s’asservit soi-même à la peur de déplaire,
Qui laisse au goût public régler tous ses projets,
Et prend le plus haut rang pour craindre ses sujets.

Acte V, Scène 1.
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DOMITIE : Ne vous y trompez pas : s’il me donne le change,
Je ne suis point à vous, je suis à qui me venge,
Et trouverai peut-être à Rome assez d’appui
Pour me venger de vous aussi bien que de lui.
DOMITIAN : Et c’est du nom romain la gloire qui vous touche,
Madame ? Et vous l’avez au cœur comme en la bouche ?
Ah ! Que le nom de Rome est un nom précieux,
Alors qu’en la servant on se sert encor mieux,
Qu’avec nos intérêts ce grand devoir conspire,
Et que pour récompense on se promet l’empire !
Parlons à cœur ouvert, madame, et dites-moi
Quel fruit je dois attendre enfin d’un tel emploi.
DOMITIE : Voulez-vous pour servir être sûr du salaire,
Seigneur ? Et n’avez-vous qu’un amour mercenaire ?
DOMITIAN : Je n’en connais point d’autre, et ne conçois pas bien
Qu’un amant puisse plaire en ne prétendant rien.
DOMITIE : Que ces prétentions sentent les âmes basses !
DOMITIAN : Les dieux à qui les sert font espérer des grâces.
DOMITIE : Les exemples des dieux s’appliquent mal sur nous.

Acte IV, Scène 3.
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BÉRÉNICE : Laissez-moi la douceur de languir en ces lieux,
D'y soupirer pour vous, d'y mourir à vos yeux :
C'en sera bientôt fait, ma douleur est trop vive
Pour y tenir longtemps votre attente captive ;
Et si je tarde trop à mourir de douleur,
J'irai loin de vos yeux terminer mon malheur.
Mais laissez-m'en choisir la funeste journée ;
Et du moins jusque-là, Seigneur, pas d'hyménée.
Pour votre ambitieuse avez-vous tant d'amour
Que vous ne le puissiez différer d'un seul jour ?
Pouvez-vous refuser à ma douleur profonde...
TITE : Hélas ! que voulez-vous que la mienne réponde ?
Et que puis-je répondre alors que vous parlez,
Moi qui ne puis vouloir que ce que vous voulez ?

Acte V, Scène 4.
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ALBIN : Elle se défend bien, seigneur ; et dans la cour…
DOMITIAN : Aucun n’a plus d’esprit, Albin, et moins d’amour.
J’admire, ainsi que toi, dans ce qu’elle m’oppose,
Son adresse à défendre une mauvaise cause ;
Et si pour m’assurer que son cœur n’est qu’à moi,
Tant d’esprit agissait en faveur de sa foi ;
Si sa flamme au secours appliquait cette adresse,
L’empereur convaincu me rendrait ma maîtresse.
ALBIN : Cependant n’est-ce rien que ce cœur soit à vous ?
DOMITIAN : D’un bonheur si mal sûr je ne suis point jaloux,
Et trouve peu de jour à croire qu’elle m’aime,
Quand elle ne regarde et n’aime que soi-même.
ALBIN : Seigneur, s’il m’est permis de parler librement,
Dans toute la nature aime-t-on autrement ?
L’amour-propre est la source en nous de tous les autres :
C’en est le sentiment qui forme tous les nôtres ;
Lui seul allume, éteint, ou change nos désirs :
Les objets de nos vœux le sont de nos plaisirs.
Vous-même, qui brûlez d’une ardeur si fidèle,
Aimez-vous Domitie, ou vos plaisirs en elle ?
[…]
Et vous n’aimez que vous, quand vous croyez l’aimer.

Acte I, Scène 3.
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DOMITIAN : Qu’un salutaire avis fait une douce loi
À qui peut avoir l’âme aussi libre que toi !
Mais celle d’un amant n’est pas comme une autre âme :
Il ne voit, il n’entend, il ne croit que sa flamme ;
Du plus puissant remède il se fait un poison,
Et la raison pour lui n’est pas toujours raison.

Acte I, Scène 3.
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Vidéo de Pierre Corneille
Lecture par l'auteur
Rencontre animée par Marie-Madeleine Rigopoulos
« Ce livre est un ensemble de nouvelles autobiographiques, classées par âge de la vie, de la petite enfance à aujourd'hui. Ces nouvelles sont souvent, pas toujours, des mésaventures dans lesquelles j'éprouve peur et honte, qui me sont assez naturelles et me donnent paradoxalement l'énergie d'écrire. Scènes de gêne ou de honte, scènes de culpabilité, scènes chargées de remords et de ridicule, mais aussi scènes, plus rares forcément, de pur bonheur, comme celle qui donne son nom au livre, Célidan disparu : personnage à la fois pusillanime et enflammé d'une pièce de Corneille que j'ai jouée à mes débuts d'acteur, dont je découvris lors de l'audition pour l'obtenir, qu'il me révélait à moi-même, et faisait de moi un acteur heureux. »
Denis Podalydès
À lire – Denis Podalydès, Célidan disparu, Mercure de France, 2022.
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