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EAN : 9782207252833
125 pages
Denoël (31/10/2001)
3.6/5   5 notes
Résumé :
Andrés Fava est un personnage de L'Examen, le roman que Julio Cortázar écrivit à Buenos Aires en 1950 et qui resta longtemps inédit. Le Journal d'Andrés Fava fut écrit en même temps que L'Examen. Cortázar n'en décida la publication que peu de temps avant sa mort, en 1984. En un jeu de miroirs où l'auteur et son personnage se confondent, ce journal apparaît comme le point de départ de l'œuvre de Cortázar, avec sa symbolique, ses clés, ses passages secrets. Andrés Fav... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Il y a quelques semaines, j'ai lu L'examen, de Julio Cortazar, qui racontait les déambulations de Juan et Carla dans les rues d'un Buenos Aires des années 50, au détriment de leur études la veille d'un examen. Un de leur camarade d'université y était mentionné à quelques reprises, mais il s'était montré plus sage : Andres. Resté chez lui à étudier, à quoi pouvait-il bien penser? Eh bien, ses pensées, il les a couchées sur papier. En effet, dans Journal d'Andres Fava, ce court roman, presque une nouvelle, nous avons droit à son point de vue en long et en large sur des sujets variés.

Si l'on retrouve la langue bien pendue d'Andres, ses idées, sa personnalité (tels que l'on pouvait les deviner dans L'examen), on peut reconnaitre également celles Julio Cortazar. Les deux plumes semblent se fusionner. le journal de Fava (bien qu'il n'y ait aucune mention de date, il a peut-être été écrit en une seule soirée, qui sait?) n'est pas le compte rendu d'une tranche de vie anodine mais plutôt une litanie, une vision du monde à laquelle se mêlent des considérations de toutes sortes.

Effectivement, on y retrouve une grande quantité de poèmes, du cru de l'auteur ou empruntés à des grands artistes (Rimbaud, Cendrars, Laforgue…). D'ailleurs, Fava mentionne à droite et à gauche plusieurs auteurs qu'il apprécie. « Je végète, je vais et je viens, je me réfugie dans la lecture. Eliot, Chandler, Colette, Priestley, Connolly… » (p. 11). Et d'autres encore : Gide, Lawrence, Greene, etc. La musique (Gaillaume de Machaut, Alban Berg, entre autres, et des plus contemporains comme Bing Crosby) ainsi que le théâtre et le cinéma (Laurence Olivier) ne sont pas en reste.

Toutefois, d'autres artistes ne rencontrent pas son approbation. Certaines lectures laissent Fava en plan. Par exemple, Demian, de Hermann Hesse. Il juge beaucoup. Quand un personnage ou une intrigue lui semble insipide (ses mots, pas les miens), il n'y va pas par quatre chemins. Fava est un type très catégorique : il aime ou il n'aime pas. Ainsi, Demian, « se révèle être la créature la plus stupide genre superman » (p. 29) et « Sidney Bechet est nettement corny ». (p. 33). Et vlan! Mais il n'a pas que des opinions très tranchées. Il réfléchit, propose des théories, les explique. Par exemple, « La poésie veut être métaphysique et elle y parvient parfois avec Lamartine et Valéry. » (p. 39)

En effet, il s'arrête au style, au vocabulaire, puis replace un auteur dans son contexte, parle du désir de création, etc. Puis, tout d'un coup, ses pensées s'envolent vers des sujets aussi saugrenus que la décadence romaine vue à travers les yeux d'un moine perdu dans une province limitrophe. Tout cela peut sembler désordonné, incohérent – et ce l'est – mais c'est aussi cela la jeunesse. Un jeune esprit curieux (abreuvé par plusieurs maitres dans des disciplines aussi variées que la littérature, la philosophie, l'histoire et la politique) mais encore en formation, qui se cherche encore.

Qui, parmi les lecteurs, n'a pas déjà passer une nuit blanche (ou une très longue soirée) à deviser sur le sort du monde? Ou, à plus petite échelle, à se laisser aller en palabres, croyant tout savoir, en ayant l'impression que son opinion vaut l'or? Qui, le temps d'un échange entre amis, ne s'est pas cru critique littéraire ou politologue?

Bref, Journal d'Andres Fava, tout comme L'examen, m'a ramené plusieurs années en arrière où je faisais comme Fava, je donnais mon opinions sur (presque) tout et rien, tentant par le fait même d'apprivoiser, de découvrir le monde. Ces deux romans, rédigés en même temps, ne furent publiés qu'en 1984, peu de temps avant la mort de Cortazar. Elles permettent de découvrir un auteur moins expérimenté mais peut-être plus franc. Dans tous les cas, elles permettent de voir l'évolution de son style.
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Le personnage Andrés Fava est l'un des protagonistes d'un précédent livre, "L'examen", écrit par Julio Cortázar en 1950, et publié seulement à la fin de sa vie. le livre Journal d'Andrés Fava faisait partie de ce roman L'examen, mais l'auteur a préféré l'en extraire pour lui donner une autonomie littéraire.
Le Journal d'Andrés Fava anticipe ses oeuvres suivantes et se révèle d'une grande richesse en éléments autobiographiques et en réflexions exprimées avec humour et mélancolie sur les questions qui préoccuperont Cortázar tout au long de sa vie.
Ce Journal se présente sous la forme d'une exploration des pensées du personnage Andrés Fava, méditation interrompue par l'intrusion de discours hétérogènes (dialogues, paroles de tango, poèmes,...), prenant le ton d'une réflexion sur la littérature, l'écriture et le rôle de l'écrivain. Tout au long de son journal, Andrés Fava revendique une écriture anticonformiste, libérée des contraintes formelles, et postule la notion de lecteur complice prêt à changer ses habitudes de lecture.

Il est presque indispensable d'avoir une lecture unifiée et hypertextuelle des deux oeuvres, L'examen et ce Journal d'Andrés Fava, pour en comprendre les perspectives : en effet, les deux sont un même champ d'expérimentation littéraire. L'examen contient l'embryon de la proposition littéraire et conceptuelle de Cortázar. Si L'examen est un roman métafictionnel par hybridation du genre roman/essai avec une atmosphère centrale traversée par des mondes récurrents et récursifs autour de la conception poétique d'une réalité propre à l'esthétique cortazarienne, le journal d'Andrés Fava lui est une continuité réflexive de cette proposition esthétique. Dans les deux oeuvres, les personnages apparaissent morcelés et en quête d'unité et l'écrivain repousse les limites de l'écriture, jouant à suspendre le temps romanesque.

Il y a dans ce Journal une grande coïncidence générationnelle et intellectuelle entre Andrés Fava et Julio Cortázar avec une théorie esthétique commune comme ce projet de conte qu'évoque le personnage Andrés Fava, où il souhaite imbriquer littérature et objectivité (et qui annonce le futur texte La continuité des parcs que Cortázar écrira en 1956). Les influences philosophiques émises dans le discours d'Andrés Favas sont celles qui parsèmeront toute l'oeuvre à venir de Cortázar : l'existentialisme (avec une soif d'aborder la réalité malgré le néant qui se cache derrière elle), quelques emprunts aux religions orientales (notamment les réflexions d'Andrés Fava sur la mort) et les théories du présocratique Héraclite. Ce dernier et Cortázar sont tous deux fascinés par le rapport entre la réalité où tout est variation et les mots, et par le thème du temps ; le caractère poétique et hermétique de leur prose les rassemblent également.

Si Andrés Fava symbolise la forme de la théorie esthétique de Cortázar, le personnage Juan du livre L'examen en symbolise le fond : le parfait dédoublement que Julio Cortázar opère successivement entre lui et Juan, puis avec Andrés lui permet un regard critique porté sur lui-même et le monde qui l'entoure. Ce dédoublement est donc pour l'auteur un accès à la connaissance.
Avec une filiation entre poésie et parodie, essai et littérature, Cortázar tente de proposer une nouvelle approche de l'écriture littéraire et une mutation du roman. Ces deux livres, L'examen et Journal d'Andrés Fava, dialoguent entre eux pour ouvrir de nouvelles possibilités d'expression à la littérature latino-américaine (avec en futur point culminant le caléidoscope de Marelle). Dans ces deux livres si complémentaires, l'auteur ne cesse de questionner le fait même de raconter : il postule l'écriture comme un outil d'exploration de l'homme et le roman moderne comme une manifestation hybride poétique totale où le genre littéraire n'a plus lieu d'être : « Il n'y a pas de langage riche ou pauvre mais des besoins plus ou moins grands d'expression ».
Lien : https://tandisquemoiquatrenu..
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Vidéo de Julio Cortázar
Auteur de nombreux recueils de nouvelles qui ont fait de lui le maître de la littérature fantastique, Julio Cortázar a laissé une oeuvre où les convictions côtoient l'onirisme et l'humour, s'imposant ainsi parmi les plus grands écrivains de la littérature latino-américaine moderne.
Lire Cortázar, c'est plonger dans un univers littéraire à la fois captivant et déroutant, où la réalité se mêle à l'imaginaire avec une habileté saisissante.
Tous les livres de Cortázar publiés chez Gallimard : https://www.gallimard.fr/Contributeurs/Julio-Cortazar
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