« Je suis
née contente à Oraibi, ancien village Hopi perché sur un haut plateau d'Arizona ». Voilà la première phrase du roman de Bérengère Cournut, dont j'avais déjà lu l'excellent «
de pierre et d'os » en 2020. Nous étions alors parmi les Inuits, et l'héroïne luttait pour sa survie lorsque la banquise s'était fracturée et qu'elle avait été séparée de sa famille.
Tayatitaawa, elle, née en Arizona au début du siècle dernier sans doute – on n'aura pas plus de repère temporel que dans ses autres récits. Mais qu'importe, parce que Bérengère ne souhaite pas jouer les anthropologues, même si son récit s'appuie sur un gros de travail de recherche. Non, nous ne sommes pas dans « Tristes Tropiques », même si on peut trouver des similitudes dans le regard posé par le célèbre anthropologue : ici pas de misérabilisme ni de nombrilisme occidental, mais au contraire un récit profond, empreint d'humanité, sur l'histoire de cette jeune fille qui va perdre son père et partir à la découverte de ses origines paternelles pour mieux comprendre son présent.
On y croisera un grand frère qui pratique des rites étranges – et on se demandera en famille s'il n'est pas apparenté à une forme de sorcellerie, et on soignera un mal de dos chronique par un voyage onirique au pays des morts, d'où l'héroïne reviendra transformée.
« Celle-qui-salue-le Soleil-en-riant » - c'est la traduction de Tayatitaawa - vit en pleine harmonie avec les éléments qui l'entoure : la lumière, la nuit, les esprits, les animaux et les hommes, tout participe d'une même unité. La famille remplit sa fonction d'éducation, et toutes les générations ont leur place et leur rôle.
On pense à «
Mille femmes blanches » de
Jim Fergus pour le sentiment de sérénité qui se dégage de la vie au sein du clan. On suit avec plaisir l'initiation de Tayatitaawa à la vie d'adulte, jusqu'à la rencontre finale avec un homme blanc, dont elle parle un peu la langue, et avec qui elle partagera un secret enfoui au moment de la mort de son père.
Je recommande cette lecture dépaysante qui fait beaucoup de bien. Et pour clore le récit, une sélection de photographies magnifiques prises à Oraibi et ses environs, autour de 1900, permettent de mettre des images sur cette fable d'un autre temps.
Bravo encore à Bérangère Cournut qui sait nous transporter loin bien loin de nos civilisations occidentales – un dépaysement salvateur en période de confinement.