Passer de
Jacques Lacan à
Donald Winnicott, ça fait mal au cul. Faut abandonner la logorrhée folle et les paroles délirantes pour un mec bien pâle à côté –mais n'importe qui d'autre le serait à sa place. Ne croyez pas que les types qui allaient écouter Jacques le faisaient pour s'instruire. Que nenni. C'est éclatement des neurones qu'ils cherchaient. Pour
Winnicott, préparez la dope.
Winnicott donne des conseils aux individus qui souhaitent donner au fruit de leurs entrailles les possibilités d'arriver à une maturation équilibrée -pas comme ces poires pas mûres qu'on trouve dans les grands magasins, ou comme ces oranges moisies de l'intérieur qui s'éclatent sur les pavés des rues publiques un jour de marché. Donc, il s'intéresse beaucoup aux mioches et à la relation que chacun d'entre eux tisse avec sa daronne. On connaît tous son concept de mère suffisamment bonne et si ce n'est pas le cas, je me demande bien ce que vous foutez là. Il rajoute en outre qu'à la naissance du gosse, la mère fusionne automatiquement avec lui. Pas qu'elle le veuille particulièrement. C'est plutôt instinctuel, elle n'y réfléchit pas. Ça se fait, dans la majorité des cas, comme si la nature, encore une fois cette salope, dont
Schopenhauer nous a déjà bien assez causé dans « le monde comme volonté », abusait à nouveau de notre crédulité pour nous faire agir n'importe comment, s'emparant du cerveau de la mère de façon telle que plus rien d'autre ne l'intéresse que passer ses journées à pouponner, porter le gosse, le torcher, lui donner le nibard. le mari dans tout ça ne peut pas faire grand-chose et ne devra pas espérer trop niquer, mais il a toutefois son rôle à jouer dans le sens où on attend de lui qu'il soit là pour donner la tune dès que besoin et pour dire à mémère qu'il l'aime toujours malgré sa chatte ravagée par la parturition. La maman sera rassurée et pourra kiffer son gosse tranquillement. Peu à peu, ensuite, elle reprendra ses esprits et recommencera à pouvoir vivre en-dehors de son gosse. C'est le moment où celui-ci prendra conscience de l'existence de moi et non-moi par une séparation progressive et adaptée d'avec la mère. Cette distinction se produit de façon inadéquate dans le cas des maladies psychotiques.
Cette relation primaire est cruciale et en fonction de ses modalités, il peut se passer plein de trucs qui rendront le gosse complètement dingue, maintenant ou plus tard. Si la mère est une saloperie dépressive, toujours pleurnichante, qui rumine ses idées noires ou ses rêves de grandeur déchus pendant qu'elle s'occupe du petit, elle forcera le bébé à lui faire de la séduction. Parce que le bébé, il n'a pas envie d'avoir une daronne qui chiale tout le temps intérieurement, non : il a besoin d'un modèle identificatoire, comprenez-vous cela ? Ça marchera peut-être, ça fera peut-être rire la maman quand le bébé se forcera à déborder de vie ou, plus tard, quand il sera enfant, à adopter un comportement qui suscite l'approbation, même s'il est obligé pour cela de reléguer sa véritable personnalité aux oubliettes. Se crée alors un faux self qui vient occulter le véritable. Selon les relations que ce masque entretient avec le vrai self, s'il s'y substitue totalement, partiellement, ou s'il permet au vrai self de s'envoyer vers la gloire, toute une panoplie de troubles graves ou bénins s'établira.
Donald a failli me gaver quand, prenant ses petits tons adlériens, il nous parle du bénéfice que doit apporter la psychanalyse au bon fonctionnement de la société. Pour lui, le critère absolu de la santé consiste en une bonne intégration sociétale passant par l'assurance de la descendance. Une perspective qui ne donne pas envie d'être sain d'esprit et de corps. Toutefois, il ne fustige pas l'individu malade ou antisocial parce que celui-ci subit une saloperie d'ironie du sort qui veut que l'on taxe d'inadapté le gosse qui, au contraire, sait ce que devrait être une société qui fonctionne, parce qu'il n'a justement jamais réussi à trouver dans son environnement des conditions favorables de développement.
Voilà, outre le style chiant de Donald, ce livre est très intéressant à lire parce que forcément, chacun d'entre nous pensera à son enfance pendant sa lecture et se dira « oh putain, c'est ce que j'ai vécu aussi ! ça explique pourquoi j'ai une vie de raté maintenant ! », et en plus il y a des coupables désignés : la maman, la société, le papa. C'est franchement cool. Et puisque la compréhension donne une base carrément stable à l'action qui doit normalement lui succéder, on peut même essayer de s'améliorer après ça. Mais pas pour entrer dans la société, ah ça non -mieux vaut encore torcher les murs de merde avec Ronald Laing.