" Il y a des lieux récurrents, mais c'est la toile de fond sociale qui détermine les lieux: il y a la pauvreté, donc les décharges... C'est une conséquence du sujet. Les lieux sont commandés par la toile de fond. Autrefois, quand les polars s'exprimaient davantage au travers de l'énigme autour de la mythologie du "privé", on retombait inéluctablement sur des décors tels que la boîte de nuit, l'hôtel, la rue... Maintenant, on est peut-être plus composite, plus itinérant. Ce sont presque les gens que l'on rencontre qui constituent le décor. On sait tous que dans la vie, c'est la voix des hommes qui est importante, ainsi que leurs comportements. On est moins tributaire des lieux mythologiques qu'avant. Mais une chose est claire: la ville est le lieu par excellence du roman noir..."
Vautrin
p 25
" L'idée d'intrigue est presque une aberration. Je me rappelle qu'adolescent je me laissais dévorer à la fois par Proust et par Joyce. Par ailleurs je tiens à signaler l'existence d'un écrivain américain trop peu connu, John Hawkes, qui prend un malin plaisir à jouer avec les contraintes absurdes de l'intrigue classique. Bien sûr, dans mes longues nouvelles l'intrigue est facilement repérable, telle qu'elle s'est imposée à moi - je parle d'"Une revanche" ou de "Légendes d'automne", de "Julip" ou de "La femme aux lucioles". Gary Snyder a souligné la similitude presque grotesque de nos existences. Ce sont nos rêves et nos visions qui nous rendent uniques, irremplaçables."
Jim Harrison
p 12
" De ces années idiotes à réinventer le monde jusqu'à aujourd'hui, où était la faille? Où étaient les copains? Francis avait cherché à comprendre. Longtemps. Jusqu'à réaliser que la vie lui échappait. "La vie est sans solutions". Il avait lu ça quelque part. Il aimait cette phrase, jusqu'à la nausée. Quand l'envie de chialer le surprenait, Francis encaissait le coup, se ressaisissait: "Un mec, ça ne pleure pas!" Il trouvait un arrangement, un accord à l'amiable avec lui-même. "Fais avec, mon vieux! Après tout, t'as pas de grands désastres, juste rien. Même la mort ne t'a pas fait d'avances!" Francis vivait. Rien qu'avec sa lassitude."
Martine Laval
p 51
Second extrait de la rencontre avec Maïssa Bey du 18 octobre à la librairie Petite Égypte.