La Shaga
Créée en janvier 1968 dans une mise en scène de l'auteure, dans la même représentation que Yes, peut-être, c'est une pièce courte en un acte. Trois personnages, désignés comme dans Yes, peut-être, par des lettres, deux femmes A et B, et un homme dénommé H échangent dans un décor indéterminé. La plupart des commentateur pensent que la pièce se passe dans un hôpital psychiatrique.
Au départ, seules les deux femmes sont présentes. La femme A parle dans une langue qui n'existe pas, La Shaga, inventée pour les besoins de sa pièce par
Marguerite Duras, qui est allée se documenter à l'Institut des langues orientales, pour donner un côté asiatique à sa langue imaginaire. La femme B semble comprendre la femme A, elle va servir d'interprète entre cette dernière et l'homme H qui arrive avec un bidon. Il dit être tombé en panne d'essence et en chercher pour pouvoir repartir. Très vite, il va apparaître qu'il nourrit une sorte d'obsession autour d'un oiseau qui parle, et qu'il cherche à raconter cette histoire. La folie des trois personnages semble émerger de plus en plus au fur et à mesure du déroulé de la pièce.
Nous sommes encore plus clairement que dans Yes, peut-être, dans un
théâtre de l'absurde, symbolisé par cette langue inexistante, que parle B et que semble comprendre A, et d'ailleurs par moments H également. Nous sommes dans une forme d'incommunicabilité, de non-sens signifié par cette langue inventée, mais en même temps dans une forme de jeu, puisque les personnages arrivent à comprendre le sens littéral des messages des autres, même si au-delà du sens des mots, chacun paraît muré dans son discours propre, sans réel échange, sans que cela paraisse attrister les protagonistes. le langage qui se détraque de personnages emportés dans leur folie semble indiquer une sorte d'identité qui se délite, dans une société elle-même en déliquescence. Les codes du langage sont brocardés, ce dernier semble vidé de tout sens, par des personnages qui ne peuvent rien exprimer, sauf un vide intérieur, reflet d'une société aliénante.
J'avoue avoir du mal avec le
théâtre de l'absurde en général, et je trouve que
Nathalie Sarraute parvient à jouer de façon bien plus convaincante avec le langage que
Marguerite Duras. C'est plutôt une sorte de tentative à mon sens à moitié convaincante, et l'auteur donne son meilleur dans un registre un peu différent.