«Marchant sous la pluie boulevard Haussmann, il songea que l'essentiel de sa vie était à présent derrière lui.»
Philippe Markus, commissaire principal et juif lituanien, uni à ses hommes par une «fraternité de tranchée», Kowalsky le polonais et Escobar l'espagnol, enquêtent après l'attaque au vitriol d'une femme, et l'exécution «fignolée» de son patron, Hurlet, apparemment une belle ordure, ancien de la Gestapo pendant la seconde guerre mondiale.
Les policiers sont tous les trois nés au début des années 1940, trop tard pour prendre le bain de la grande histoire, la guerre. Dans l'époque désenchantée et sans gloire du début des années 1980, ils rêvent de partir loin de la fatigue et de l'écoeurement, de se déraciner vers Los Angeles. Cette enquête, cheminement sanglant d'une revanche à retardement, va faire s'envoler l'utopie des Anges.
«Ils avaient quitté l'hôtel de police, fuyant tout à la fois les sonneries du téléphone, les gueules ravagées des collègues, les crépitements des machines à écrire et la perspective des sandwiches jambon-beurre pour se refugier dans un petit restaurant tout bruissant des conversations d'une nuée de jeunes cadres papotant sur les derniers licenciements, le récent tennis avec l'adjoint du P-DG, le jogging avec le sous-chef du service exportation : mille bruits, mille voix, mille souffles, mille battements de coeur traduisant l'existence de vies sans importance aucune si ce n'est celle, légitime, de l'âme – ou de ce qui en tenait lieu – des propriétaires qui avaient pour fonction de guider, gérer et aimer ces corps plongeant vers le néant.»
Un Fajardie fort et émouvant, un de plus, publié en 1984.
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Curieux trajet que celui emprunté par cette espèce de train fantôme - sa vie - avec un cauchemar à chaque tournant: les sandwiches -vert et ocre! - au pâté, les bières éventées, le café écoeurant tiédissant dans de sinistres gobelets de plastique, l'odeur des mégots refroidis, le teint crépusculaire des collègues, les murs lépreux des locaux, la peinture s'écaillant d'année en année, le monde entier réduit à un long sauve-qui-peut. (...)
Puis, brusquement guilleret:
- ça c'est Paris!
« Si vous ne voulez pas vraiment, chaque matin, changer la vie, allez vous faire foutre une bonne fois dans les grandes forces tranquilles »
Dans le crime aussi, la société, normative par essence, médiocre par goût, refuse l’originalité issue du grandiose.
La mort, ce n’est rien d’autre, au fond, que l’ombre portée de la vie.
Chronique consacrée aux grands noms de la littérature policière, et animée, depuis octobre 2018, par Patrick Vast, dans le cadre de l'émission La Vie des Livres (Radio Plus - Douvrin).
Pour la 34ème chronique, le 08 janvier 2020, Patrick présente l'auteur français Frédéric H. Fajardie.
Patrick Vast est aussi auteur, notamment de polars. N'hésitez pas à vous rendre sur son site : http://patricksvast.hautetfort.com
Il a également une activité d'éditeur. À voir ici : https://lechatmoireeditions.wordpress.com
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