Vladimir Fédorovski doit être déchiré, il est ukrainien par son père qui fut un héros de la seconde guerre mondiale, sa mère était russe. Il n'évoquait pas trop avant l'origine de son père, par pudeur sans doute, maintenant il est bien obligé ..
Je sais que d'ici, avoir des nouvelles de sa famille n'est pas évident, certaines de mes connaissances sont carrément sans nouvelles.. Un silence glacial, pudique s'installe, et pour d'autres aller à Moscou actuellement, il n'en est pas question. Dans notre petit monde russe ici qui parle russe, maintenant on dit russe-ukrainien ou ukrainien-russe, quelques fossés se créent dans les discussions immanquables sur le sujet, des certitudes émergent, des acrimonies, sans pour autant altérer l'amitié qui se montre plus forte. J'ai le souvenir qu'après Maiden, une conversation un peu houleuse entre deux connaissances ukrainiennes eut lieu, l'une était pro-russe, l'autre penchant pour l'occident, ça s'écharpait dans un coin de brasserie auvergnate à Paris. Je n'en sus guère un traitre mot, mais j'avoue que j'aurais bien aimé participer à ce qui se disait déjà ! Une insatisfaction demeurait, maintenant, je suis servi, le fleuve ayant absorbé le petit ruisseau d'un débat sur la nappe entre deux "soeurs" comme Maria de
Jean Ferrat. Amitié en souhaitant intimement qu'elle le demeure ! Par exemple, on se disait plutôt pro-russe dans mon petit monde, on se le dit moins tout de suite, ou on évite de le dire. On dénote un peu de rétention, les lèvres se figent et ne suivent pas l'idée.. La perspective d'une embellie se fait plus lointaine, le soleil d'Odessa ou de Marioupol s'éclipse et semble renouer avec des époques plus sombres, nos fatalistes slaves resserrent les coeurs, à cet effet, ils demeuraient, tout le monde demeurait assez loin des problèmes qui se posaient au Donbass, loin des yeux, loin du coeur, sauf bien sûr ceux qui étaient directement touchés, la mort dans l'âme.
Le livre écrit il y a cinq ans par
Zakhar Prilepine :
Ceux du Donbass prend une tournure nouvelle. Il n'est pas le chef d'oeuvre que j'attendais, mais dans le fond il exprime une douleur qui perce à travers un fatras de mots qu'il ne peut réprimer ; il y a combattu, peut-être est-ce cela la marque inextinguible de l'artiste au détour de quelque expression difficile. Ce
Ceux du Donbass s'ouvre désormais à mes yeux comme ce que j'avais vu avant de l'avoir lu, une vérité bonne à asséner et à lire comme un requiem.
J'espère cher Vladimir, toi qui nous gratifies de tes joies littéraires et du temps passé russe, parfois flamboyant que tu nous feras, fort de ton expertise, un roman comme tu sais le faire, sur Zakhar, la difficulté d'exprimer que l'on ressent au plus profond de soi-même quand on est russe en Ukraine ou ukrainien en Russie, au moment même où se joue une guerre fratricide dont les protagonistes ont peine à voir d'un côté ce qui se joue en occident, la France pour nombre d'entre eux n'est pas un eldorado.
"L'histoire s'écrit sur des incompréhensions notables, parfois déroutantes"