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EAN : 9782742781089
109 pages
Actes Sud (05/01/2009)
  Existe en édition audio
3.71/5   193 notes
Résumé :
Un jeune homme a pris la décision de quitter son village natal pour aller, revêtu du treillis des mercenaires, à la rencontre du désert qu'investirent tant d'armées, sous des uniformes divers, après le 11 septembre 2001. De retour du checktpoint où la mort n'a pas voulu de lui, ce survivant dévasté est condamné à affronter parmi les siens une nouvelle forme d'exil. Il se met alors en demeure de retrouver la jeune fille de ses rêves d'adolescent, mais cette dernière ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (42) Voir plus Ajouter une critique
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sur 193 notes
Le narrateur (est-il Dieu, est-il la voix intérieure de l'homme, est-il notre propre conscience ?) interpelle un jeune homme rentré chez lui après s'être confronté à la violence aveugle de la guerre et de la mort dans un pays arabe.
Il avait peur que son petit village ne devienne son tombeau ; peur d'être imprégné, comme ses parents et ses grands-parents avant eux, par l'odeur de la vieillesse, de l'ennui, « de tout ce qui est joué d'avance ». Il était tenaillé par l'inaction, la rage, une colère sourde de devoir vivre et mourir sans avoir ressenti l'étreinte du monde. Il aspirait à découvrir dans la béance de son âme, la manifestation de Dieu.
A vif, le coeur empli d'attente et de violence, il s'était alors engagé comme mercenaire dans le désert où la guerre faisait rage. Il avait convaincu son meilleur ami de le suivre mais la mort avait fait exploser Jean-Do lors d'un attentat et il était rentré au village, seul, dépossédé de toutes ses illusions, sans plus aucune attache, sans rien à quoi se raccrocher.
« Tu es parti, le monde ne t'a pas étreint et, quand tu es rentré, il n'y avait plus de chez toi. »

Seul le souvenir de Magali, son amour de jeunesse, son premier flirt d'adolescent, offre à sa conscience égarée l'espoir d'un peu de pureté et d'innocence dans ce monde agonisant, comme un rai de lumière au fond des ténèbres.
Alors il lui écrit, une longue lettre…Mais Magali n'a plus 14 ans. Consultante au sein d'une grande firme, elle est devenue une combattante émérite de cet ordre supérieur, de cette entité institutionnelle carnassière et broyeuse d'âmes qu'est le monde sans pitié de l'entreprise. Là, on se bat à coup de termes techniques : management, nouvelles perspectives, développements, commissions, rendements.

Entre le mercenaire et la chasseuse de contrats, le même sentiment de vide et d'humiliation, le même écoeurement, le même découragement face à la vacuité, la vanité, l'insignifiance des êtres et du monde.
Trop plein d'abnégation ou au contraire défaut d'humanité ? Leur clairvoyance est terrifiante, elle laisse peu d'issue à la vertigineuse défaite vers laquelle tendent nos civilisations, sauf celle de la mort ou de la résignation.

Jérôme Ferrari met en scène des individus qui tentent de donner un sens à l'existence, qui essayent de comprendre la barbarie qui les cerne et qu'ils contribuent eux-mêmes à répandre.
Dominés par de vaines chimères où, dans un bain de violence et de sang, s'affrontent la quête d'absolu, la recherche de soi, la liberté individuelle et l'ambition de s'accomplir, ces êtres dessinent une humanité misérable, perdue, sur laquelle viennent se briser « toutes les illusions de lucidité ».
Pris à la gorge, on écoute, l'estomac noué et le coeur chaviré, les échos de leurs voix errantes résonner en nous, comme une complainte du désespoir.

Ecrit dans une sorte d'urgence, d'une écriture pleine de fièvre et de fureur qui nous confronte à la brutalité du réel, au monde tel qu'il est, cruel et barbare, « Un Dieu un animal » est aussi un roman abreuvé de spiritualité et de souffle divin, du sein duquel naissent des moments extatiques, véritablement lumineux.
Car ce roman âpre et fort est aussi une quête mystique et rédemptrice qui entremêle à l'implacabilité du sentiment de chaos, une dimension poétique, symbolique, visionnaire, une réflexion sur Dieu illuminée de sombre beauté.

D'emblée, on sait que l'on pénètre dans un univers qui ne laisse guère d'échappatoire, le genre de livre à la fois cruel et plein d'amour qui nous remue de l'intérieur, qui nous ébranle dans le fracas étourdissant de ses mots et qu'on lit le souffle court, comme en apnée, entraîné par le flux d'une écriture inspirée et féroce, immergé dans un monde sacrificiel d'exil et de solitude.
Monde martyr…que « Dieu tire du néant et renvoie sans fin au néant ».
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Je pense qu'après « Le sermon de la chute de Rome » et donc « Un Dieu un animal » Jérôme Ferrari et moi on va se retrouver d'autres fois. A vrai dire, j'en suis sur. Il signe ici un court roman absolument impressionnant de maitrise. L'écriture est bien là, fiévreuse, intense, dense, la sensation d'une plongée en apnée, au coeur de la solitude, du mal être, de l'incapacité d'être simplement soi-même, deux vies qui s'abiment, pas pour les mêmes raisons mais dont le destin semble tout tracé. Jérôme Ferrari écrit un chant funèbre bouleversant qui trotte dans la tête bien longtemps après l‘avoir refermé. J'ai eu le plaisir de discuter avec Ferrari ce week-end, me disant que c'était son roman préféré, je le remercie de m'avoir si bien conseillé. Avec Gaudé et Ferrari, les éditions Actes Sud peuvent être très fiers de leurs deux Goncourt.
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cela demande un peu d'entrainement
je veux dire, si vous avez l'habitude de prendre votre respiration aux points, avec Ferrari vous risquez l'asphyxie
le texte est là, en bloc, pas de retour à la ligne, pas de tiret, et de loooongues phrases.
Mais dès qu'on a pris le rythme, le bonheur de lire est là aussi, très présent.

Découvert grâce au Goncourt, cet auteur continue de me donner du plaisir ; il m'oblige à réfléchir, il me touche par l'intensité de ses personnages, il fait résonner en moi des interrogations, et bien sûr, comme exprimé au début, il améliore ma respiration ;)

Ici on parle d'un homme, à qui le narrateur s'adresse par un 'tu', et son déchirement nous fait poser la question : peut-on poser des choix de vie et rester maître de son destin?

intensité garantie dans ce court récit

ah j'oubliais … dédicace personnelle de l'auteur… un très beau cadeau de ma fille qui a rencontré souvent ce prof de philo de la ville voisine:)

4/5

is@juin14
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La distance entre le résumé des faits, en quatrième de couverture de ce mince roman, et l'impression que donne sa lecture, ne cessera de m'étonner. Le résumé aplatit l'histoire comme une crêpe, mais il a au moins l'avantage de réserver au lecteur une bonne surprise, celle de ne pas rencontrer les banalités qu'il annonce.

Ferrari traite l'histoire, la succession plus ou moins logique des événements fictifs, avec une certaine distance, pour ne pas dire avec une apparente négligence. Sa narration fait glisser le lecteur d'un segment à un autre, d'une époque à une autre, et lui fait croire que vraiment, là n'est pas l'essentiel. Bien sûr, on suit le parcours d'un jeune mercenaire traumatisé, mais les considérations pieuses sur la violence, le Moyen-Orient etc, se débitent ridiculement à une table de restaurant : c'est le Dictionnaire des Idées Reçues, auquel le personnage ne peut plus adhérer. Il ne s'agit pas du tout ici de l'histoire d'un pauvre soldat traumatisé par "la violence", ou pas nécessairement. Il s'agit d'un triangle de personnages, le soldat que le narrateur tutoie, Magali, son amie d'enfance, dont il parle à la troisième personne, et enfin de Hallâj, le mystique soufi du Moyen-Age, mort en martyr pour avoir dit : "Je suis la Vérité". Toujours, semble-t-il, les romans de Ferrari s'élaborent à l'ombre d'un grand homme et d'une idée qui ont révolutionné la pensée : Heisenberg, Nietzsche, Hallâj, ou l'Alef zéro.

Comment tous ces éléments s'emboîtent-ils ? La guerre dépouille le héros de son humanité et le place donc entre le dieu et l'animal : hors de l'humanité et de ses illusions consolantes, et surtout, bien sûr, loin des femmes, loin de Magali, qui est sa dernière tentative pour vivre une vie à hauteur d'homme. Mais il ne le peut plus. La guerre lui a fait voir l'absolu, ce Dieu qui, dans le roman, se manifeste en musulmans féroces, ce Dieu qui agrée tous les sacrifices humains qu'ils lui offrent, hommes, femmes, enfants, génies, innocents, mystiques. Le héros rencontre Dieu et il sort de cette rencontre tellement abîmé qu'il ne peut plus rejoindre les hommes : "Car dans la nuit de ta fièvre tu as été ramené tout au bout des déserts, là où tes yeux s'ouvrent sur les moissons de chairs sanglantes que le souffle énorme de Dieu a dispersées. Sa main s'est abattue près de toi et t'a à peine effleuré, mais tu es rompu pour toujours et, autour de toi, gisent ceux qu'il a choisi d'étreindre." (p. 109)

Deux remarques pour finir : la vision que ce roman donne de Dieu est proprement effrayante, augustinienne, ou islamique. Il est la vérité insupportable qui dévore tout. Ce court roman est consacré à cette vision, et rappelle celui d'Ali Erfan sur les enfants "martyrs de l'islam" lors de la guerre entre l'Iran et l'Irak. Pour être convaincant, Ferrari se maintient toujours à une intensité de style, à une puissance, qui épuisent le lecteur à qui presque rien n'est épargné. Mais c'est un livre fort et beau.
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Est-ce que j'ai aimé ce livre ? Oui mais non. Il est minuscule, c'est presque une nouvelle, et pourtant l'auteur a réussi à en faire un pavé. Un vrai pavé, un de ceux qu'on lance pendant les révolutions, ou qu'on entasse pour faire des barricades….

Par quel miracle me direz-vous ? Je vous explique. le truc, c'est qu'on dirait que Jérôme Ferrari ne connaît pas les chapitres, ni même les sauts de pages, ou les sauts de ligne tout simplement.
Résultat, ce roman est tout bonnement irrespirable. On est en apnée de la première ligne jusqu'à la dernière. Alors c'est vrai, il n'y a que 110 pages, mais en ce qui me concerne je n'ai pas l'entraînement pour le Grand Bleu et ça fait déjà une sacrée profondeur pour retenir sa respiration.

Pourtant, à part ça, j'aime beaucoup le style, j'aime beaucoup le thème (le sens de la vie, la quête de soi, la brutalité du monde et la rédemption, ouais rien que ça, très digeste n'est-ce pas ?), mais honnêtement ça m'a fatigué. Peut-être suis-je une grosse feignasse ? Oh, c'est tout à fait possible ne nous racontons pas d'histoire…
Par contre, est-ce une raison suffisante pour jeter le bébé avec l'eau du bain ? Bah non justement et plus j'y pense plus je me dis que ça fait du bien parfois de fournir un petit effort. Parce que c'est comme ça la vie, compliqué. Difficile. Pas gagné (ceci étant la version optimiste de "perdu d'avance")...

Donc voilà, ce n'est pas que je change d'avis comme de chaussettes, non ce qui se passe c'est que ce livre possède en réalité les qualités de ses défauts. Je veux dire par là que Jérôme Ferrari ne pouvait pas faire autrement ni surtout faire mieux que de l'écrire comme il l'a fait. Ce texte, par son côté monobloc acquiert une force monstrueuse, quasi divine pour faire un clin d'oeil au titre, et il nous scotche sur place dans l'attente de la fin avec une espèce d'urgence qui va nous laisser un goût amer, c'est couru d'avance.
En effet il n'y aura pas d'échappatoire, on le sait depuis… euh je sais pas moi, depuis le titre peut-être ?
Un dieu un animal, c'est sûr que ça interroge, chaque homme est un peu des deux à mon avis. Mais on se fiche bien de mon avis, nous sommes ici au royaume des vies brisées et au pays des questions sans réponse, il va bien falloir l'accepter.

Bon mais alors, finalement, est-ce que j'ai aimé ce livre ? Oui mais oui. Et en plus, j'ai vachement progressé en apnée !

Pour la petite histoire, c'est un livre que j'ai pris dans la boîte à livre du parc de l'Orangerie à Strasbourg et sincèrement, je ne l'aurai sans doute pas lu si l'occasion n'avait pas fait le larron. C'est vraiment une bonne chose ces livres en liberté et cette liberté dans les livres, il faudrait davantage d'initiatives de ce type... je vais voter pour ça tiens, c'est de saison après tout ;)
Lien : http://tracesdelire.blogspot..
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Citations et extraits (49) Voir plus Ajouter une citation
Dès qu'elle a passé la porte de la maison, une odeur de renfermé et de moisi lui envahit les narines. Elle pose son sac et ouvre les fenêtres et les volets. Le salon lui semble minuscule. Les murs sont fissurés, il y a des toiles d'araignée et des cadavres desséchés de petits scorpions dorés sur le sol poussiéreux. Elle se sent redevenir triste et vulnérable. Elle regarde autour d'elle. La maison est la même que dans ses souvenirs mais quelque chose d'impalpable s'est brisé, et chaque objet qu'elle reconnaît est comme terni, bancal, mutilé.
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Laisse l'éternité là où elle est. Le seul moyen de la préserver est de ne pas s'en approcher, car c'est dans la perte et l'éloignement que tu te tiens au plus près de ce qui est perdu, et à jamais inaccessible. Il n'y a pas d'attente, pas de rêves, pas d'élan, mais simplement la douceur limpide de ce qui est donné par surcroît.
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Si durement qu'on juge le monde, on n'en est jamais qu'une partie et il faut l'accepter car, hors du monde, il n'y a rien, nul repos, nulle bonté, nulle échappatoire, et on ne peut pas s'enfuir hors du monde.
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Epigraphe :

Nul éloignement pour moi après ton éloignement

Depuis que j’eus la certitude que proche et loin sont un
Car même dans l’abandon l’abandon m’accompagne
Et comment peut-il y avoir abandon quand l’amour fait exister ?
Grâce à Toi ! Tu guides dans la parfaite pureté
Un adorateur pur qui ne se prosterne que pour Toi
.

Hussein Ibn Mansur El Hallaj
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Pourtant, ils essaient tous désespérément d’exister et d'être reconnus, et d'être uniques, ils ont leur page personnelle sur Internet, ils y publient leurs photos, ils y expriment leurs opinions, ils y dressent la liste de leurs goûts, de leurs attentes et de leurs centres d'intérêts, comme autant de preuves tangibles de leur existence, et ils ne parviennent qu'à bâtir un temple vide dédié au culte d'un fantôme.
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Videos de Jérôme Ferrari (45) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jérôme Ferrari
Jérôme Ferrari, prix Goncourt 2012, est à l'honneur de cette nouvelle séance du cycle « En lisant, en écrivant ».
Qui est Jérôme Ferrari ? Professeur de philosophie, Jérôme Ferrari obtient en 2012 le prix Goncourt pour le Sermon sur la chute de Rome, saga familiale inspirée par une phrase de saint Augustin : « le monde est comme l'homme, il naît, il grandit, il meurt.» Son dernier roman, À son image (2018), se penche, à travers l'histoire d'une photographe de guerre, sur le pouvoir évocateur – mais aussi l'impuissance – de la photographie.
En savoir plus sur les Masterclasses – En lisant, en écrivant : https://www.bnf.fr/fr/master-classes-litteraires
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