C'est parce qu'il me fallait lire un livre dont l'action se déroule pendant la Grande Dépression que je me suis arrêtée sur ce livre. Normalement, j'avais prévu "
Les raisins de la colère" de
John Steinbeck qui dort dans ma pal depuis longtemps déjà et que j'ai pourtant très envie de lire sans jamais trouver le bon moment. Mais décidément, il devra attendre encore un peu (beaucoup ?) puisque ce sera finalement "
Des fauves et des hommes" de
Patrick Graham sur lequel je me serais arrêtée, totalement par hasard puisque c'est en cherchant un livre pour une autre catégorie du défi que le titre de ce livre m'a interpellée. Et comme quoi les hasards peuvent bien faire les choses, puisque que je ressors de cette lecture, dont je n'avais jamais entendue parler, totalement conquise.
"
Des fauves et des hommes", c'est l'histoire d'un "Négro" qui a tout perdu : sa femme, ses enfants, sa terre. C'est l'histoire d'un homme qui crie vengeance en devenant un assassin. C'est l'histoire d'un homme qui, après avoir volé des documents compromettants, se retrouve avec la Mafia sur le dos...
Mais si Sidney Clifford est bien le personnage principal, jamais l'intrigue nous est racontée de son point de vue. Et c'est à travers d'autres personnages que nous apprenons à le connaître, à le cerner et à l'apprécier. Et pour ce faire, nous suivons tour à tour Carson Fletcher-Mills, adolescente de 14 ans qui, après le massacre de sa famille, fait route avec Sid ; le marshall Rupert Strickland, flic ripou à la botte du parrain de la Mafia et qui s'est lancé dans une chasse à l'homme sans pitié ; et enfin Anna Sullivan, journaliste prête à tout pour que la vérité éclate au grand jour, quitte à être traquée à son tour.
Nous sommes en 1931, en pleine crise économique. Grande Dépression, misère, famine, désespoir et vagabondage sont les thèmes principaux qui nous plongent au coeur d'une Amérique pauvre et aux abois. Au gré des étapes de Sid et Carson, nous en apprenons un peu plus sur les conditions de vie des mineurs, sur les hobos (vagabonds qui voyagent en se cachant dans les trains de marchandises), sur la façon dont des milliers de familles se retrouvent sans rien suite aux expropriations, sur l'organisation des milices et des syndicalistes. Il y est également question de corruptions, de Mafia, de meurtres et de tueries, de racisme et du Ku Klux Klan, de tempête de poussière. Il y a même des tarentules pas très sympathiques, des frelons quelque peu carnivores et des chiens de chasse dressés à une chasse toute particulière...
On est en plein dans un roman noir, très noir, cruel et violent, mais raconté tel que c'en est pourtant facilement supportable, pas ragoûtant non plus alors que pas mal sanglant. Tout est dans l'ambiance et dans la dynamique. Parce que pour être dynamique, ça l'est sans aucun doute, autant que tendu et oppressant. 640 pages que se partagent 160 chapitres, c'est vous dire à quel point les chapitres (très) courts donnent le rythme.
Avec des personnages fouillés qu'on apprend à apprécier ou détester de plus en plus, avec leurs casseroles et leur propre vécu souvent des plus dramatiques, l'auteur nous emmène dans une sorte de road trip magistral, implanté dans un contexte historique toujours plus immersif et prenant. Malgré un dénouement peut-être un peu trop vite expédié, pour lequel j'aurais eu envie de m'attarder un peu plus, tout y est pourtant bien développé et maîtrisé : personnages, ambiance, intrigue, contexte, rythme.
Bref, j'ai adoré ce roman noir palpitant.