A l'âge de douze ans, Paolig, qui signifie Petit Paul en breton, a refusé de continuer ses études. Tant pis pour l'instituteur et le certificat d'études. Il est assez grand maintenant pour aider sa mère, marchande de poisson itinérante.
Ils habitent dans un pennti situé dans la palud de Poulguen, un endroit désert et guère aménagé. Ils vivent de peu, et cela leur suffit. La mère, Zélie, s'approvisionne à la criée du Guilvinec, puis elle vend ses poissons dans les petits hameaux environs, tirant sa carriole, allant au devant de ses clientes, et n'oubliant pas de s'arrêter, souvent, trop souvent, dans les chapelles disséminées sur son chemin. Les chapelles, euphémisme pour désigner les bars, pas les poissons, où elle s'enfile moult boissons alcoolisées. Et le soir, elle rentre le plus souvent éméchée, pour ne pas dire plus.
Mais à douze ans, Paolig aide sa mère, la ramène et la couche, afin que le lendemain elle soit à peu près vaillante pour effectuer ses tournées. Et c'est ainsi que lui aussi goûte au gwin ru, le vin rouge, puis se met à fumer. Mais à force de consommer, elle se consume, et elle n'a que trente-cinq ans lorsqu'elle décède. Paolig n'a que seize ans, et l'avenir est comme les marais, le plus souvent plongé dans le brouillard.
Alors il effectue de petits boulots, aidant les uns et les autres, puis il s'engage, après tout ce n'est peut-être pas pour rien qu'un des élèves l'avait surnommé le fils de l'Amiral. Il avait ramassé dans son filet quelques sirènes, dont une qui semble s'y connaître en matière de fraie, lui montrant comment faire afin de le dessaler et surtout se dérober au moment crucial.
Au fil des années Paolig grandit, pas forcément en sagesse, et à la fin de la guerre, il est marin pêcheur, et surtout poivrot. Un accident de pêche va lui changer la vie et il va prendre une grande décision. Ne plus boire. Et il reprend la suite des mareyeurs, ceux qui approvisionnaient sa mère, partis à la retraite, et il se débrouille mieux que ses confrères, devenant un requin dans la profession.
Et puis, un jour, alors qu'il fait sa tournée pour démarcher des restaurateurs, il tombe en extase devant une jeune fille, Marie-Morgane, l'une des soeurs Gwenan, et c'est réciproque. Lui, le vieux loup de mer, est accroché à l'hameçon de l'amour, c'est le mariage, les affaires sont florissantes, Marie-Morgane mène la barque en s'occupant de la comptabilité, des factures, de tout ce travail de bureau peu exaltant aux yeux de Paulo, devenu le grand Paulo. Et ils ont une fille, Pauline, qui appâte les clients, mais dans un autre domaine, celui de la banque et des marchés boursiers.
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