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EAN : 9782213615929
352 pages
Fayard (28/05/2003)
4.3/5   5 notes
Résumé :
Le Cervin : aujourd'hui la plus célèbre montagne du monde, en 1860 un sommet quasi inconnu. Deux hommes s'acharnent alors à le gravir, tour à tour rivaux et alliés : l'Anglais Edward Whymper, vingt ans, et le chasseur-soldat-paysan italien Jean-Antoine Carrel, trente et un ans. Cinq ans de luttes, de tentatives et d'échecs au cours desquels la montagne est lentement grignotée par les deux alpinistes, mais paraît toujours invincible. Jusqu'à la victoire, aussitôt sui... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Le Cervin !
Cette montagne fascinante, esthétiquement unique, que Gaston Rébuffat appelait la "cime exemplaire".
Le Matterhorn, comme on dit en allemand, en a fait couler du sang pour sa conquête et de l'encre pour les différents récits dont il est l'objet !
Tant de morts entachent son histoire, générant de nombreuses critiques acerbes dans la presse internationale, telle celle-ci, parue en 1865 dans un journal français : « Il n'y a qu'à regarder le Matterhorn pour se convaincre de la bêtise de ceux qui tentent de l'escalader. Cela n'a jamais été une montagne. C'est une sorte d'obélisque gigantesque dont on aurait coupé la pointe. Il n'y a ni terre, ni végétation, ni arbres, ni mousse : il n'y a que du granit. C'est sinistre, horrible, monstrueux. Cela n'attire qu'autant qu'une laideur épouvantable peut attirer. »

Sylvain Jouty raconte l'histoire mouvementée de ce sommet mythique dans un ouvrage volumineux, fruit d'un gros travail de recherche.
Le point central est bien évidemment l'ascension victorieuse du britannique Edward Whymper et le désastre de la redescente qui couta la vie à quatre personnes, dont le chamoniard Michel Croz.
Mais l'auteur aborde également les tentatives infructueuses (qui avaient conduit beaucoup à juger le Cervin inaccessible) et les années qui ont suivi la victoire de Whymper.

Ayant déjà beaucoup lu au sujet de cette montagne, sous la plume de Reinhold Messner ou de Walter Bonatti par exemple, sans oublier l'incontournable "Escalades dans les Alpes" d'Edward Whymper lui-même, original et assez amusant, je n'ai pas appris grand-chose sur l'alpinisme lié au Cervin.
Mais cette lecture présente un réel intérêt parce que le texte n'est pas que la narration brute des événements.
Sylvain Jouty élargit son propos et expose les enjeux politiques et économiques de la compétition pour la conquête, en racontant la vie des différents protagonistes et des villages directement concernés, ce qui fait de son livre un véritable roman historique.
De plus, le récit est émaillé de remarques et d'anecdotes qui aident à mieux comprendre l'histoire dans sa globalité.
Enfin, la question sociale n'est pas en reste, et Sylvain Jouty insiste sur l'aspect curieux de cette activité qui réunissait autrefois des "Messieurs" et des guides-paysans : "Un habitué de Windsor trinque avec un paysan savoyard qui dort avec ses vaches."

Le Cervin a attiré quantité d'alpinistes et les différentes ascensions ont impliqué de nombreux guides de la région, venant des villages à ses pieds. Chacun voulait être le premier : pour sa gloire personnelle, pour la gloire de son pays et la renommée de sa commune.
Tous pressentaient l'importance des retombées financières à venir et, effectivement, celles-ci se font encore sentir aujourd'hui : "On vient du monde entier pour le voir, le toucher, le gravir. Il a fait la fortune de Zermatt et de sa bourgeoisie. Dans la Bahnofstrasse du village les baux commerciaux coûtent aussi cher que dans les plus opulentes artères de Genève ; et le village aux cent vingt hôtels est devenu la troisième destination de Suisse, après Genève et Zürich."
Un été je suis passée avec ma famille par Zermatt et peux témoigner de la richesse de la ville et des prix exorbitants pratiqués, qu'il s'agisse des hôtels ou même des supermarchés : ce que nous y avons payé pour nous constituer un modeste piquenique nous a fait regretter de ne pas avoir fait nos emplettes plus bas dans la vallée !

Le roman du Cervin n'est pas exempt de défauts (l'auteur s'éparpille un peu par moments, la rédaction est parfois perfectible) mais constitue une lecture plaisante et instructive qui plaira à ceux qui s'intéressent à l'histoire de l'alpinisme.
Il comporte de plus de nombreuses illustrations, certaines étant de Whymper lui-même.
Voici les liens vers deux oeuvres de Gustave Doré : celui-ci, désireux d'illustrer la première du Cervin, sollicita Whymper qui lui fit parvenir deux croquis dont l'artiste tira les lithographies respectivement nommées
Arrivée au sommet (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53100091n.item) et
La chute (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b531000906.r= Gustave Doré La chute Cervin?rk=21459;2)
Je les trouve particulièrement émouvantes, le tragique de l'une succédant à l'immense gaieté de l'autre.

À tout seigneur tout honneur : je vais laisser le mot de la fin à Edward Whymper, vainqueur malheureux du Cervin, traumatisé par le drame qui noircit ce qui avait été quelques instants auparavant une merveilleuse ascension. Traumatisé au point de ne plus rien vouloir entreprendre en matière de hauts sommets, alors que son époque offrait encore une jolie série de conquêtes à effectuer.
Whymper (cité par l'auteur) conclut son Escalades dans les Alpes par ces mots : "Gravissez les montagnes, mais souvenez-vous que le courage et la vigueur ne sont rien sans la prudence. Souvenez-vous que la négligence d'un seul instant peut détruire le bonheur de toute une vie. Ne faites rien avec précipitation : donnez de l'attention à chacun de vos pas. Et dès le commencement songez à ce que peut être la fin."
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Le coeur du sujet est bien connu : le 14 juillet 1865 une cordée de 7 grimpeurs dont le plus connu est Edward Whymper atteint pour la première fois le sommet du Cervin, mais 4 hommes font une chute mortelle pendant la descente, sur un des sommets marquants des Alpes l'histoire de l'Alpinisme prend un virage.
Ce livre inscrit cette journée, les tentatives précédentes et suivantes, dans un cadre romanesque : lutte entre les hommes et les pays, rencontres et amitiés improbables, visions réelles et rêve impossible. Il nous fait suivre les protagonistes pendant les années précédant et suivant cette année 1865 si importante dans l'histoire de l'alpinisme. La vie de Whymper est forcément la mieux connue, par son autobiographie, ses conférences et ses articles. En romancier, Sylvain Jouty a sans doute dû faire preuve de plus d'imagination pour reconstituer la vie à Breuil, misérable village du val d'Aoste, que pour narrer l'invraisemblable saga des Douglas, aristocrates écossais qui ont défrayé la chronique avec des faits intéressants mais dont le rapport avec l'Alpinisme est souvent extrêmement lointain.
D'une lecture facile et divertissante, ce livre exagère l'importance de son sujet (même si sa silhouette est bien connue, je doute que le Cervin soit la montagne la plus célèbre du monde), mais en tire dans pages instructives pour qui s'intéresse à l'Alpinisme ou à la vie dans ces vallées reculées avant l'invention du tourisme de masse.
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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
Quarante ans, c'est à peu près le temps que mettent des cadavres à réapparaître, intacts, préservés par le glacier et n'ayant pas vieilli d'un jour. Les morts ensevelis dans la glace échappent au temps et à la corruption qui aurait dû les transformer en squelettes ; c'est un peu comme s'ils n'étaient pas tout à fait morts, comme s'ils avaient eu un répit avant l'horreur définitive de l'oubli. La jeune fille de vingt ans, qui en a maintenant soixante, revoit le corps de son aimé depuis longtemps disparu dans une crevasse. Elle est vieille, ridée et s'appuie sur une canne, mais le jeune homme réapparu a toujours la splendeur altière de sa jeunesse. Il est mort, et pourtant il a échappé au temps.
C'est là une belle mort.
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À dix heures, on s'arrêta pour déjeuner. Tandis que les guides sortaient les provisions des sacs, Whymper s'éleva pour reconnaître la suite. Deux cent cinquante mètres au-dessus, le couloir formait un coude et la dernière partie en était invisible. Avec le soleil quelques petites pierres tombèrent ; pour ne pas inquiéter ses compagnons Whymper ne jugea pas utile de les prévenir, tous étaient en-dehors de l'axe du couloir. Mais ce n'était que les prémisses. Un terrible fracas se fit entendre, et, du coude du couloir, une avalanche de blocs de toute taille se précipita, roulant et rebondissant d'un flanc à l'autre. Abandonnant qui la bouteille, qui le gigot, chacun chercha à se protéger tant bien que mal.
On en fut quitte pour la peur : personne n'était blessé.
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Le plus vite possible, on creusa une fosse et on y ensevelit les lamentables restes, tandis que les reliques − corde, chapeau, chaussures, ici un gant, ailleurs une ceinture − étaient rassemblées.
[...]
En guise de service funèbre, le révérend McCormick profita d'une accalmie pour lire, dans le livre de prières de Hudson, le psaume XC :

Avant que fussent nées les montagnes,
De toujours tu es Dieu.
Tu réduis l'homme en poudre,
Tu l'entraînes, il n'était qu'un songe.

Montagnes, Dieu, poudre, songe.
Tout était dit, tout était fini. Alors on s'en retourna.
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Jean-Baptiste n'alla pas plus loin mais sa fille continua, franchit l'Enjambée et parvint à un replat où le vent, soulevant ses jupes, la força à s'arrêter par décence ; du reste, comment s'aventurer ainsi dans une paroi verticale, et même surplombante, sans contrevenir à celle-ci ?
[Remarque personnelle : ah, l'alpinisme du XIXe siècle !]
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Depuis 1857, le Cervin avait vu seize tentatives égrenées sur huit ans : deux essais par an en moyenne. Au fond, ce n'était pas tant que ça. Mais voilà qui rendait bien improbable que quatre alpinistes concurrents se retrouvent, en même temps, à convoiter l'ascension.
Et pourtant les historiens ont souvent remarqué d'aussi étranges coïncidences : des savants, des intellectuels, des écrivains que rien ne relie et qui pourtant ont en même temps la même idée, font en même temps la même découverte, expérimentent en même temps le même procédé. Comme si quelque chose de plus fort que l'individu travaillait l'humanité et la conduisait malgré elle ; mais comment nommer ce quelque chose ?
Peut-être simplement le destin.
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