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Alexandre Vialatte (Traducteur)
EAN : 9782070361922
Gallimard (09/11/2001)
3.87/5   303 notes
Résumé :
Outre La colonie pénitentiaire, ce recueil contient les quatre récits groupés par Kafka sous le titre Un champion de jeûne et deux textes incomplets, La taupe géante et Le terrier.
La colonie pénitentiaire, écrit en 1917, fut publié en 1919. Par son thème, le récit s'apparente au Verdict et au Procès. Mais ici tout tribunal fait défaut, la loi du châtiment règne seule.
Les quatre récits d'Un champion de jeûne («Premier chagrin», «Une petite femme», «... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (41) Voir plus Ajouter une critique
3,87

sur 303 notes
Je parlerai ici exclusivement de la nouvelle principale, à savoir La colonie pénitentiaire.

On ne peut parler d'une oeuvre de Kafka sans parler plus de Kafka que de cette oeuvre. Les livres de Kafka sont comme des rêves: ils sont ouverts à mille interprétations et leurs personnages n'ont pas de passé clair, ils se trouvent dès le début dans une situation étrange et doivent la vivre.

Il s'agit cette fois d'un visiteur d'une colonie pénitentiaire qui découvre la pratique singulière de l'exécution de condamnés par une machine au résultat atrocement accompli. Or, on a besoin de l'avis favorable de ce visiteur pour que cette merveilleuse machine demeure. L'officier chargé des exécutions est le seul qui reste un fervent zélé de cette invention...
Il y a un proverbe qui décrit vraiment toute l'oeuvre de Kafka : " le malheur est parfois hilarant".

Rien n'égal l'atrocité de certains faits décrits et l'extravagance des idées nostalgiques de l'officier, ainsi que l'indécision du visiteur à faire face à cette pratique inhumaine, que la finesse et la précision avec lesquelles Kafka raconte des faits oniriques (avec beaucoup d'humour; surtout le condamné à mort naïf et gauche, et d'exactitude dans la description en détail de la machine...).

Je sais que ce qui nuit le plus à Kafka, c'est le mauvais goût des interprétations stéréotypées. On cherche à mettre le texte (malgré lui) dans le contexte qui nous plaît. Et si Franz ne voulait rien dénoncer, rien ironiser, juste nous produire une nouvelle magnifique comme lui-même aime les lire. Sans autre motif. En bref, cette nouvelle parle d'un système imposé, qui s'avère violent , les gens savent qu'il est inhumain et ne peuvent le changer car il y a toujours des zélateurs qui peuvent le défendre et qu'il est là depuis toujours..

Mais peut-on interpréter un rêve? On est charmé par cette vision et c'est tout.
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Cette lecture m'a fait penser à certaines visites que j'ai pu faire aux musées d'art moderne. Face à certaines oeuvres, j'avoue ne pas avoir saisi ni l'intention ni l'essence du travail de l'auteur.
Il y a clairement un problème d'interprétation face à des écrits aussi complexes que ceux de Kafka. Alors afin de comprendre, soit on fait le bon élève et on fait des recherches soit on se fie à son flair de lecteur et on choisit l'interprétation basée sur le ressenti en extrapolant dans les théories.
J'ai choisi la deuxième option.

Le sentiment d'oppression est à nouveau présent, la description de la machine de torture remplit l'espace nous acculant dans un coin, terrassés par la barbarie et l'inimaginable capacité des hommes à obéir aux ordres sans se poser des questions et sans culpabilité. Les descriptions insoutenables de la souffrance des condamnés nous écrasent comme une chape de plomb.

On pourrait même interpréter cette nouvelle comme étant une oeuvre visionnaire des horreurs qui seront commises bien plus tard pendant les guerres. Les pratiques barbares et la déshumanisation y sont déjà.
D'une écriture sobre et avec beaucoup de distance Kafka sème encore et toujours des interrogations sur la condition humaine.
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Un voyageur de passage est invité à examiner une colonie pénitentiaire, et plus particulièrement une exécution qui va bientôt avoir lieu. L'officier chargé de la visite est très fier d'exposer la machine chargée d'exécuter la peine : elle inscrit dans la chair du condamné le motif de la punition puis provoque la mort après de longues souffrances.

L'officier est pourtant fort inquiet pour l'avenir de ce système : mis au point par l'ancien commandant, il a depuis été remplacé par un nouveau qui n'apprécie guère la machine. Les pièces ne sont plus aussi vite remplacées qu'avant, les incidents se font de plus en plus nombreux, les rangs des détracteurs grossissent. Il supplie le voyageur d'en parler de manière positive pour assurer à la machine l'avenir radieux qu'elle mérite.

On peut interpréter le texte de différentes manières : critique des tortures et des exécutions judiciaires, de la passivité des exécutants qui obéissent sans broncher, ... Difficile de savoir précisément ce que voulait transmettre l'auteur. Kafka reste insaisissable !

Six autres nouvelles accompagnent ce texte, dont deux inachevées. J'ai particulièrement apprécié « Le terrier » : l'histoire d'un animal qui bâtit son terrier, met en place des protections, des pièges, répartit ses provisions. Pourtant, au lieu de le rassurer et de le tranquilliser, ces innovations l'angoissent : et si quelqu'un déjouait le piège ? Les provisions sont-elles correctement réparties ? Pourra-t-il se défendre en cas d'agression ? Cette obsession le pousse à sortir du terrier pour observer les alentours, mais le calme des lieux l'oppresse plus qu'une éventuelle présence. Et comment oser rentrer maintenant, au risque de montrer aux ennemis le chemin ?

Kafka a toujours le même effet sur moi : j'ai du mal à lire plus de dix ou quinze pages à la suite, et je suis forcé de prendre des pauses pour digérer ce que je viens de lire. Mais dix minutes plus tard, il faut absolument que j'y retourne, impossible de le laisser de côté trop longtemps !
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Un inspecteur est délégué sur une île dont on ne connaît pas le nom (mais où il est question de Kommandantur) pour faire un rapport sur la manière dont sont traités les prisonniers coupables de manquements, indisciplines ou condamnés. le "bourreau", gardien du lieu, a mis au point, avec le précédent commandant décédé, une machine diabolique qui imprime dans la chair, très progressivement, la condamnation.

Franz Kafka qui donna son nom au terme "kafkaïen", entré dans le langage courant, porte ici toute sa définition : absurde, torturé, compliqué dont on a du mal à définir le sens. L'auteur a imaginé une machine digne des plus grands bourreaux (mais faisons confiance à l'humanité pour faire preuve d'autant d'imagination dans les années qui suivirent) et donne la parole à son concepteur qui prend un plaisir non dissimulé à détailler, dans les moindres détails et avec une sorte de sadisme jubilatoire toute la machinerie et va même jusqu'à demander d'en préserver l'usage au péril de sa propre vie.

Je dois avouer que durant toute ma lecture j'ai senti le malaise monté, l'horreur de la situation, dans cette salle de tortures, écoutant avec le futur torturé qui n'a pas l'air de comprendre le sort qui lui ai réservé,  les explications fournies sur le déroulement de la sentence. J'ai tenté de déceler dans le récit l'arrière-pensée de l'auteur : une interprétation personnelle de l'usage fait de la torture et du plaisir que peut ressentir ceux qui la pratiquent, un délire sadomasochiste qui se voudrait absurde mais on sait que quand il est question de tortures les hommes, depuis la nuit des temps ont fait preuve d'imagination ? 

C'est un texte marquant (excusez-moi pour l'analogie sur la machine), qui m'a profondément troublée sans que j'en connaisse exactement la raison mais sans pouvoir lâcher ma lecture pour autant ou l'abandonner par dégoût. Je voulais savoir pourquoi, quel était le but de cet écrit. Et si finalement c'était simplement une fable sur les capacités de l'homme à faire du mal, à pousser la torture jusqu'à son paroxysme avec un bourreau presque en état second, convaincu des bienfaits de sa machine et préférant demander un faux témoignage de peur de la voir disparaître. Et puis la fascination du bourreau pour son commandant disparu, perpétuant sa volonté, ses souhaits au-delà de sa disparition, ..... Prémonitoire de ce que les hommes sont capables de faire au nom d'un idéal.

Le recueil comportait d'autres nouvelles, mais je dois avouer que je n'en saisissais pas le sens pour la plupart et ai abandonné le recueil. Il s'agissait plus de courts récits, de petites chroniques, tenant parfois en quelques lignes, certains textes comme des ébauches d'écriture, de notes sur des scènes vues, mais comme j'étais encore sous le coup de mon voyage dans la colonie disciplinaire, j'avais beaucoup de mal à y trouver un intérêt ou du sens.

Une expérience de lecture troublante et en plus un visage et des yeux sur la couverture qui à chaque fois que je prenais le livre me donnait l'impression de plonger au plus profond de moi, de me sonder, de chercher à trouver les failles et dont je ressentais à la fois toute la noirceur mais également une sorte de résignation à ne déceler que le négatif.

Je n'ose pas dire que j'ai aimé et pourtant oui j'ai aimé car cette lecture va rester en moi pour longtemps. Je ne sais pas si je lirai à nouveau Franz Kafka. Je ne suis pas sûre d'apprécier son univers, ses pensées et même de comprendre ce qu'il veut transmettre mais je suis ravie d'avoir participer à ce challenge Mai en nouvelles qui m'a permis de comprendre pourquoi Kafka a laissé son empreinte dans notre langage à travers un texte aux multiples interprétations.
Lien : https://mumudanslebocage.wor..
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LA COLONIE PÉNITENTIAIRE
A la deuxième page de cette nouvelle, on se pose déjà quelques questions et une fois la lecture finie, et que plusieurs horizons se sont offert à nous, on se sent plus que perdu, on se casse la tête, les questions ne font que fulminer... que veut dire l'auteur? Que représente en vrai cette colonie pénitentiaire où il n'est question que d'une machine décrite comme une espèce de guillotine contemporaine? La machine est, elle-même, vouée à tous les éloges par un officier, qui en fait une présentation maniaque au voyageur comme un boucher qui exposerait sur sa façon à lui d'abattre ses animaux. Cet objet cache-t-il une machination politique, idéologique ou judiciaire? Quel genre d'autorité se cache derrière le personnage de l'officier, qui a l'air d'un bourreau, assoiffé du sang, rassasié du sang, perd la tête et fini par y passer? Et le voyageur, est- il Dieu, la conscience, doté d'une impassibilité tout autant maniaque? Et le condamné, un maniaco-naïf, est-il le peuple ou simplement un système? Du moins, ce sont des pratiques inhumaines qui sont au coeur de cette nouvelle émouvante.
Ce n'est pas une lecture vraiment aisée mais on sort de là un peu dérangé, bien qu'il y ait de l'absurde, on se dit, on n'a pas lu du n'importe quoi, et des génies, le monde en a connu!
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Citations et extraits (23) Voir plus Ajouter une citation
En octobre 1914, Kafka prend une semaine de congé pour avancer dans la rédaction du Procès commencée deux mois plus tôt. Il s’échappe même de l’appartement familial à Prague pour aller travailler au calme dans celui de sa sœur Elli, Nerudagasse 48. Prolongeant d’une semaine son congé, c’est cependant deux autres textes qu’il va écrire : le dernier chapitre d’Amérique, « Le grand théâtre d’Oklahoma », et À la Colonie pénitentiaire.
Les mois suivants, il hésite à publier ce dernier texte. Il en fait une lecture publique à Munich le 10 novembre 1916, lecture à laquelle assiste Rainer Maria Rilke. Selon plusieurs journaux, le récit aurait été mal accueilli par le public, il est même question de trois dames qui seraient tombées dans les pommes ! (histoire qui semble avoir été inventée par un journaliste). Par la suite, Kafka continue à douter de la valeur de ce texte. Son éditeur Kurt Wolff désire le publier, et ce n’est que trois ans plus tard qu’À la Colonie pénitentiaire paraîtra, tiré à mille exemplaires.
Les hésitations de Kafka semblent liées au caractère à la fois « douloureux » et « honteux » de ce récit, selon le mot peinlich qu’il emploie dans une lettre à son éditeur. La torture est ici l’œuvre d’une machine rendant la cruauté humaine totalement impersonnelle, effaçant même la conscience de toute culpabilité chez le tortionnaire. Kafka avait lu des articles de journal et des récits contemporains évoquant différentes colonies pénitentiaires tenues par des puissances européennes : il s’agissait bien d’inscrire de force une Loi supérieure dans la chair des détenus.
J’ai tenté de rendre la froideur de la langue kafkaïenne épousant celle de « l’appareil particulier » évoqué dès les premières lignes. L’écriture de ce récit est menée par l’inscription de la Loi sur la peau du condamné. Le lecteur doit passer lui aussi dans la machine du texte, mais il n’est pas sûr qu’il puisse aller jusqu’au bout. C’est peut-être la cruauté de sa propre écriture qui fit souffrir Kafka lui-même à la relecture, en même temps qu’il fut sans doute gêné par le caractère comique de certaines scènes où l’on sent la prégnance du théâtre yiddish, souvent évoqué dans son Journal.
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Quand le voyageur, suivi du soldat et du condamné, arriva aux premières maisons de la colonie, le soldat en montra une et dit :
— Voici la maison de thé.
Au rez-de-chaussée d'un immeuble se trouvait une salle profonde, basse, semblable à une caverne et dont les murs et la plafond étaient brunis par la fumée. Du côté de la rue elle était toute ouverte. Bien que cette maison de thé ne se distinguât pas beaucoup des autres maisons de la colonie qui étaient toutes très délabrées, sauf les palais du quartier général, elle produisit sur le voyageur l'impression d'un souvenir historique et il sentit la puissance des anciens temps. Il se rapprocha, suivi de ses deux compagnons, passa entre les tables vides de la terrasse et respira l'air froid et croupi qui venait de l'intérieur.
— Le vieux est enterré ici, dit le soldat, le curé lui a refusé une place dans le cimetière. On s'est demandé un certain temps où il fallait l'inhumer, on a fini par le mettre là. L'officier ne vous en a certainement rien dit : c'était naturellement ce qui lui faisait le plus honte. Il a même essayé plusieurs fois, la nuit, de déterrer le vieux, mais on l'a toujours chassé.
— Où est le tombeau ? demanda le voyageur qui ne pouvait croire le soldat.
Le soldat et le condamné le précédèrent aussitôt en montrant de leurs mains tendues l'endroit où devait se trouver le tombeau. Ils conduisirent le voyageur jusqu'au mur du fond contre lequel s'alignaient quelques tables entourées de clients. C'étaient probablement des ouvriers du port, des hommes forts avec de petites barbes noires et brillantes. Ils étaient tous en bras de chemise et ces chemises étaient déchirées, bref de pauvres gens humiliés. Quand le voyageur s'approcha, quelques-uns se relevèrent, se pressèrent contre la muraille et le regardèrent venir.
— C'est un étranger, chuchotait-on autour de lui, il veut regarder le tombeau.
Ils repoussèrent l'une des tables sous laquelle se trouvait, de fait, une pierre tombale : une simple pierre, assez basse pour disparaître sous une table. Elle portait une inscription en caractères minuscules ; le voyageur dut s'agenouiller pour la lire. L'épitaphe disait : « Ici repose le vieux commandant. Ses fidèles, qui n'ont plus le droit de porter un nom, lui ont creusé cette tombe et consacré cette pierre. Une prophétie nous assure qu'au bout d'un certain nombre d'années le commandant ressuscitera et, partant de cette maison, emmènera tous ses fidèles reconquérir la colonie. Croyez et attendez. »
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Le soldat et le condamné avaient rencontré à la maison de thé des gens de leur connaissance, qui les retinrent. Mais ils avaient dû s'arracher rapidement à eux car, à peine le voyageur se trouva-t-il au milieu du long escalier qui menait aux embarcations, qu'ils couraient déjà derrière lui. Ils voulaient apparemment obliger le voyageur au dernier instant à les emmener. Tandis que le voyageur discutait avec un matelot pour se faire conduire jusqu'au vapeur, les deux hommes descendaient l'escalier à toute allure, silencieusement, car ils n'osaient pas se mettre à crier; Mais, lorsqu'ils furent parvenus en bas, le voyageur était installé dans la chaloupe que le matelot éloignait tout juste de la rive. Ils auraient encore pu sauter dans la barque, mais le voyageur saisit un long cordage à nœuds, dont il les menaça pour les décourager de sauter.
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Ceci dit, cette petite femme est très mécontente de moi. Elle a toujours quelque critique à m'adresser, je la blesse sans cesse, je l'irrite à chaque pas. Si la vie pouvait se diviser en particules microscopiques que l'on jugeât isolément, il ne serait atome de la mienne qui ne lui fît pousser des cris.
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Un trapéziste - l'art que ces acrobates exercent dans les airs sous le dôme des grands music-halls, est, on le sait, l'un des plus difficiles auxquels l'homme puisse s'élever, - un trapéziste, poussé d'abord par la seule ambition de se perfectionner, puis par une habitude devenue tyrannique, avait organisé sa vie de telle sorte qu'il pût rester sur son trapèze nuit et jour aussi longtemps qu'il travaillait dans le même établissement. Des domestiques se relayaient pour pourvoir à tous ses besoins, qui étaient d'ailleurs très restreints ; (...)
(Un champion de jeûne)
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Vidéo de Franz Kafka
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE : « Lettre à Oscar Pollak », in Franz Kafka, Correspondance (1902-1924), traduit de l'allemand (Autriche) et préfacé par Marthe Robert, Paris, Gallimard, 1965, 608 p.
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