Quand il me faut évoquer Kafka, mon Franz, les mots me manquent. Je suis incapable de trouver la raison pour laquelle ce volume, comme ceux de la Pléïade, me sont aussi chers. Je les ai lus, ça c'est sûr, je les aimés, c'est certain, mais, si je pense à tous les billets que j'ai écrits sur les livres d'autres auteurs qui me sont précieux, je serais incapable d'employer les mêmes arguments pour Kafka. Il m'est à la fois des plus étrangers et des plus proches. J'ai retrouvé textuellement dans un de ses courts récits un cauchemar que j'avais fait bien longtemps avant ma lecture et que je n'avais pas oublié, ses prises de tête m'énervent, cette façon de dire en une cinquantaine de phrases ce qui pourrait s'exprimer en deux ou trois me donne des fourmis dans les jambes... mais je le dévore, parce qu'il est dévoré. L'artiste de la faim, c'est lui. Parce que je le vois assis à sa table de travail des heures durant, avec la migraine. Parce qu'il s'entête à vouloir comprendre l'absurde. Parce qu'il aime ses contemporains tout en s'en éloignant. Parce que son oeuvre ne ressemble à aucune autre, qu'il voulait qu'elle soit détruite, et qu'une fois de plus, les autres ont décidé pour lui. Parce qu'il était drôle. Parce qu'il était terrorisé. Parce que ses petites pattes de mouches, ses petits crachats de tuberculeux, sont la littérature. J'écris cela et je n'ai rien dit.
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Les « Journaux » sont l’un des chefs-d’œuvre de l’écrivain pragois. La nouvelle traduction de cette longue extériorisation de soi, non expurgée et au plus près de la sécheresse originale, envoûte.
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Il est heureux, et c'est la caractéristique des gens heureux de trouver naturel tout ce qui se passe autour d'eux. Leur bonheur crée une brillante logique. Et si maintenant je m'étais jeté à l'eau ou si, devant lui, j'étais secoué de spasmes, là sur le pavé, sous ce porche, je m'intégrerais paisiblement dans son bonheur.
Pourquoi les Tchouktches ne quittent-ils pas leur terrible pays ? En comparaison de leur vie actuelle et de leurs désirs actuels, ils vivraient mieux partout ailleurs. Mais ils ne le peuvent pas ; car tout ce qui est possible arrive ; seul est possible ce qui arrive.
Leslie Kaplan - L'Assassin du dimanche - éditions P.O.L - où Leslie Kaplan tente de dire de quoi et comment est composé "L'Assassin du dimanche" et où il est question notamment de femmes qui s'organisent et de collectif, de littérature et de hasard, de Franz Kafka et de Samuel Beckett, d'une usine de biscottes et du jardin du Luxembourg, à l'occasion de la parution aux éditions P.O.L de "L'Assassin du dimanche", à Paris le 21 mars 2024
"Une série de féminicides, un tueur, « l'assassin du dimanche ». Des femmes s'organisent, créent un collectif, avec Aurélie, une jeune qui travaille en usine, Jacqueline, une ancienne braqueuse, Anaïs, professeure de philosophie, Stella, mannequin, Louise, une femme de théâtre…"
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