1919 à Vladivostok. La
première guerre mondiale vient de finir mais ses soubresauts se font encore sentir : le jeune
Joseph Kessel a quitté l'escadrille dans laquelle il servait pour participer à une mission en Russie et découvre une ville en proie au chaos où Russes Blancs fuyant les rouges, tchèques se battant pour l'indépendance, coolies chinois tenant de gagner quelques pièces pour survivre et officiers européens cohabitent au jour le jour.
Ce petit livre par le nombre de pages est un vrai coup de coeur. Dès le début, on est happé, projeté par les mots de
Joseph Kessel dans l'ambiance de la
première guerre mondiale au sein d'une escadrille d'aviateurs. On le suivra ensuite tout au long de son absurde voyage, appareillant de Brest le jour de l'armistice pour une improbable mission à Vladivostok, rendue caduque avant même d'avoir commencé, fêté en héros aux États-Unis en sa qualité d'aviateur et français qui plus est, puis plongé dans le chaos russe où il va se faire une petite place entre misère, corruption et fêtes perpétuelles au cabaret L'aquarium. Il y a tout dans ce livre : des cosaques sanguinaires plus féroces que dans nos rêves d'enfants, la magie et la déception des bouts du monde fantasmés comme Vladivostok qui s'avère finalement une ville misérable et triste, l'absurdité de la guerre et les situations inextriquables dans lesquelles elle peut plonger les peuples (ah ces Tchèques passés de l'autre côté de la ligne de front germano-russe pour défendre l'indépendance de leur pays et échoués aux confins de l'Europe après avoir suivi jusqu'au bout les rails du Transsibérien), la folie et la tristesse profonde des fêtes russes, une histoire d'amour perdue d'avance et tant d'autres anecdotes encore...
Joseph Kessel fait revivre avec brio toute une époque et une atmosphère. En quelques phrases courtes, il excelle à poser une ambiance, à dresser un portrait et à nous faire ressentir la plus profonde misère comme la joie la plus débridée. On voyage avec lui, on sourit, on s'émeut, on est horrifié par certaines scènes et hop un rebond, un sursaut et déjà l'ambiance a changé et le jeune Joseph est reparti vers d'autres aventures.
Et puis il y a le personnage de Lena : un petit bout de femme au destin poignant, dont même le narrateur s'excuse en nous racontant son histoire de tomber dans le mélo le plus sirupeux. On la découvre dans les dernières pages alors que l'aventure est presque finie et que déjà plane la nostalgie du retour, mais son ombre hantera longtemps le narrateur, qui racontera leur histoire près de 50 ans plus tard, et ce personnage restera sans nul doute dans l'esprit des lecteurs de ce roman.
Si les grands espaces et les terres lointaines vous font rêver, si vous avez envie de vous évader en plein confinement et de revivre l'époque des grandes aventures et des bouts du monde qui n'étaient alors pas si proches, alors plongez vite dans ce livre ! Promis, vous ne le regretterez pas !