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EAN : 978B08HVJ5Q9D
Editions ActuSF (16/10/2020)
3.98/5   24 notes
Résumé :
Effondrement climatique, sanitaire, numérique...De nombreuses menaces pèsent sur notre monde.

Ariel Kyrou, écrivain et essayiste spécialisé dans les nouvelles technologies, explore dans ce livre les manières dont la science fiction et l'imaginaire dans son ensemble ont pensé les apocalypses sociales, politiques, économiques ou écologique mais aussi l'après.

De Game of thrones à Blade Runner, de Star Trek à Arthur C. Clarke, place aux ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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C'est étrange de coïncidences parfois. Je termine tout juste Dans les imaginaires du futur et je tombe ce matin sur un entretien de Mathias Echenay, patron des Editions La Volte (merci Babelio, c'est ici que j'ai suivi le lien vers cette vidéo). Dans les deux cas, il a été question de littérature de l'imaginaire à classer dans les « Mauvais genres » … (Oh, la Masse critique était hier !)
Et pourtant, la réflexion d'Ariel Kyrou sur ce que peut nous apporter la Science-Fiction, l'Anticipation est tout à fait passionnante (il évoque aussi des films, séries, des BD, jeux-vidéos)
Il axe son analyse sur ce que peut nous apprendre la SF.
D'abord une mise en garde.
C'est ce que l'on pourrait tirer de la pléthore de dystopies actuelles : le grand effondrement, l'aliénation de l'homme par l'IA, qui nous montrent ce que serait, sera le monde si nous continuons sur notre lancée sans remise en cause profonde de nos modèles..
Il analyse aussi des récits reposants sur d'autres projets de société où des groupes humains sur Terre ou ailleurs doivent réinventer le vivre ensemble loin de l'hyper-capitalisation actuelle.
Il ne cache pas ses sympathies pour les ZAD, l'anarchisme et les modèles auto-gérés. Il ne cache pas non plus son admiration pour Philip K. Dick et son amitié pour Alain Damasio.
J'ai trouvé ce texte dense, riche. Pourtant j'ai vite constaté que les passages que je trouvais les plus intéressants étaient ceux pour lesquels j'avais des références : j'avais lu, j'avais vu. Par contre, je me suis bien souvent trouvée perdue dans les développements s'appuyant sur des oeuvres que je ne connaissais pas.
Quand j'aurai lu toutes les références de titres indiqués dans l'index, je pourrai entreprendre une relecture, armée comme il se doit.

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Un essai qui met en avant le genre littéraire de la science-fiction, cela fait toujours immensément plaisir. Je remercie Babelio et les éditions ActuSf pour ce livre très édifiant.

Dans les imaginaires du futur nous pose la question du futur à travers des oeuvres de science-fiction célèbres en explorant de façon très complète leurs enjeux et thématiques pour les replacer dans un questionnement plus moderne. Ariel Kyrou nous partage des réflexions passionnantes et ne prends aucune pincette. L'auteur bouscule et nous ouvre des champs de réflexions insoupçonnées.

Bien que je ne puisse en aucun cas critiquer la qualité de cet ouvrage, je l'ai trouvé cependant assez difficile d'accès, car très dense et avec une écriture assez lourde. La science-fiction est un genre qui a tendance à faire un peu peur (j'étais dans ce cas-là il y a plusieurs années) et je trouve dommage que l'essai ne se veuille pas plus accessible. Il se dirige totalement vers un public de passionné et n'intègre pas forcément les curieux du genre, dommage.
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Pourquoi doit-on lire de la science-fiction? Ariel Kyrou répond à cette question en analysant le monde dystopique dans lequel on vit aujourd'hui. Il démontre que les imaginaires permettent à l'être humain de se divertir, mais surtout de penser à d'autres alternatives que le monde que veulent nous imposer les libertariens de la Sillicon Valley et leurs alliés politiques. A contrario, il montre la dangerosité de certaines oeuvres qui développent un discours nauséeux et justement défendu par ces derniers.

Il y a des alternatives quoiqu'en pense la Bête immonde et elle se trouvent dans de nombreuses oeuvres que décrypte avec simplicité Ariel Kyrou. On peut être d'accord ou pas avec son analyse, il n'en demeure pas moins qu'il écrit avec brio.

En effet, les imaginaires ont une influence sur nos modes de pensée. Ils créent en nous des émotions négatives ou positives. Pour Ariel Kyrou, les imaginaires sont des flux qui se croisent et se décroisent. Ils forment des tendances qui se contredisent, s'annihilent ou se complètent. Les "imaginaires du futur" mettent en lumière certaines visons du monde qu'elles soient celles des Gafam ou des Anonymous. Ils ont une influence sur nous dans notre perception du monde, des gens... Aussi, on peut dire que l'imaginaire est politique; même pour des oeuvres qui en semblent éloignées. Ainsi, le capitaine dans Wall-E qui affirme qu'il "ne veut pas survivre, mais vivre".

Les imaginaires du futur montrent des possibles scientifiques, technologiques mais également humains. La science-fiction n'est pas uniquement un divertissement, elle permet au lecteur, spectateur ou joueur de se faire une idée des futur que l'on nous propose; à l'heure où la dystopie est prédominante. La science-fiction nous habitue ainsi à des visions dystopiques de notre futur: crise écologique, raréfaction des ressources, pénuries... Mais d'ailleurs ne sommes-nous pas déjà en pleine dystopie?

Les imaginaires, qu'ils soient livresques, cinématographiques ou ludiques jouent un rôle dans le monde actuel dans la propagation des idées. Ainsi, les théories du complot se nourrissent de certaines oeuvres qui mettent en exergue l'idée d'un gouvernement caché. Il en est ainsi de X Files, série de référence s'il en est.

Autre exemple, l'idée de l'effondrement a été mise par écrit par d'innombrables auteurs, dont certains au relent pétainiste comme Ravage de Barjavel. On ne compte plus les oeuvres post-apocalyptiques censées montrées la vie et surtout la survie après l'effondrement de la civilisation humaine. Ainsi, la scène finale de la planète des Singes est devenue un cliché dans la conscience populaire. La vision de la Statue de la Liberté mise à bas est devenue l'archétype de l'effondrement. Et tout récemment, cette même statue n'est-elle pas utilisée dans l'affiche du film Civil War avec des snipers installés à son sommet? La fiction ne rejoint-elle pas le réel et inversement?

Les imaginaires du futur ont une influence sur notre vision justement de ce futur. Mais, surtout, ils nous permettent de nous décentrer, d'imaginer d'autre possible des tenants du slogan de l'abominable Thatcher: "There is no alternative", en premier lieu l'abomination qui gouverne la France. .Ce slogan signifie que le marché, le capitalisme et la mondialisation sont des phénomènes nécessaires et bénéfiques et que tout régime qui prend une autre voie court à l'échec.

Or, les imaginaires nous permettent de rêver, de mettre en lumière d'autres modèles plus inspirants. Leur fonction est de nous proposer ainsi des alternatives à ce que l'on nous proposent comme avenir. Ils nous permettent d'espérer à des mondes meilleurs, loin de celui imaginé par Aldous Huxley.

Il est vrai que nous sommes abreuvés d'images prônant les "valeurs" néo-libérales, impérialistes et militaristes venant des Etats-Unis. le film "Starship troopers" peut être vu au au premier degré comme une idéalisation de la Pax Americana. Quant à Batman ou autre Iron Man, ils ne sont que les parangons d'un système capitaliste prônant des valeurs anti-démocratiques qui s'acharne sur des "méchants" qu'il a fait naître. Et dans la réalité, ce système est symbolisé par ultra riches libertariens et virilistes comme Elon Musk et Mark Zuckerberg. On ne sait plus désormais si on naît dans la réalité ou dans un monde à la Matrix. Qui est le véritable "méchant" de l'histoire entre un milliardaire qui se fait justice lui-même et un Joker aux convictions sociales?

(Lire le Syndrome Magneto de Bolchegeek).

En fin de compte, les imaginaires du futur sont multiples. Ils sont ni bons, ni mauvais. On peut ainsi préféré ou pas la fin des films montrant des super-héros sauvant le monde comme Armageddon à des films plus intimistes et poétiques. Quoiqu'il en soit les imaginaires nous influencent. Nous sommes abreuvés jusqu'à plus soif de films de super-héros prônant des valeurs fascistes comme l'a dit dit lui-même Alan Moore. Les imaginaires sexistes, racistes et libéraux sont tellement ancrés dans l'inconscient collectif que certains sont allés jusqu'à croire que le film Avatar prônait l'extermination des peuples premiers. Mais peut-être est-ce le véritable message du film?

Les imaginaires du futur sont peut-être là pour nous montrer que "la vérité est ailleurs". Nombre d'oeuvres nous montrent que la guerre n'est pas perdu contre l'hydre capitaliste. Il y a d'autres modèles. La science-fiction nous permet de faire un pas de côté, de garder espoir. Elle parle autant du présent que du futur. Elle est à l'image de l'époque où les oeuvres sont écrites. Les Chroniques martiennes font penser immanquablement aux Etats-Unis des années 50 et à des tableaux à la Hopper. Il n'en reste pas moins que c'est un chef d'oeuvre de poésie et de mélancolie.

On n'attend pas de la science-fiction qu'elle nous prédise l'avenir. En fait, on attend qu'elle crée du sens. Elle influence notre humeur, nos émotions. Elle nous permet de croire "que les dragons peuvent être vaincus", Neil Gaiman.

Un ouvrage de référence.
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Dans notre France élitiste qui s'obstine à considérer les littératures de l'imaginaire comme de la « sous-littérature » tout juste bonne à amuser les enfants jusqu'à ce qu'ils soient suffisamment mûrs pour passer à la « vraie littérature », leur refusant le droit de séjour au sein des programmes universitaires tout comme l'accès aux émissions culturelles les plus connues et reconnues, la sortie d'un essai sur la fantasy ou la science-fiction me remplit toujours de joie : ce n'est peut-être qu'une ridicule petite goutte d'eau au milieu de l'océan des publications, mais petite goutte après petite goutte, ces ouvrages finiront par former un jour une mare, un lac, une mer de plus en plus visible ! J'ai toujours considéré que les littératures de l'imaginaire avaient bien plus de choses à nous apprendre que ce que nous voulions le croire : autant vous dire que la sortie de cet ouvrage, qui abonde dans ce sens, a été suivie d'une petite danse de la victoire !


Lorsque vous interrogez les passants dans la rue sur leur vision de l'avenir, il est fort probable que deux groupes se forment : d'un côté ceux qui voient le futur comme l'avènement de la technologie au service de l'humanité qui n'aura plus qu'à se prélasser dans les loisirs oisifs sans se préoccuper des contingences matérielles, de l'autre ceux qui pressentent un effondrement plus ou moins rapide et violent mais qui sonnera l'extinction de l'espèce humaine si ce n'est de la planète toute entière. C'est en se basant sur ces deux imaginaires du futur qu'Ariel Kyrou déploie son exploration de la science-fiction, tant dans la littérature que dans le cinéma, dans la musique que dans les jeux-vidéos. Qu'est-ce que ces oeuvres nous disent, tant de l'avenir que de notre présent ? Comment ces oeuvres influencent-elles notre vision de l'avenir, comment construisent-elles en quelque sorte cet avenir en orientant les recherches scientifiques ?


De l'intelligence artificielle aux dystopies écologiques en passant par l'exploration spatiale et l'apocalypse, l'auteur nous offre un tour d'horizon des grandes thématiques abordées dans les plus grandes oeuvres de science-fiction. Mais il ne se contente pas, loin de là, d'offrir un simple « catalogue » de romans incontournables sur la question des extraterrestres conquérants ou des pandémies meurtrières (je tiens tout de même à vous avertir : votre wish-list va en prendre un sacré coup). Non, il analyse, décortique et croise ces différentes oeuvres pour mieux dégager ce qui fait l'essence même des « imaginaires du futur », tout en reliant ces imaginaires aux réalités scientifiques de notre époque. Car que nous le voulions ou non, l'avenir est déjà à notre porte, et nous le façonnons jour après jour, collectivement, par ce que nous faisons mais aussi ce que nous ne faisons pas.


Il y a en effet une dimension éminemment politique dans cet essai fort bien documenté et qui ne s'embarrasse pas de « politiquement correct » : Ariel Kyrou n'hésite pas à « taper » sur les autoproclamés « prophètes du futur », ces hommes qui promettent au peuple milles et unes merveilles pour leur avenir. Il n'hésite pas non plus à interpeller parfois vivement ce peuple, qui préfère faire l'autruche plutôt que de faire des efforts au nom du bien commun, qui ne pense qu'à son petit plaisir et confort personnel plutôt que de penser aux autres, et à l'Autre que représente notre planète Terre, Gaïa. Il n'hésite pas non plus à interroger le bien-fondé de nos sociétés capitalistes, mondialisées, basées sur cette quête effrénée à la croissance coute que coute, bâties sur l'aliénation des foules qui se transforment en troupeaux de moutons sans libre-arbitre, connectées qu'elles sont aux divins réseaux sociaux …


En bref, c'est un essai brillant, complet, dense, qui n'hésite pas à aller à contre-courant sans pour autant chercher à faire adhérer le lecteur à sa vision : il s'agit tout simplement de le faire réfléchir, de lui présenter plusieurs voies parfois contraires pour l'inciter à ne pas se laisser aveuglément guider par les grands gourous « visionnaires » de la technologie ou de l'effondrement. C'est un ouvrage qui nous appelle à voir dans la science-fiction un fabuleux réservoir à avenirs, une merveilleuse usine à futurs : à nous d'explorer ce genre si riche pour y nourrir notre imaginaire et déterminer ce que nous souhaitons pour les années, décennies, siècles à venir. Pour ma part, j'ai trouvé cet essai vraiment instructif, même si je dois reconnaitre qu'il faut parfois s'accrocher car les réflexions sont parfois très poussées, et que je regrette un peu de m'être fait spoiler sur certains livres que je n'ai pas encore lu …
Lien : http://lesmotsetaientlivres...
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Je remercie les éditions ActuSF et Ariel Kirou pour l'envoi du livre « Dans les imaginaires du futur » dans le cadre de l'opération masse critique de juillet 2021.

Nous avons à faire à un ouvrage de type essai. Soyons honnête je n'en avais jamais lu avant celui-ci mis à part des essais de philosophie durant mes études littéraires.

J'ai laborieusement lu 150 pages de ce livre en 4 semaines … Je n'ai rien compris ou pas grand-chose. Les tournures de phrase sont très longues et alambiquées avec un vocabulaire très riche. J'ai persévéré autant que j'ai pu mais finalement la vérité s'impose : ce livre ne m'apporte rien tellement je n'y comprends rien. Pourtant, je suis une grosse lectrice, j'ai fait des études poussées, en partie littéraires et là je suis décontenancée et désolée de dire que je m'avoue vaincue. Ce type de livre ne doit pas être pour moi…

L'auteur fait référence à de nombreuses analyses qu'il retranscrit pour développer son propos. Il m'a semblé néanmoins, de là ou en était ma compréhension, que son analyse des études des autres était peu poussée. C'est cela qui m'a le plus dérangée.

Par exemple, il développe sur "Game of Thrones" le postulat d'une interprétation des marcheurs blancs comme image du dérèglement climatique mondial, ou comme image de l'avancée de l'immigration, qui sont des analyses de ses pairs mais il ne va pas plus loin. C'est dommage...

Au final, si je projette de me replonger dans un essai à l'avenir, je m'attèlerai à Kant ou à Descartes qui m'ont paru beaucoup plus aisés à comprendre qu'Ariel Kirou…

Bref, si vous souhaitez vous atteler à cet ouvrage, ayez le verbe haut et le goût pour les tournures tarabiscotées ou vous finirez avec moi dans le club de ceux qui n'ont rien compris à ce livre : )
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critiques presse (1)
LeMonde
09 octobre 2023
On déambule, guide en main, d’un cataclysme l’autre, dans les univers du postapocalyp­tique, de l’intelligence artificielle et du voyage extraterrestre. [...] Un livre matriciel pour changer (enfin) les règles du grand Jeu.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
La démesure technologique et l’apocalypse environnementale se conjuguent pour susciter une sidération, une sorte de court-circuit qui fonctionne dans le long métrage [Blade Runner 2049, cité en introduction] exactement comme dans notre esprit de citoyen du troisième millénaire. Dans les imaginaires du futur est né du désir de sortir de ce paradoxe violent, de trouver des parades au sentiment d’être coincé entre ces deux imaginaires de polarité opposée. Son pari est d’abord de refuser une première voie sans issue : la technologie comme unique réponse aux effondrements écologiques – dont la crise du Covid-19, catastrophe virale, pourrait être une modalité. Croire qu’il n’y aurait d’autre possibilité que de laisser les technologies les plus sophistiquées de demain réparer les destructions de celles du capitalisme industriel d’hier a quelque chose d’aberrant. Mais au-delà du refus d’un usage aliénant des techniques contemporaines, entre contrôle des individus et aveuglement vis-à-vis de la planète, cet essai cherche à repérer les ruelles pouvant permettre d’éviter une seconde impasse : l’idée qu’il faudrait choisir l’écologie contre toute technologie, l’une et l’autre devant rester totalement séparées, condamnées à une irréversible incompatibilité…
La prospective pourrait contribuer à nous extirper de ces culs-de-sac. Son défi serait dès lors non seulement d’intégrer les enjeux environnementaux, comme elle le fait déjà, mais aussi de marier les apports de son volet traditionnel, inspiré de sciences sociales, à ceux de ses variantes plus « technoscientifiques ». La promesse est belle. J’ai pourtant l’impression que ses scénarios pour le futur peinent à prendre la mesure des conflits et ambivalences qui aboutissent aux impasses à la source de cet essai. Raisonnable, retenant les leçons de l’histoire et à l’écoute des signes forts ou faibles de notre actualité, la prospective éclaire des routes pour demain sans changer les règles du jeu de nos sociétés. Elle aide à la réflexion pour définir des stratégies, puis pour agir sur le réel. Mais elle ne rebat pas suffisamment les cartes pour creuser des chemins de traverse, perçus au départ comme impossibles et pourtant in fine plausibles. Elle a du mal à remettre en cause les hypothèses qui fondent l’économie capitaliste telle que nous la subissons aujourd’hui. Bref, elle s’interdit de transformer un jeu de Monopoly en une partie de marelle. Est-ce la subjectivité qui lui manque pour échapper aux paradigmes dominants de son époque ? Pour porter son regard loin, de façon aussi libre, diverse et irrévérencieuse que les meilleures œuvres de science-fiction ? Nourris comme elle d’enquêtes méticuleuses, les mondes de la série Black Mirror ou des romans de Kim Stanley Robinson, pour ne citer qu’eux, radiographient nos sociétés au filtre de la discordance, de l’imprévisibilité humaine et non humaine, sociale ou climatique. Les enjeux croisés et contradictoires des technosciences et de l’effondrement de nos écosystèmes vibrent depuis longtemps au coeur de la science-fiction la plus affûtée, mais aussi la plus engagée politiquement. Repérer et analyser en profondeur nos imaginaires de demain me semble essentiel à toute démarche de prospective radicale, et sur un autre registre, à toute action sur le long terme de transformation du monde. Ainsi s’explique le parti pris de ce livre : considérer les séries et les films de cinéma, les nouvelles, les romans, les BD d’hier et d’aujourd’hui mettant notre futur en fiction comme un corpus de pistes et de savoirs non seulement pour comprendre les impasses contemporaines de l’écologie et des technologies, mais pour en entrouvrir des voies alternatives. Ce parti pris ne positionne pas Dans les imaginaires du futur à rebours de la prospective traditionnelle ou technologique, mais en complément critique et engagé de son travail. Histoire d’ajouter de la subjectivité à son objectivité, des récits dissonants à ses scénarios aux critères multiples, de l’imagination débordante à ses explorations bordées d’avenirs potentiels.
Dans les imaginaires du futur cherche à répondre à une question, en creux des deux Blade Runner de 1982 et de 2017 : comment tracer les chemins d’autres futurs, refusant l’inféodation de l’écologie aux pouvoirs du numérique, mais rejetant aussi l’opposition entre l’imaginaire technologique de transgression des limites et l’imaginaire environnemental d’affirmation des limites d’un système-Terre enchevêtré aux êtres vivants, végétaux et minéraux ? Autrement dit : n’y a-t-il pas moyen, en puisant dans les imaginaires de science-fiction, de refuser de choisir entre, d’un côté, l’abolition des limites de l’humain et de la Terre par la technoscience et, de l’autre, le retour pur et simple à ces mêmes limites telles que les trace un certain type d’écologie ?
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L’auteur de science-fiction ne clôt pas le débat d’idées. S’il semble en phase avec les Terrestres de Bruno Latour pour affirmer qu’il n’y a guère à l’heure actuelle de Plan B pour la Terre, il ne fige pas ses personnages. Il ne bloque pas leurs yeux vers le sol et la lithosphère. Point selon moi essentiel : au contraire de James Gray dans Ad Astra, jamais il ne convoque Dieu dans le théâtre de ses réflexions. Même pas son ombre, que l’on perçoit par exemple, bien que discrète, dans les circonvolutions intellectuelles de Bruno Latour. Mieux : par la voix de l’un des procureurs du procès qu’il intente sans le dire dans Aurora aux apôtres furieux de la conquête de l’espace, aux obsédés de la fuite vers un salut factice à court ou moyen terme, Kim Stanley Robinson prend acte de l’existence potentielle de vies indigènes sur des planètes pour nous inatteignables. Il reconnaît même la crédibilité de l’hypothèse qu’il pourrait exister dans le très vaste univers des extraterrestres tels Starman et son double Newton, joué par David Bowie dans L’Homme qui venait d’ailleurs, ou plus probablement comme la créature de la lune Europe de 2010 : Odyssée deux d’Arthur C. Clarke, dont il continue à creuser le parcours intersidéral. Kim Stanley Robinson préserve ainsi une figure de l’altérité radicale, quelque part dans nos étoiles, sans la réduire au statut de divinité. Sa lucidité dans le temps long de l’espèce humaine, d’un pessimisme justifié et légitime d’ici le quatrième millénaire sur le devenir de la Terre comme sur nos perspectives vis-à-vis de l’espace, ouvre des pistes pour nous extirper de la double impasse des imaginaires de l’écologie et de la technologie : d’un côté, elle encourage la révolution « terrestre » qu’un Bruno Latour appelle de ses vœux ; de l’autre, à rebours des analyses de l’anthropologue et philosophe, elle maintient et alimente la possibilité, voire la nécessité d’une écologie « hors limites », c’est-à-dire hors de Gaïa, laissant la porte ouverte à nos futurs – aussi compliquées que risquent d’être les prochaines décennies. Chercheur d’utopies, nourri de sciences humaines autant que du système Terre, Kim Stanley Robinson doute… Et ne veut surtout pas gommer les horizons de nos imaginaires.
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Dans sa postface à la réédition en 1997 du roman Stalker, dont le titre original était Pique-nique au bord du chemin, Boris Strougatski donne le sens de ce mot inventé, né de l’anglais to stalk, qui signifie « traquer », « rôder » et surtout, selon lui, « s’approcher furtivement », « marcher à pas de loup ». Le stalker est un voyageur, un chercheur incroyablement attentif au nouveau et dangereux terrain qu’il découvre peu à peu. Il est à l’écoute du bruissement des herbes et des feuilles, aux aguets des ombres, des signes venant des pierres et des arbres, en éveil face aux frémissements des limaces, des mouches et des moustiques. Bref, sans cesse, il met ses sens en interaction, en symbiose aux êtres, objets, mouvements et phénomènes vivants ou non, visibles ou invisibles. C’est un passeur du monde terrestre ou plutôt d’un territoire a priori apocalyptique, né de la fusion du terrestre et de l’extraterrestre. Sans lui, entrer dans « la Zone » revient à y mourir. Il est l’explorateur de l’inconnu, qui emmène à ses côtés d’autres personnes, prêtes comme lui à risquer leur vie, si ce n’est leur âme, dans un espace non pas mort tel celui de La Route, mais ouvert à tous les changements, que ceux-ci s’avèrent in fine positifs ou négatifs, destructeurs ou constructeurs, porteurs d’espoir ou de désespoir.
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Les imaginaires de l’écologie et de la technologie ne s’opposent pas selon quelque loi à jamais figée dans le marbre. Leur antinomie théorique, entre retour pur et simple aux limites d’avant-hier et transgression absolue de ce que seraient les limites de l’humanité, est factice ou du moins circonstanciée et subjective. C’est ce que montre le détour par les imaginaires de l’espace, eux-mêmes contradictoires et immensément pluriels. De leur analyse, ainsi que de l’étude, via le meilleur de la science-fiction, des mythes et des représentations de l’intelligence artificielle et des scénarios d’effondrement sous le prisme post-apocalyptique, il ressort deux conditions indispensables pour réunir ces imaginaires de l’écologie et de la technologie dans une construction commune plutôt que de les laisser continuer à torpiller nos devenirs : d’une part la prise en compte du temps long des changements nécessaires, à l’échelle non pas de notre vie, mais de celle à venir de nos enfants, petits-enfants, arrières-petits-enfants et plus encore à échéance de plusieurs siècles ; d’autre part la nécessité de choix politiques tranchés, en amont et en cours de toute transition qui ne soit pas le leurre d’un retour au même.
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Comme déjà souligné, toutes les narrations élaborées, quels que soient leurs supports et leurs publics, fonctionnent telles des usines de retraitement des valeurs qui circulent dans la société. Elles contribuent à façonner les principes, idéaux et convictions « au nom desquels nous prétendons conduire nos conduites ». Ce travail des récits sur nos êtres se construit le plus souvent inconsciemment. C’est sans l’avouer, de façon peu visible, qu’il tisse et retisse nos pelotes de sentiments et de convictions dans le chaos de nos désirs et de nos croyances. Il se fraye un chemin grâce ou en dépit de nos représentations sociales, de nos habitus installés le plus profondément, de nos règles et façons de voir et d’agir sur le monde. Enfin, ce labeur d’appropriation, de bonne ou de mauvaise digestion des fictions que nous choisissons ou qui se proposent à nous, se joue selon une multitude de critères aux influences contraires.
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Videos de Ariel Kyrou (7) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Ariel Kyrou
(Attention, cette vidéo contient des spoilers !)
La série "For All Mankind" de Ronald D. Moore réécrit l'histoire de la course à l'espace, en partant d'un point de divergence temporel par rapport à l'histoire réelle : et si, en 1969, le premier homme à poser le pied sur la Lune avait été soviétique ?
Pour explorer cette passionnante uchronie spatiale, historique et géopolitique, Natacha Triou reçoit : Roland Lehoucq, astrophysicien au CEA, enseignant à Sciences Po et à Université Paris-Cité Emilie Querbalec, novelliste et romancière de science-fiction Ariel Kyrou, auteur de l'essai “Dans les imaginaires du futur” et directeur de l'anthologie “Nos futurs solidaires”
Vignette : "For All Mankind", affiche de la saison 1
#forallmankind #sf #lune __________
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