Je remercie Babelio et les Editions 10-18 pour «
La chambre d'ami » de
James Lasdun.
Matthew, la trentaine new-yorkais, est invité par son cousin Charlie, banquier, et sa femme Chloe à passer l'été dans leur maison de vacances plutôt chic.
Ecrit à la 3ème personne, c'est par le regard et les pensées de Matthew, pas forcément bien dans sa peau, qu'on entre dans la vie de ce trio. Les quelques clichés sont posés pour ce roman policier : Matthew le galérien, mec un peu pathétique qui travaille dans la restauration, qui n'a pas réussi à faire prospérer sa start-up, versus le beau couple sur photo glacée avec la femme Chloe belle, sexy et gentille, bien sous tous rapports et son mari Charlie qui a réussi, le plus froid et austère de l'histoire. On comprend rapidement que Matthew est épris de la femme de son cousin et que sa relation avec ce dernier est assez ambivalente et plus complexe qu'il n'y parait. Il y a un passif entre les deux hommes, des non-dits, des rancoeurs qui se révèlent au fur et à mesure que l'été près de la piscine avance. Bien évidemment, on ne voit les interactions entre les personnages que par la lorgnette de Matthew et le lecteur doit y démêler le vrai du faux.
Comparée à mon adolescence, je ne lis plus aussi fréquemment de romans policiers. J'en ai été une adepte : de Christie à
Ellroy, de Connelly à
Lehane, de Jonquet à Mankell, de Harvey à Lee Burke... Et je ne cite que les bons « classiques » car j'en ai lu des mauvais et des beurk. J'ai même lu des romancières américaines commerciales, moi, avec ma candeur de mes vingt ans, qui n'avais pas encore reçu toutes ses bonnes claques littéraires.
Alors j'apprécie de temps en temps de revenir à mes premiers amours qui ont fait de moi une lectrice plus éclectique. Mais, avec l'âge et les expériences, on devient un brin plus exigeant. Pour m'emballer pour de nouveaux écrivains de polars, il me faut à présent de la profondeur dans les personnages, de l'inédit, un regard social d'un milieu ou d'un pays, sous une plume fine et acérée.
Je me suis laissé tenter par la 4ème de couverture : « de sa plume manipulatrice,
James Lasdun signe un roman au suspense étouffant et à l'élégance glacée ». Ajouté à « Entre
Françoise Sagan et
Patricia Highsmith un huis clos délicieusement pervers ! » j'avais hâte de découvrir ce roman policier.
Et j'ai attendu et attendu et elle n'est jamais venue, cette élégance glacée sous le soleil... J'ai trouvé que le soufflé avait beaucoup de mal à monter. Lasdun prenait trop de temps à mon goût pour camper ses personnages. Il saupoudrait lentement un peu de suspense et de rancoeur entre chacun, sans pour autant satisfaire mon palais. Il ajoutait quelques ingrédients à sa recette, pour donner un peu plus de consistance (le groupe hippy les Rainbows ; les « Pensées » de Pascal, etc.). Mais, décidément, ça ne fonctionnait pas pour moi. Je n'arrivais pas à me plonger dans l'histoire ni à apprécier les personnages.
Il cherchait à créer de la tension psychologique dans les relations et cela me laissait froide. Même l'adultère de Chloé ne suffisait pas à donner au roman plus de relief et d'envergure. Comme une voiture en rodage, dont il aurait fallu pouvoir passer la vitesse supérieure pour ressentir enfin quelques frissons…
Ce n'est peut-être qu'au bout de la moitié du livre (qui compte 286 pages en poche) que je me suis dit « Ahh, quelque chose qui réveille enfin mon intérêt ». le roman semblait enfin sortir des polars à la trame éculée… J'entrevoyais pourquoi il avait été question de « manipulation » et tournant les pages, l'oeil plus alerte et curieux, je me suis mise à échafauder quelques scénarios, en me disant que, si l'hypothèse que je trouvais la plus manipulatrice à la Hitchcockienne était confirmée, alors je tirais mon chapeau à l'auteur car je m'étais laissé piéger…
Mais, patatras, le soufflé, à peine un peu monté, retombait encore quelques pages plus loin dans ce qu'il m'a semblé une étape « déjà vue » (ou lue), telle l'épaisseur d'une omelette baveuse. Et il m'a fallu attendre les deux ou trois dernières pages pour retrouver ce petit goût plus salé de mes polars fétiches.
Bref une lecture malheureusement un peu longuette au parfum d'ennui, bien loin de la saveur des bons petits plats que préparent Matthew pendant l'été et bien loin de la comparaison d'un duo Highsmith et
Sagan.