Petit volume présenté comme un échange mais pour lequel le journaliste sert surtout de faire-valoir au philosophe en lui permettant de dérouler son discours.
Ce dernier commence par poser la question : qu'est-ce qu'être « Moderne » ? le vingtième siècle qui en est l'acmé, nous a conduit selon lui à un monde qui touche à sa fin car il porte en lui un paradigme de destruction. Il pense que son aboutissement, à savoir « moderniser » la planète est impossible. Si on le fait, elle devient inhabitable et invivable pour nous, humains.
Il s'interroge sur ce qu'il considère comme l'énigme de l'histoire du XXe siècle : l'humain a constamment dénié la situation dans laquelle il se trouvait. « Les Modernes sont inauthentiques. Ils ont la langue fourchue, ils font toujours le contraire de ce qu'ils disent. Ils sont toujours désaxés par rapport à ce qu'ils font, et dans les années quatre-vingt, ils y vont carrément, ils exagèrent dans leur exagération, dans leur inauthenticité. »
Mais alors quelle est l'alternative à la modernité ? Que deviennent l'abondance, la liberté, l'émancipation sans la modernité ?
L'alternative, c'est ce qu'il appelle « écologiser », dont il est difficile de comprendre la signification exacte parce que « c'est un énorme virage à prendre ». de l'ancien « moderniser » à abandonner vers le nouveau « écologiser » à concevoir.
Il prend un exemple : celui des haies. Et bien... Je n'ai pas compris grand-chose à son exemple et donc, par extension, au sens concret d' «écologiser».
Il semble y avoir l'idée de modestie et de controverse induisant la découverte par tâtonnement du « bon chemin »... Doute.
Ses arguments scientifiques procèdent de cette modestie : « Il n'y a aucune raison pour qu'il y ait 30 % d'oxygène dans l'atmosphère ». Exact puisque c'est plutôt 20 % de dioxygène en arrondissant, mais bon...
Certains concepts évoqués sont explorés sans être bien nouveaux : l'habitabilité au sens de notre minuscule marge de manoeuvre dans l'univers. L'anthropocène ou influence des humains industrialisés sur le reste de la planète...
Pour prendre ce virage, il propose une nouvelle classe sociale (puisque les anciennes appartiennent à l'ancien monde et que même la notion de classe sociale...) : la classe géosociale... Fini le progrès, bonjour la prospérité, fini l'autonomie, vive l'hétéronomie... Et qui vient nous y aider ? la religion : le cri des pauvres est le cri de Gaïa...
Le chapitre scientifique est original. Sa description des sciences du climat, faites de physique, de chimie, de nombreux modèles et d'algorithmes, qui dépendent à la fois des bouées dans l'océan, des satellites, des carottages etc... incite à la réflexion. Pour lui, ce puzzle de centaines de millions de données différentes est une science d'assemblage qui a déjà permis d'établir, dès les années quatre-vingt, que le dioxyde de carbone allait faire monter la température de la planète. Mais le savoir n'a rien produit de concret. Pourquoi ? parce que la science n'a pas le monopole du vrai, alors qu'elle le croit. Parce que notre société est faite de droit, de science, de technique, de religion qui sont tous des modes de vérité associés mais souvent incompatibles les unes avec les autres. Et les « modernes » ont mis la science au-dessus de tout, ce qui est une erreur.
Ce livre annonce la fin du monde, d'un monde, de notre monde. Il nous invite à reprendre le processus de civilisation qui a été suspendu dans la période où nous sommes maintenant. Son souhait : dans quarante ans, regarder historiquement la période de déni, d'ignorance, d'incompréhension de la situation écologique dans laquelle on s'est aujourd'hui égaré.
Mais concrètement ? Rien. le philosophe (sociologue selon...) n'est pas habilité à construire, il invite chacun à participer à l'élaboration. Espérons qu'il sera traduit dans la langue de nos maîtres car ce n'est pas ici que se construira (ou pas) le monde de demain.
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On commence à se dire qu’on n’est finalement plus dans un monde d’objets dont nous sommes distants, mais au milieu d’êtres qui se superposent avec nous. C’est vrai sur le plan des virus, mais c’est aussi très intéressant de le considérer sur un plan politique. Cela signifie que notre existence propre intervient et a une influence sur toutes les autres.
Car dans ma fantasmagorie, je prétends que la classe écologique doit dire : " Nous sommes plus rationnels que vous la bourgeoisie libérale, parce que depuis le XXème siècle vous n'avez pas été fichus de comprendre que la situation fondamentale dans laquelle que la production était insérée, c'était les conditions d'habitabilité de la planète, et que vous avez foutue celles-ci en l'air. Vous êtes irrationnels."
Le message alternatif de composition signifie de plonger dans les controverses, abandonner la séparation entre ce qui est progrès et ce qui est archaïque, s'intéresser évidemment à la question fondamentale de l'habitabilité et faire primer les conditions d'habitabilité sur les questions de production.
Évidemment, le premier conseil que je voudrais donner à Lilo, c'est : "Fais attention à bien chercher tous les moyens thérapeutiques possibles pour résister à l'éco-anxiété pendant vingt ans !". Il va falloir équiper nos enfants et nos petits-enfants de moyens thérapeutiques pour éviter le désespoir.
De toute façon, je ne crois pas que le rôle d'un philosophe soit d'ajouter aux innombrables larmes que versent les collapsologues et les catastrophistes, mais au contraire de travailler à redonner des puissances d'agir.
Mardi 31 mai 2016, Bruno Latour, philosophe et sociologue des sciences, auteur de Face à Gaïa a été présent sur le plateau des Mardis des Bernardins. L'occasion pour la Lettre de la recherche de vous avoir proposé un entretien avec celui qui à travers les sciences, les techniques, l'économie, l'esthétique et la théologie pensait l'introduction des êtres de la Terre dans le processus politique.
Le Collège des Bernardins est un espace de liberté qui invite à croiser les regards pour cheminer dans la compréhension du monde et bâtir un avenir respectueux de l'homme.
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