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Patrick Dusoulier (Traducteur)
EAN : 9782221105375
408 pages
Robert Laffont (27/01/2006)
4.13/5   42 notes
Résumé :
Dans la plupart de ses grands romans, La Main gauche de la nuit, Les dépossédés et Le nom du monde est forêt, tous couronnés par des prix Hugo, Ursula Le Guin a tissé une toile de fond galactique. A l'origine, la planète Hain, il y a des centaines de milliers d'années, a essaimé l'humanité sur des dizaines de planètes, dont la Terre. Ivres de leurs capacités technologiques, les Hainiens ont d'abord multiplié les expériences génétiques et sociologiques, installant su... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Un recueil de huit nouvelles .
Six de ces textes se rattachent au cycle de l'oekoumène . Ces nouvelles sont moyennement longues .
Les mondes de la main gauche de la nuit et des quatre chemins de pardon sont revisités . D'autres sont l'opportunité de nouvelles escales très finement décrites dans cet univers passionnant Avec de nombreux romans assez courts qui sont indépendants les uns des autres et qui interrogent sans tabou les fondement de la vie sociale en passant aux crible l'aspect relatif des normes contraignantes et relatives qui régissent la vie en société .
Le propos du recueil est de réfléchir aussi sur la sexualité et ses aspects : sociologiques, religieux et amoureux.
Le style est fluide et les personnages ont une grande présence. Très plaisant à lire .
La dernière ( et longue ) nouvelle ( un court roman en fait ) traite du thème du vaisseau monde , du vaisseau génération autrement dit .
C'est un excellent récit qui se trouve être d'une grande perspicacité et qui renouvelle tout simplement cette thématique. En l'approfondissant d'une manière unique et approfondie pour ce que je connais du genre SF , c'est unique.
Tous les aspects culturels et psychologiques du long voyage spatial de colonisation sont passés en revue . Aucun texte de SF pour adulte ne traite ce sujet avec autant de soin et de perspicacité. C'est de surcroît un petit roman car il dépasse les 100 pages.
Une des nouvelles se passe sur Werfel et il est très souhaitable d'avoir lu les quatre chemins de pardon pour en profiter comme il se doit .
Cerise sur le gâteau : il y a une préface d'Ursula k Le Guin !
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L'INVENTEUSE DE MONDES

«Inventer un univers, cela demande beaucoup de travail», rappelle, non sans quelque humour, Ursula K. le Guin dès les premiers mots de la préface qu'elle rédigea en introduction à cette série de huit nouvelles ayant, pour au moins six d'entre elles, des liens directs avec les mondes qu'elle créa tout au long de sa riche et inventive existence.

Les amateurs retrouveront pour quelques pages magnifiques, dans "Puberté en Kharaïde", le récit poignant, emprunt de poésie, d'un habitant de la planète Géthen sur laquelle se déroulait par ailleurs l'un de ses romans les plus aboutis et poignant, La main gauche de la nuit. le lecteur y découvrira d'un peu plus près les traditions sociales, sexuelles et affectives de ces habitants si particuliers (ils sont presque parfaitement androgynes), ainsi que ce qu'il en est de vivre cette fameuse "kemma".

"La Question de Seggri" qui lui fait suite fonctionne à la manière d'une succession de rapports, de témoignages, assez terribles dans leur contenu, et qui relatent les conditions d'existence et de différentiation entre les sexes. On le sait, Ursula K. le Guin fut une défenseure acharnée, mais équitable et fine du féminisme. Or, ici, elle procède d'une manière tout à fait originale et très puissante afin de mettre en évidence les cruautés, clichés, bêtises crasses et autres injustices profondes que des générations entières de femmes ont pu vivre et vivent malheureusement toujours en inversant totalement notre vision du monde : sur Seggri, ce ne sont pas les femmes qui sont enfermées, considérées comme sans grande intelligence, superficielles, incapables de contrôler leurs hormones, peu faites pour les métiers demandant études et compétences techniques ou intellectuelles, destinées uniquement à la reproduction, non : ce sont ces messieurs ! Inutile de vous dire que ce renversement complet de références, de point d'appui est aussi surprenant (et sans doute plus encore aux yeux du lecteur masculin) que d'une efficacité redoutable !

Les deux nouvelles suivantes se déroulent sur la planète O, censée être dans l'immédiate banlieue stellaire de la fameuse Hain, et que ses habitants ne cessèrent d'étudier en raison de leur système matrimonial des plus complexes. C'est dans la nouvelle "Un pêcheur de la mer intérieure" éditée en France dans un recueil des éditions Mnémos intitulé "L'Effet Churten" que l'on découvre cette étonnante planète O sur laquelle les mariages se font à... Quatre ! avec un système qualifié de "moiétié" et dans lequel les couples sont tour à tour hétérosexuels, homosexuels ou carrément sans aucune sexualité, selon qu'ils sont du "matin" ou du "soir". Et, vous l'aurez compris, rien à voir là-dedans avec un quelconque cycle de sommeil... Avec tendresse et intelligence, l'autrice examine la complexité des rapports entre les sexes en les extrapolant sur une planète aux moeurs qui nous semblerait bien étrange (il s'agit bien là de mariage tout ce qu'il y a de plus "conventionnels", reconnus par la religion locale, dans cette société, non d'une vulgaire partie de jambe en l'air socialement admise...), que l'on retrouve donc dans "Un amour qu'on a pas choisi" puis dans le très vivant et évocateur "Coutumes montagnardes".

"Solitude", qui poursuit l'ouvrage, est sans doute la plus grisâtre, replié, anxieux des textes qui s'y trouvent. Il s'agit d'une mère de famille, par ailleurs chercheuse pour le compte de l'Ekumène, et de ses deux enfants, un fils aîné et sa soeur cadette qui, par la seule volonté de la première se retrouvent sur une planète des confins de l'univers laquelle est en pleine période de recul civilisationnel après avoir été l'une des plus peuplées et les plus dynamiques de toutes les planètes alors habitées, quelques siècles auparavant. Depuis, dans cette société appauvrie, misérable, plongée dans un mysticisme de temps premiers, seuls les enfants ont contact entre eux tant que la puberté n'est pas encore intervenue. Ensuite, les femmes vivent dans des cercles villageois mais jamais ne pénètrent dans l'intimité des foyers de leurs amies. Quant aux hommes, les plus jeunes vivent en bandes, essentiellement régies par la violence, et les plus matures ayant survécus, parfois âgés, deviennent des mâles solitaires, vivant dans le plus strict dénuement, assouvissant leurs besoins sexuels ainsi que celui des femmes. Indirectement, ils assurent la survie de l'espèce. Malgré tous ses efforts, cette mère "étrangère" ne parviendra pas à faire changer sa fille d'avis, une fois que cette dernière aura passé l'essentiel de sa jeunesse sur cette sinistre terre, et la faire revenir à la civilisation... Une nouvelle sur le thème de la claustration volontaire, du refus des échanges trop intimes avec ses semblables dans une société devenue presque intégralement agoraphobe et autarcique.

Profond prolongement de son "roman éclaté" intitulé en français "Quatre chemins de pardon" (éditions Atalante), le texte qui suit se nomme "Musique Ancienne et les femmes esclaves". Il se déroule dans un contexte où l'économie, la société, les gouvernements sont intégralement basés sur l'esclavage. Mais c'est dans un monde enfin secoué par une révolution des anciens esclaves que la romancière nous fait évoluer. C'est un univers terrible, mortifère, sans compromission ni concession qu'elle nous fait ici découvrir, mais en procédant ici encore par le biais d'un renversement de perspective, comme dans le cadre de la redéfinition des rapports homme/femme sur Seggri. Sauf que cette fois, il ne s'agit pas de sexualité mais de "races" puisque sur ces planètes esclavagistes, les dominants sont noirs et les ilotes sont blancs. L'effet est en tout point saisissant et, malgré toute l'horreur de l'esclavage, lumineusement trouvé. de l'aveu d'Ursula K. le Guin, c'est en visitant une ancienne grande plantation esclavagiste de Caroline du Sud transformé en lieu du souvenir que l'idée lui en était venu...

Avec "l'Anniversaire du monde", on quitte plus ou moins la trame habituelle des récits liés à l'Ekumen (même si la présence d'une poignée de fantomatiques "extra-terrestres" harnachés de combinaisons ayant des casques à hublot laisse à songer que c'est une première pénétration de Haïn ou de ses alliés), pour plonger dans un texte relevant de la geste légendaire. Ceinte d'une atmosphère digne d'une épopée pré-colombienne, cette histoire nous conte la fin d'une civilisation tout à la fois hypnotique et sanguinaire, dévoyée et poétique. Un petit morceau de bravoure stylistique qui se lit avec un intense plaisir (et l'on songe que cela ferait la trame de dix best-seller actuel, tant le monde ici décrit est foisonnant : mais Mme le Guin ne mangeait pas de ce mauvais pain là).

L'ultime texte - qui pourrait presque faire figure de court roman, ou de "novella" si l'on préfère, puisqu'il représente à lui seul plus du quart du volume - a pour titre "Paradis Perdus". Et si, de l'aveu même de sa créatrice, il ne s'inscrit pas réellement dans le monde de l'Ekumen, il pourrait aisément en être l'un des pendants, en tout cas, il correspond assez bien à l'idée des premiers voyages inter-planétaire encore très lents (relativement) présentés dans le Monde de Rocannon ou Planète d'exil. Cette fois, c'est de notre bonne vieille terre, non de Haïn, que partent quelques quatre mille colons en direction d'une planète relativement proche mais nécessitant tout de même près de deux cent années de voyages dans le vide... Aussi, ce n'est pas tant au premier colons - ceux qui ont donc connu leur lieu d'origine - ni aux derniers - ceux qui mettront les pieds sur celle à découvrir - qu'Ursula K. le Guin s'intéresse, mais à ces trois ou quatre générations intermédiaires dont le voyage lui-même est l'unique but, tandis qu'eux-mêmes ne sont que des moyens à son aboutissement ! L'ensemble est réalisé avec une immense maîtrise, les options envisagées, si elles ne sont pas toutes examinées, tiennent vraiment la route (si l'on peut dire) et ouvrent des abîmes de réflexions sur ce que pourraient être des voyages stellaires au long cours, sans en passer par les subterfuges classiques de cryogénisation ou de déplacements à une quasi-vitesse lumière que l'on sait, techniquement, absolument impossible. On songe aussi à toute forme de société réduite à peu d'individus et qui aurait à survivre dans le cadre d'une parfaite autarcie durant de longues, de très longues années. L'ensemble se dévore comme un mini-thriller et si l'on ne s'y ennuie pas un instant, c'est aussi en amenant nombre d'interrogation palpitantes.

L'anniversaire du monde se lit, pour les amoureux de cette oeuvre d'importance dans le monde de la Science-Fiction, comme une succession de petits diamants un peu bruts - pour la taille, il faut aller voir du côté de ses romans -, donnant envie de s'enfoncer toujours plus avant dans cette oeuvre relativement unique, aux questionnements multiples et d'une grande sensibilité, qui peuvent parfois sembler dépassés ou moins prégnants mais qu'un certain retour à la bien-pensance, à des formes post-modernes de pudibonderie, d'engourdissement des intelligences et de frénésies religieuses perverses, remettent plus que jamais sur le devant de la scène.

Vous nous avez quitté il n'y a pas un mois, Chère Ursula K. le Guin, mais vous ne cessez déjà de nous manquer... Et nous ne cesserons de vous lire !
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C'est le livre qui m'a fait découvrir Ursula le Guin, il y a quelques années. Et quelle découverte! Elle est aujourd'hui quelque chose comme mon autrice préférée. Je remercie encore la Librairie féministe L'Euguélionne de me l'avoir mis dans les mains.

L'Anniversaire du Monde est un recueil de nouvelles de SF se déroulant dans le Cycle de l'Ekumen. Un univers semi-cohérent dont les romans et nouvelles n'ont pas vraiment de liens les uns aux autres, sauf le fait d'utiliser les mêmes règles et la même technologie. En gros : Il y a une fédération galactique basée sur l'acquisition du savoir et dont la principale activité est d'envoyer des anthropologues/diplomate étudier et créer des liens avec d'autres planètes.

La plupart des nouvelles explorent les questions de genre en questionnant tant le côté biologique que le côté social de la chose. Le Guin, c'est de la Gare SF dans la science est l'anthropologie.

On découvre une planète où les femmes ont tout les pouvoirs et les hommes tout les privilèges.

Une planète où le genre a deux axes : l'axe Homme-Femme et l'axe Matin-Soir. Les couples sont constitués de quatre personnes, soit H-M, H-S, F-M et F-S. À l'intérieur de chaque couple, les individus ont donc tous une relation homosexuelle, une relation hétérosexuelle et une relation platonique (parce que le sexe entre M-M et S-S est un tabou).

Une planète où les gens ne sont sexuées que quelques jours par mois pendant cette période être d'un sexe ou de l'autre. (Oui, c'est la planète de la Main Gauche de la Nuit, mais je l'ignorais quand j'ai lu la nouvelle.)

Et encore un paquet d'autres dans ce style là. Honnêtement, je recommanderais à qui que ce soit qui souhaite lire le Guin de commencer par là.
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On ne la désigne pas comme la grande dame de la science-fiction pour rien : Ursula le Guin fait partie des quelques auteurs qui ont fait significativement évoluer le genre. Alors que la S-F militaire domine la science-fiction des années 50 et 60, Ursula le Guin va renouveler cette littérature avec des écrits différents :

Chez elle, peu de guerriers, de généraux, d'espions surentrainés : ses héros sont ambassadeurs, scientifiques, anthropologues ou de simples quidams. D'ailleurs, on ne retrouve pas, dans ses livres, d'empire galactique mais plutôt une fédération de planètes aux liens assez lâches (à cause notamment des spécificités culturelles de chacun et du temps incroyablement long que requièrent les voyages spatiaux). On aime ou on n'aime pas mais force est de reconnaitre l'importante dimension « sociologique », la cohérence de l'univers, les biais originaux et la force immersive que l'on retrouve dans ses histoires de « planet operas ». Ceux qui connaissent et apprécient déjà les différents romans du cycle de l'Ekumen devraient être également séduits par ce recueil composé de huit nouvelles étalées sur un peu plus de 500 pages.


Le premier tiers du livre est composé de quatre nouvelles qui explorent les questions des relations entre les sexes que ce soit en Karhaïde (voir La main gauche de la nuit) où les habitants sont hermaphrodites, à Seggri où une stricte séparation détermine le rôle des femmes et des hommes (ces derniers étant réduits à un statut d'étalons reproducteurs) ou encore sur la planète O où la vie maritale se fonde sur l'union de 4 personnes. Vient ensuite, ‘Solitudes' une nouvelle dépaysante dans un monde revenu à un stade primitif où les rapports sociaux sont réduits au strict minimum.

Mais c'est avec la longue nouvelle ‘Musique Ancienne et les femmes esclaves' que le recueil prend son envol : le récit va suivre l'ambassadeur de Hain sur Werel, un monde secoué par une guerre civile et raciale entre anciens maitres et esclaves révoltés. le récit est sans doute le plus prenant du recueil et va suivre l'errance et la captivité de cet homme perdu au milieu d'un conflit auquel il est étranger. le récit est captivant et ne tombe pas dans l'écueil d'un manichéisme simpliste.

Enfin, Paradis perdu, plus longue nouvelle du recueil narre la poursuite d'un voyage stellaire intergénérationnel (c'est-à-dire où les générations se succèdent au sein d'un vaisseau avant qu'il atteigne sa destination). On retrouve dans ce récit d'un peu plus de 150 pages la grande majorité des thématiques qu'avait explorées Robert Heinlein dans son roman Les orphelins du ciel : pertes des repères et objectifs de la mission au fur et à mesure des générations, division entre communautés etc. J'ai globalement apprécié la nouvelle que j'ai trouvé plus réaliste et doté de davantage de profondeur que le récit d'Heinlein.


Voilà donc un recueil de qualité qui ravira sans doute les fervents lecteurs d'Ursula le Guin. Pour les autres, je déconseille en revanche L'anniversaire du monde. En effet, je pense qu'une bonne partie du plaisir et de l'intérêt du lecteur est liée aux lectures précédentes des principaux romans du cycle de l'Ekumen et du recueil Quatre chemins de pardon. Pour s'immerger pour la première fois dans la science-fiction d'Ursula le Guin, mieux vaut sans doute parier sur un roman comme Les Dépossédés, La main Gauche de la nuit ou encore le monde de Rocannon.
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L'Anniversaire du Monde est un recueil de huit nouvelles de SF à la manière de le Guin, bien plus intéressées par l'exploration humaniste et intime des mondes fictionnels qu'elle a créé que par leur aspect scientifique. Toutes sont plus ou moins situées dans son univers cadre de l'Ekumen mais les récits sont en réalité très peu liés entre eux, autrement que par la présence en filigrane d'observateurs Hainniens dont les rapports se mêlent parfois au tissus des nouvelles, par quelques thèmes transversaux, et bien entendu par la subtilité d'Ursula le Guin et son focus singulier sur la manière dont s'organisent des sociétés très différentes les unes des autres, comment les gens y vivent et y aiment, comment ils s'y construisent et, comme le dit la narratrice de “Solitude”, comment ils y trouvent ou construisent leur âme.

Les cinq premières nouvelles explorent plus particulièrement les questions de genre et de constructions sociales autour de la reproduction : sur Géthen, où les habitants androgynes passent par tous les genres au cours de leur vie ; sur Seggri, où une disparité génétique fait qu'il y a 1 homme pour 18 femme et dont la structuration sexiste qui en découle est si intimement violente ; sur O, où deux nouvelles très différentes explorent la formation de sedoretu, ces mariages de quatre personnes aux règles bien définies ; sur la désolée Onze-Soro, où une jeune fille grandit dans le silence du cercle des tantes…
Toutes ces nouvelles sont à la fois profondément humanistes, mais aussi profondément sociales et sensibles, explorant autant d'altérités qui nous tendent au final un miroir de nos propres existences et de nos propres a priori. "La Question de Seggri" notamment est d'une puissance et d'une justesse qui ne peuvent que forcer la réflexion.
Splendide et tranquille également est "Musique Ancienne et les femmes esclaves" qui esquisse en creux le destin des esclaves d'un domaine, ballotés dans l'écume d'une guerre de libération qui n'en finit pas et qui fait écho au poignant Quatre Chemins de Pardons, justement le recueil qui m'avait fait redécouvrir Le Guin et donné envie de me plonger plus en avant dans son oeuvre.
"L'Anniversaire du monde", qui donne son titre au recueil, se distingue quand à lui par le point de vue incroyablement lucide d'une femme qui fut un jour Dieu, du moins jusqu'à l'arrivée prophétisée de nouvelles divinités, et si ce ne fut pas ma nouvelle préférée je l'ai toutefois lue avec grand plaisir.
“Paradis perdu” clôt enfin le recueil. Cette intrigante novella commence tout doucement sans fil bien clair, décrivant petite touche par petite touche la vie à bord d'un vaisseau… Mais pas n'importe lequel : un vaisseau d'exploration lancé dans un voyage destiné à durer six générations avant son arrivée à la planète de destination. Xing et Luis sont de la cinquième génération née dans le paradis artificiel du vaisseau, une génération dont l'organisation sociale et reproductive est parfaitement taillée pour la vie dans l'univers fini d'une société démocratique, bien éduquée et ma foi plutôt bien équilibrée, qui se maintient avec soin à 4000 individus, ne connaît pas la pauvreté, très peu la maladie et dont les citoyens ne sont pas destinée à jamais connaître autre chose. J'ai trouvé fascinante la manière dont Le Guin nous introduit dans la vie de cette génération interstitielle, l'intelligence et la crédibilité de son organisation, les impacts imprévus d'une vie à l'intérieur du vaisseau et les évolutions des valeurs, la naissance de la Béatitude, puis la tension grandissante quand le lecteur et les personnages se rendent compte qu'il se passe quelque chose d'imprévu… Mais même là, Ursula le Guin évite la tentation facile du passage à l'épique ou au récit d'aventure, mène son récit jusqu'au bout sans compromettre son propos pour nous mener à une fin certes ouverte, mais parfaitement satisfaisante


Il y a bien entendu des nouvelles que l'ai préféré à d'autres, mais au final j'ai trouvé dans "L'Anniversaire du monde" une richesse de points de vues, une subtilité, une intelligence et une diversité de pensée qui ne peuvent que me pousser à en recommander la lecture.
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
Mais je ne sais pas dans quel camp je suis, pensa-t-il en retournant son fauteuil près de la fenêtre. Le camp de la Libération, oui, bien sûr, mais qu'est-ce que la Libération ? Ce n'est pas un idéal, la libération des asservis. Plus maintenant. Plus jamais. Depuis le Soulèvement, la Libération est une armée, un groupe politique, un grand nombre de personnes, de dirigeants et de gens qui veulent le devenir, d'ambitions et de convoitises qui entravent les espoirs et la force, un pseudo-gouvernement d'amateurs maladroits, qui oscillent entre violence et compromis, toujours plus complexe, et qui ne retrouvera jamais la magnifique simplicité de l'idéal, la simple idée de liberté. Et ce que j'ai désiré, ce pour quoi j'ai œuvré, toutes ces années. Semer la confusion dans la noble structure hiérarchique des castes en lui injectant le concept de justice. Et ensuite jeter la confusion dans la noble structure de l'idéal d'égalité entre les hommes en essayant de le concrétiser. Le mensonge monolithique peut se déliter en un millier de vérités incompatibles, et c'est ce que je voulais. Mais je suis pris dans la folie, la stupidité, la brutalité insensée des événements.
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De fait, c'est un arrangement injuste. La sexualité et la justice ont bien peu de choses en commun, peut-être même aucune. L'amour, l'amitié, la conscience, la générosité et l'obstination trouvent le moyen de faire fonctionner cet arrangement injuste, ce qui n'empêche pas l'anxiété et l'angoisse ; et ça ne marche pas toujours.

[NB : La narratrice vient d'expliquer comment se créent les familles et les modalités de reproduction dans un environnement restreint, totalement fermé et ne comprenant que quatre mille individus, et comment hommes et femmes "s'arrangent", pour le moins pire des deux.]
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Je ne peux pas décrire la cérémonie de la Séparation. Je ne peux vraiment pas. Les hommes de Seggri, à cette époque, avaient cet avantage : ils savaient ce qu'était la mort. Ils étaient tous morts une fois avant leur mort corporelle. Ils s''étaient retournés pour jeter un dernier regard sur leur existence passée, chaque endroit et chaque visage qu'ils avaient aimés, pour s'en détourner définitivement tandis que la grille se refermait.
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Quel effet cela fait-il de revenir d'entre les morts ? Ce n'est pas facile. Ni pour celui qui revient, ni pour les membres de la famille. La place qu'il occupait dans leur monde s'est refermée, a cessé d'exister, à été colmatée par l'accumulation des changements, des habitudes, des actions et des besoins des autres. Il a été remplacé. Revenir d'entre les morts, c'est être un fantôme. Une personne pour qui il n'y a pas de place.
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Je ne pense pas qu'on puisse écrire sur la solitude. Ecrire, c'est dire quelque chose à quelqu'un, c'est communiquer avec d'autres. PC, comme disait Stabilité. La solitude est une non-communication, l'absence des autres, la présence d'un soi-même qui se suffit à lui-même.
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Videos de Ursula K. Le Guin (10) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Ursula K. Le Guin
De "La Main Gauche de la Nuit", au "Nom du monde est forêt" en passant par "Les Dépossédés", l'autrice américaine de science-fiction Ursula le Guin, disparue en 2018, a tissé une toile narrative complexe d'une grande beauté littéraire et d'une actualité thématique brûlante.
Réflexion sur le genre et féminisme, écologie, inégalités sociales, ce sont autant de préoccupations qui se dessinent subtilement dans l'oeuvre monde de cette touche-à-tout
En compagnie de ses invités, Catherine Dufour, écrivaine de science-fiction et Jérôme Vincent, directeur éditorial des éditions ActuSF, Antoine Beauchamp vous propose de découvrir cette immense autrice qui fut un temps pressentie pour le prix Nobel de littérature.
Photo de la vignette : Dan Tuffs/Getty Images
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