Il y a plusieurs Barbares dans ce recueil. Étymologiquement, ce sont qui ne parlent pas grec, donc les habitants d'Asie Mineure, d'Assyrie, de Babylone. Ce sont ensuite ceux qui n'ont pas connu la Révélation, venus avant le Christ, ou qui ont refusé son message : les juifs de l'Ancien Testament, les païens celtes avec leurs druides et leurs prêtresses. Ce sont ensuite les Mahométans, de l'Espagne ou de Bagdad, puis les Hindous...
Le recueil est donc construit sur un élargissement progressif dans l'espace, qui nous éloigne progressivement du centre de la civilisation, Jérusalem et Rome, pour finir dans la jungle et les savanes. Ce n'est pas que les animaux soient des "Barbares", mais ils ont eux aussi des
poèmes dédiés, panthère et jaguar notamment.
Car ce qui unit tous ces "Barbares" - bêtes sauvages, anciens dieux, tyran antique, conquérant..., c'est le goût du sang, de la mort, et de la chair. comme les hommes, les panthères tuent, et jouissent de ce sang rouge et de cette chair blanche et voluptueuse.
Enfin, les "Barbares", ce sont les "montreurs" pour reprendre le titre d'un
poème situé au centre de l'oeuvre.
Leconte de Lisle n'est pas
Victor Hugo, il refuse de mettre son âme à nue, d'exposer son coeur et ses tourments à ses lecteurs. le Je est donc impersonnel, et ne raconte pas l'être qui écrit.
C'est donc une oeuvre poétique par images, par association d'idées, par jeu sur les mots qui doivent dépayser. Je regrette cependant cette accumulation, ce décentrement et ce changement de décors, de paysages, de cultures, de temps et d'espace, permanent, sans même de section ou de sous-partie pour organiser un peu ce flot de mots. Quant à l'écriture poétique elle-même, moi qui ne connais essentiellement que
Victor Hugo en poésie, je regrette un manque d'inventivité sur la langue, sur les vers et les assonances. Sur la forme, je regrette aussi la longueur de certains
poèmes, sans strophe ni mise en page particulière. Je ne retiens donc aucun vers qui m'aurait frappée par sa beauté formelle, plus les images suscitées, même si, encore une fois, la longueur de l'oeuvre et son foisonnement, m'empêche d'en retenir vraiment une en particulier - comme un sentiment de longueur et de trop plein en refermant le recueil, dont rien n'émerge en particulier, malgré quelques scènes de grande beauté : le Corbeau maudit, la panthère noire, la princesse viking retirant l'épée du caveau de son père...