Depuis le travail monumental de
Robert Baldick en 1975 et la biographie d'
Alain Vircondelet en 1990, il s'était passé plus de 17 ans sans que ne sorte un travail conséquent sur
Joris Karl Huysmans. L'écrivain bien que restant peu connu du grand public n'a cessé de susciter thèses et articles et
Patrice Locmant a contribué à la réédition et aux commentaires de quelques-uns de ses livres.
La volonté de se détacher des biographies "conventionnelles" pour aller plutôt vers un portrait de Huysmans était un parti pris intéressant. Malheureusement,
Patrice Locmant n'a fait qu'effleuré l'énigme que reste Huysmans. Rond de cuir embourgeoisé, célibataire libertin, esthète amateur de peinture et de plain chant, converti fréquentant les cloîtres... tout cela nous le savions mais comment comprendre son côté provocateur, son arrivisme qui lui fait rejoindre le groupe d'admirateurs de
Zola pour ensuite s'en éloigner, son indépendance d'esprit alors qu'il passe une partie de sa vie sous une hiérarchie absurde ? Et son orgueil, son besoin de se distinguer du commun ?
On aurait aussi aimé connaître la réaction de ses contemporains, de sa hiérarchie à ses écrits et son itinéraire assez atypique. On aurait aussi aimé approcher sa façon de travailler à ses écrits, son amour des mots rares et précieux jamais évoqué ici !
Le livre est finalement assez superficiel, ne cessant de s'illustrer d'extraits des oeuvres de l'auteur dont on sait qu'il ne fit bien souvent que se mettre en scène. il n'évite pas les répétitions et frise parfois la vulgarité !
Ainsi lorsque Huysmans malade perd un oeil :
"Il perd la vue d'un oeil. "Huysmans est un oeil", disait autrefois son ami
Remy de Gourmont, qui admirait en lui le critique d'art infaillible. Il ne croyait pas si bien dire. Il n'est aujourd'hui plus qu'un oeil."
Effarant !
Comme il est effarant de sortir quelques textes prétendument antisémites en ignorant le contexte de l'époque et le caractère descriptif, privé et ponctuel de ces extraits.
Un travail finalement bien décevant.