La narratrice, une femme de 50 ans originaire du nord du Portugal (tout près de Porto), décide de se venger de l'homme qui vient de l'abandonner ; aussi furieuse que blessée, elle trame son assassinat. Après avoir travaillé dans des maisons d'édition et enseigné, elle exerce désormais la profession de correctrice indépendante. Elle s'est récemment installée dans l'Alentejo, mais elle se rend tous les dimanches à Lisbonne pour nager et s'occuper de la chatte d'une amie partie faire des recherches au Brésil.
C'est dans la petite ville de province où elle a acheté une vieille maison qu'elle fait la connaissance de celui qu'elle surnomme le cow-boy. Dramaturge âgé de 34 ans, celui-ci est venu s'isoler loin de la capitale pour écrire un monologue de théâtre. La rencontre donne immédiatement lieu à une aventure amoureuse aussi intense que brève ; elle prend en effet fin un mois plus tard, le jour où le jeune homme fait la lecture de son texte à Lisbonne. À sa grande stupeur, la narratrice découvre que le monologue n'est rien d'autre que l'histoire de sa propre vie, et que le jeune dramaturge, qu'elle qualifie d'imposteur, l'a utilisée pour écrire son texte.
Le lendemain, un éditeur lui confie la relecture d'une importante biographie de
Nelson Rodrigues. Ce poète, écrivain et dramaturge (1912-1980), considéré comme le fondateur du théâtre moderne au Brésil, l'inspire et l'émeut à bien des égards.
Au cours des semaines suivantes, la narratrice se donne tour à tour à trois amants représentant les archétypes masculins : un mécanicien qui écrit des SMS avec des fautes d'orthographe (Sancho Panza), un ami poète, futur prix Nobel de littérature, qui apprend le sumérien (Nosferatu) et un nageur épilé qui travaille pour Facebook (Apollon).
Derrière ce récit de femme blessée, dont l'action se passe entre les mois de mai et de juillet 2014, l'auteure évoque, par des remarques à la fois drôles et acerbes, l'histoire du Portugal, ainsi que la crise actuelle que traverse le pays.
Structuré en quarante-trois chapitres très courts, à la manière des feuilletons de Machado de Assis (écrivain brésilien de la fin du XIXe siècle), le roman est écrit à la première personne. Il s'agit d'un récit non linéaire, entrecoupé par de nombreux flash-back au cours desquels la narratrice se remémore quelques épisodes de sa vie qui ont eu lieu aussi bien dans sa jeunesse que quelques semaines plus tôt. À un aucun moment le lecteur ne se sent perdu ; la narration est tout à fait maîtrisée.
Alexandra Lucas Coelho manie une écriture vive, alerte, composée de phrases courtes et épurées qui traduisent la fureur passionnelle de la narratrice. Son style est audacieux, souvent oral et familier, sans jamais tomber dans la vulgarité, en dépit des nombreux mots argotiques qui ponctuent son monologue. Les dialogues, parfois directement insérés dans le texte, sont à la fois vivants et théâtraux. Des paroles de chansons ou encore des poèmes apparaissent de temps à autre. Enfin, notons quelques originalités formelles, notamment le chapitre intitulé « insomnie », intégralement écrit sans majuscule, ni point.
Grâce à son rythme effréné et sa grande fluidité stylistique, le récit est extrêmement vivant.
Mon amant du dimanche est un roman étonnant et novateur. La singularité du texte réside moins dans l'intrigue que dans la manière dont celle-ci est agencée et racontée.
Décrits en peu de mots, tous les personnages – la narratrice et ses amants – ont des contours intéressants. du fait de son autodérision et de son caractère bien trempé, l'héroïne-narratrice est à la fois séduisante et captivante. Grâce à sa liberté de ton, l'auteure parvient à saupoudrer chaque page d'ironie et d'humour. Par ailleurs, une importante charge érotique traverse le roman.
Seuls les personnes réelles, issues de la littérature, de la musique, du cinéma ou de la danse, sont nommées. Les personnages de fiction propres au roman sont, quant à eux, désignés par leur fonction ou encore par des surnoms affublés par la narratrice, dont on ignore le prénom.
Le roman est traversé par des réflexions autour de la littérature, de la poésie et de l'écriture. Mon amant du dimanche est aussi le titre du livre que la narratrice songe à écrire : une douzaine de pages de ce roman sont d'ailleurs intégrées à la narration, dans un jeu métalittéraire.
Des auteurs (et leurs personnages respectifs) de la littérature classique sont convoqués à plusieurs reprises, souvent avec beaucoup d'humour :
Flaubert (Madame Bovary),
Balzac (La Femme de trente ans dont on retrouve plusieurs références et citations), Tolstoï (Anna Karénine),
Dostoïevski (Raskolnikov), Joyce (Leopold et
Molly Bloom) dont la narratrice corrige une traduction,
Beckett,
Emily Brontë (Heathcliff),
Stendhal (Julien Sorel),
Jules Verne (Michel Strogoff),
Marguerite Duras,
Sarah Kane (dont le cow-boy connaît des extraits par coeur), etc. Une grande place est donnée aux auteurs de langue portugaise, des plus classiques – Camões,
Machado de Assis (et son personnage, Brás Cubas), Euclides da Cunha –, aux plus contemporains –
Saramago,
Herberto Helder, Maria Gabriel Llansol,
António Lobo Antunes,
Gonçalo M. Tavares,
Mia Couto –, en passant par
Fernando Pessoa,
Clarice Lispector, Sophia de Mello et, en premier lieu,
Nelson Rodrigues. La narratrice se réfère à des épisodes familiaux ou sentimentaux de la vie
De Balzac, de Joyce, d'Euclides da Cunha ou encore de
Nelson Rodrigues.
La musique est également présente tout au long du roman. La narratrice évoque, en les nommant ou pas, Caetono Veloso,
Chico Buarque,
Leonard Cohen, Zeca Afonso, Carlos Paredes, etc. Enfin, elle fait aussi référence à quelques figures de la danse (
Isadora Duncan) et du cinéma (
Tarantino ou
Godard).
Ajoutons que l'ensemble des thèmes et allusions résonnent au fil des pages, à la manière d'échos ou de ricochets.