TOPOS
A la fin de ma première critique, j'ajoute la suite, dans un suspense haletant...
Voici Turin, la vile de la Fiat, mise en scène par les deux co-auteurs inséparables. C'est un peu grisouille, surtout que l'intrigue se passe en Février. Une ville industrielle, quoi. Avec quand même un centre ville ancien, dense, un rien étouffant même.
Et une galerie de personnages de chez fouillé.
Si je résume, disons que nous avons des éditeurs d'ouvrages philosophiques, un commissariat et sa hiérarchie, un curé un peu atypique et ses ouailles du même tonneau. Puis une bourgeoise raffinée et sa fille, un gars assez sympa mais du Milieu, Dieu (dit "le grand Boss"), du clergé de la hype, et un livreur de crayons dans sa Volkswagen. Ah, et un ingénieur de chez Fiat aussi. Il neige, il vente. Et tout ce monde bruisse autour de Santa Liberata, l'église où officie le curé atypique.
Ils se débrouillent bien, les auteurs, avec tout ce beau monde. Un par un ils leur font prendre forme, leur donne vie, les animent de pensées de désirs de questions, des trucs humains assez savoureux, des jolies médiocrités bien pardonnables, des faces sombres, des humours à froid. On les suit, c'est enlevé, cocasse. L'intrigue se resserre petit à petit, pas pressée, pendant ce temps on visite Turin, ses ruelles, ses commerçants, ses banlieues zé alentours.
On se balade aussi dans les théories religieuses, sous plein d'angles différents car perçues par chacun des personnages, du très athée au grand prélat. Ça semble tourner autour des gnostiques, ça tombe bien, mon avant-avant-dernière lecture "
Monsieur - ou le Prince des Ténèbres" de
Lawrence Durrell en parlait aussi, et n'imaginez pas que j'y aie compris quelque chose, mais au moins c'est familier à mon oreille. Bref, me suis surprise à avoir hâte de retrouver le bouquin (la madame elle lit le soir, avant dodo) et ses joyeuses bandes auxquelles je me suis attachée. Ah chouette, il ne me restait que quelques pages, demain je finis et enfffffin je vais comprendre où les facétieux auteurs voulaient nous mener.
Et je tombe sur : TOPOS.
C'est la fin du livre. On ne sait pas qui a fait quoi, qui est où, ce qu'ils sont advenus, qui a fait le coup, who done it, quoi ! Folle de frustration, je secoue l'objet-livre, le retourne dans tous les sens dans le fol espoir que de nouvelles pages apparaissent, et que vois-je sur la couverture, là, LA, qui me saute à la gorge tel un serpent gnostique et m'enserre le cou :
Tome 1.
La blague fumasse. La gifle torride. le tsunami mental.
Bon d'accord, j'ai commandé le tome 2, et il va me falloir attendre de nombreux jours avant livraison, de quoi lire des mini-ouvrages de 80 pages en attendant, pour rester dans le mood. Taquins, les italiens. Mais c'est pour ça qu'on les aime.
A suivre, donc…
C'est agaçant hein !
SUIIIIIIIITE !!!!!
Me voilà sur mon stylo blanc, arrivant au galop :
Il était une fois…
La Nuit du Grand Boss, Part II - le retour de la vengeance du il revient mais il n'est pas content…
C'est moi qui n'étais pas contente en voyant que mon passionnant livre de poche n'était que le tome 1 d'un polar bien fourni qui en contient deux.
On s'était quittés, le livre et moi, sur un mot : TOPOS.
Une recherche, une commande, une livraison, le temps de lire autre chose et aaaargh, j'ai pu me replonger dans l'univers de Fruttero et Lucentini, ouf, essuyage de front.
Turin. Une maison d'éditions. Une église qui a été reprise par un curé étrange, qui s'envole dans la gnose comme on s'envoie en l'air, en guise de saut de l'ange. Un ingénieur guère épanoui, tourmenté même, qui travaille dans la grande maison de la ville : la Fiat - et son patron cocasse. Une belle bourgeoise qui a le sens des valeurs, et sa fille qui plane aimablement dans une réalité qui la séduit en tous points. Des gars du Milieu, pas forcément des mauvais bougres, et pour certains, non dénués de charme. E
t un commissariat en fourmilière avec ses personnages haut en couleur, dont la Pietrobono n'est pas la dernière. Ah, et un vendeur de crayons en Volkswagen, toujours.
Je vous balance un meurtre allez. Oh, il y en a un peu plus, je vous le mets quand même ? Va bene, deux meurtres entre Turin Centre et sa banlieue ravagée d'ennui avec ses petites jumelles mignonnes (non, elles il ne leur arrive rien). Ces deux meurtres seraient-ils liés ? Et le troisième mort, c'est un suicide ou un meurtre, ah là ça ferait beaucoup - mais l'affaire est complexe.
Les hommes sont chafouins, fatigués, intrigués quand même, oppressés pour certains. Heureusement les femmes sont là pour ajouter de la beauté au quotidien. Petit clifhanger : la toute dernière scène où l'on retrouve le commissaire Santamaria est un bijou, dans le genre érotisme le plus discret du monde. Non j'ai rien dit.
Le tome II donc, ——attention, spoiler—— est indispensable pour comprendre le tome I. J'ai bien fait de le lire aussi. Me suis régalée, pour tout dire, et j'ai déjà ma petite liste d'autres bouquins de Fru&Lucc, à l'écriture bien riche, aux personnages bien humains. Ils choisissent une ville italienne par roman. On est bien, dans leur Italie.