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EAN : 9782246812180
224 pages
Grasset (08/01/2020)
4.35/5   17 notes
Résumé :
En 2016, Alain Mabanckou a occupé la chaire de création artistique du Collège de France. C'était la première fois qu'un écrivain africain était amené à y enseigner la littérature et la culture si souvent dédaignées du « continent noir ».
Alain Mabanckou est l'héritier de l'histoire littéraire et intellectuelle de l'Afrique, qu'il retrace dans ces Huit leçons sur l'Afrique données au Collège de France.
Croisant la stylistique et la vision politique, e... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Mabanckou Alain – "Huit leçons sur l'Afrique" – Grasset, 2020 (ISBN 978-2-246-81218-0) – format 21x15cm, 218p.

Intéressant, certes, mais tout de même un peu décevant.

Il s'agit ici de la publication des huit leçons que l'auteur donna entre mars et mai 2016 au Collège de France, dont il nous présente la trame dans son avant-propos :

"Mon objectif [...] était clair et n'allait plus varier : combler un vide en posant un regard sur le parcours de ces littératures pour que puissent enfin résonner les noms d'écrivains majeurs reconnus ailleurs mais quasiment méconnus en France où ils ont pourtant été publiés dans la même langue et les mêmes maisons d'édition que leurs collègues français" (p. 13)

Il ajoute que ces auteurs africains de langue française sont non seulement largement enseignés dans les pays anglophones, mais que de surcroît ils y occupent souvent des chaires prestigieuses d'enseignement de la littérature française, ce qui est parfaitement exact (parmi les exemples cités, notons celui d'Edouard Glissant).

Ceci étant, il est bien dommage que l'auteur ne fasse à aucun moment le lien avec les autres littératures "non-noires" francophones "hors de France", objets du même ostracisme confinant au racisme culturel : qui connaît en France les auteurs francophones "non-starisés" publiant au Québec, en Belgique, à l'Ile Maurice ou en Suisse romande, sans oublier tout un pan de la littérature maghrébine... ou la littérature hexagonale qualifiée avec tant de condescendance méprisante de "régionale" (Henri Vincenot et Pierre Magnan par exemple) – il est par ailleurs quasi inutile d'évoquer la littérature hexagonale non-francophone (alsacienne, bretonne, occitane... qui connaît René Schickele ?), soigneusement boycottée par les cercles cultureux de la bien-pensance parisienne.
Le monde culturel franchouillard est borné au tout petit cercle germanopratin...

Dans la première leçon (pp. 17-53), l'auteur dresse un inventaire sommaire mais relativement complet de la littérature dite "noire", en rappelant aussi bien les publications sur l'Afrique écrites par des blancs (Albert Londres, Michel Leiris par exemple) que les romans d'auteurs de souche africaine.
La deuxième leçon (pp. 55-84) est résumée par son titre "qu'est-ce que la négritude ?", et évoque principalement les oeuvres de Léopold Sédar Senghor, Aimé Césaire et Léon-Gontran Damas dans les années de l'entre-deux guerres.
La troisième leçon (pp. 85-111) traite de "quelques thématiques de la littérature d'Afrique noire d'expression française".
La quatrième leçon (pp. 113-128) intitulée "de l'édition de la littérature africaine en France" recense une bonne part des archétypes et clichés plaqués sur le peu de textes littéraires d'origine africaine qui parviennent tout de même à se faire publier sur le sol de la doulce France : tout un exotisme de pacotille se déploie alors, à la mode Arte ou Géo, dont l'auteur fournit une description aussi drôle que féroce.

Le reste de l'ouvrage est moins intéressant : l'auteur y évoque surtout les problèmes politiques des pays africains après les indépendances, pour la plupart si décevantes, surtout dans les anciennes colonies françaises.

En annexe figure la "lettre ouverte au Président de la République française" écrite le 15 janvier 2018, dans laquelle Alain Mabanckou explique – assez abruptement – son refus de participer au (énième) groupe de réflexion qui traiterait de "la francophonie" : on comprend ce refus de perdre du temps dans l'un de ces comités, sempiternel hochet brandi par le parisien franchouillard standard issu des écoles de l'élite, de type Macron.
Elle est suivie du texte de l'allocution "pour le monument aux héros de l'Armée noire" prononcé à Reims le 6 novembre 2018.

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Ecrit qui reprend les leçons données par Alain Mabanckou au Collège de France en 2016, ainsi que la lettre ouverte écrite en janvier 2018 à Emmanuel Macron pour refuser un projet proposé sur la Francophonie, et l'allocution pour le Monument aux héros de l'Armée noire dite à Reims le 6 novembre 2018, j'ai trouvé ces Huit leçons sur l'Afrique passionnantes, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d'abord parce qu'elles m'ont permis de découvrir tout un pan de la littérature d'Afrique d'expression française avec laquelle je n'avais jusqu'ici pas eu l'occasion de me familiariser. Mes connaissances en sont restées, depuis un certain nombre d'années, à la Négritude, c'est pour dire… Alain Mabanckou nous présente cette littérature notamment en lien avec des thèmes qui m'ont de plus interpellée et intéressée, comme les enfants soldats ou encore l'après-génocide rwandais – le résultat étant que j'ai ajouté nombre de titres dans mon pense-bête lectures -.

Je les ai également trouvées passionnantes parce qu'elles m'ont permis de comprendre, grâce à un langage qui manie avec subtilité esprit de synthèse et arguments pertinents, particulièrement bien construits, les enjeux actuels, encore problématiques, qui existent autour de cette littérature qui a bien du mal à percer en dehors d'une idée, toujours par essence colonialiste, qui donnerait à la littérature franco-française tous les gages de qualité et de reconnaissance qui en incombe par rapport à cette littérature qualifiée de « francophone », et considérée comme simple satellite de ce qui se fait en Métropole. Or Alain Mabanckou, par ces leçons, nous démontre le contraire, nous la présentant comme riche, diversifiée, et portant bien une voix autre qui apporte beaucoup à la langue française.

A la fin de cette lecture, j'avoue avoir regretté de ne pas avoir assisté à ces leçons qui, je pense, gagnaient encore à être entendues plus que lues.

Je remercie les éditions Grasset et NetGalley de m'avoir permis de découvrir cet ouvrage.
Lien : https://lartetletreblog.com/..
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Soyons clairs, j'ai adoré ce recueil de leçons exprimées au Collège de France.
Comme j'aimerai les entendre au delà de les lire.
Mes ressentis sont multiples.
Le colonialisme est un passé qui me sidère.
Même s'il a aussi été le fait de chefs de tribus autochtones et de la colonisation arabe... né en France (par hasard) ce passé est lourd à porter.
Suis-je coupable ? Bien sûr que non.
Pourrais-je aider les "africains-français".
Sûrement que oui, et d'abord en ne leur collant pas l'étiquette "africaine".
Ma grand-mère, bretonne, installée au pays Basque, traitait les espagnols d'envahisseurs.
Quand je lui ai fait remarqué que Bretagne/Pays Basque est plus long qu'Espagne/Pays Basque, elle a d'abord été choquée puis a admis l'idiotie de sa position.
Faut-il parler d'écrivains africains francophones ou simplement d'écrivains francophones ?
La francophonie n'est pas réservée à la France.
C'est une langue qui regroupe des peuples d'horizons divers et variés.
En tant que lecteur, l'écrit en français à plus de valeur que les traductions (car normalement plus proche de la pensée de l'auteur), mais qu'il soit Ch'ti, Gabonais, Ivorien, Cantalou ou Québécois, je m'en carre.
Oui, l'origine de l'auteur peut m'aider à comprendre son écrit (le contexte), mais toutes les origines entrent en jeu (fils de, aristo, prolo, de droite, de gauche, résident d'un pays francophone, immigré ou même émigré).
Mais ce n'est en aucun cas une échelle de valeur.
L'extrait de l'expérience de l'auteur, accusé d'esclavagiste par un afro-américain car il vient d'Afrique et n'est pas un descendant d'esclave, fait froid dans le dos.
Ce même clivage existe entre antillais et africains... quelle pitié !
Les "castes" (en fait leur mode de vie, agriculture versus élevage, castes non cloisonnées) hutu/tutsi qui ont conduit aux génocides, montre l'inhumanité congénitale de l'humain (non limitée à l'Afrique, souvenez-vous des Balkans), exacerbée par l'ancien colon Belge.
Au final, avec cette lecture, j'ai pris des claques, je suis passé du sentiment de pitié, de tristesse mais aussi d'espoir.
SVP, arrêtez de vous replier sur vous même.
L'humanité est notre bien commun, les atrocités et erreurs du passé doivent nous conduire à une fraternité apaisée.
Amitiés.
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Je connais relativement bien la période de la colonisation française d'une partie de l'Afrique au XIXème et XXème siècle d'un point de vue historique grâce à mes études, mais pas dans le domaine littéraire. Et c'est ce qui fait la force et l'intérêt de cet ouvrage : il évoque les rapports de domination entre colonisateurs et colonisés, puis entre l'ancienne puissance coloniale et les pays devenus indépendants en théorie, mais toujours très liés, notamment économiquement - et rarement libres du fait de l'importance des dictatures, sous l'angle de l'art, et plus particulièrement de la littérature. Car comment écrire, quand la langue est celle de la puissance dominante ? Est-ce un signe supplémentaire d'asservissement, ou un moyen de subversion, en retournant les armes du puissant contre lui ? Mais la langue est aussi un facteur d'identité, et l'écrivain peut se retrouver déchiré entre la beauté de la langue française - qui n'est plus seulement celle de Molière, mais celle de la francophonie, et sa langue maternelle. On sent toute l'influence des "post-colonial studies", dans cette réflexion sur les rapports entre dominants et dominés.
De très belles réflexions donc, où le "Je" à toute son importance puisque Alain Mabanckou part de son expérience personnelle de "Congaulois" comme il l'écrit lui-même.
Certes, tout n'est pas exploré et explicité en détail, le but n'est pas l'exhaustivité, au contraire, j'ai plutôt vu cette ouvrage comme une introduction à découvrir les oeuvres de Mabanckou que je ne connais pas, et surtout une incitation à lire de nombreux autres écrits, entre poésies, récits de voyage et d'exploration, récits de l'émancipation et de la conquête de l'indépendance, textes violents aussi sur les massacres et les souffrances, d'auteurs dont je connaissais le nom pour certains, et qu'en majorité j'ai découvert à cette occasion.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Mo objectif, formulé donc en toute indépendance, mariné dans mon for intérieur, avec la liberté que me confère l'Art, était clair et n'allait plus varier : combler un vide en posant un regard sur le parcours de ces littératures pour que puissent enfin résonner le nom d'écrivains majeurs reconnus ailleurs mais quasiment méconnus en France où ils ont pourtant été publiés dans la même langue et les mêmes maisons d'édition que leurs collègues français. L'angle de cette entreprise serait de démontrer comment le texte en français n'a pas qu'un seul centre de gravité, la France, qu'il est tentaculaire, avec une géographie dépassant le cadre étriqué du continent européen et couvrant de vastes espaces qui ne cessent de ravitailler le génie de l'imaginaire en français et de l'exporter à travers les cinq continents.
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Le monde est une addition, une multiplication, et non une soustraction ou une division
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Si je vous dit le Crédit a voyagé : à quel écrivain, qui connaissait bien l'Afrique, pensez-vous ? le voyage… au bout de la nuit… Mort… à crédit…
« Verre cassé », d'Alain Mabanckou, c'est à lire en poche chez Points Seuil.
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