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Pierre Nora (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070366897
416 pages
Gallimard (04/10/1975)
3.69/5   21 notes
Résumé :
" Le livre le plus intelligent écrit .sur la Russie par un étranger ", s'écriait Herzen en 1843. Par un paradoxe qui va très loin la postérité a fini par ratifier le jugement du grand ancêtre en exil de tous les contestataires russes de nos jours. Best-seller tombé dans l'oubli et redécouvert en U.R.S.S. par l'édition clandestine et en Occident au moment de la guerre froide, la Russie en 1839 a, si l'on veut comprendre celle d'aujourd'hui, la même importance que po... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Ce récit du marquis du Custine n'est pas passé inaperçu à sa sortie et a influencé les relations franco-russes du XIXeme siècle. Il partait pourtant avec un tout autre objectif : conservateur convaincu que la monarchie représentative était une hérésie, il partait chercher des arguments en faveur de l'autorité dans la Russie impériale. Il est revenu avec un recueil de critiques virulentes à l'encontre du régime et de ses conséquences sur la vie russe.


"Il est vrai, j'ai mal vu, mais j'ai bien deviné" répond-il aux critiques de son temps!

C'est là le plus étrange et déroutant phénomène de ce livre : si l'on en croit Pierre Nora, qui signe la préface, Custine n'a pas effectivement très bien vu la Russie du temps : influencé qu'il était par ses amitiés avec l'opposition impériale, ne quittant guère Saint-Pétersbourg et Moscou et s'approchant peu du peuple russe .
D'ailleurs sans être spécialiste, et même si la version que j'ai lue est expurgée de certaines longueurs, j'ai été amusée ou agacée par certains travers du marquis, comme par exemple sa fascination au début de l'ouvrage par les quelques mots échangés avec l'empereur dans lesquels il croit déceler une connivence et une sincérité qu'on peut imaginer politique ou ses digressions, son goût pour les commérages et ses commentaires qui prennent la place d'un récit parlant.
Mais l'homme de salon est un homme honnête, capable d'indignation et sensible à la condition humaine. Ce qu'il voit ne peut trouver grâce...

" Un homme, pour peu qu'il s'élève d'une ligne au-dessus de la tourbe, acquiert aussitôt le droit, bien plus, il contracte l'obligation de maltraiter d'autres hommes auxquels il est chargé de transmettre les coups qu'il reçoit d'en-haut ; quitte à chercher dans les maux qu'il inflige, des dédommagements à ceux qu'il subit. Ainsi descend d'étage en étage l'esprit d'iniquité jusque dans les fondements de cette malheureuse société qui ne subsiste que par la violence, mais une violence telle qu'elle force l'esclave à se mentir à lui-même pour remercier le tyran ; et de tant d'actes arbitraires dont se compose chaque existence particulière, naît ce qu'on appelle ici l'ordre public, c'est-à-dire une tranquillité morne, une paix effrayante, car elle tient de celle du tombeau ; les Russes sont fiers de ce calme. Tant qu'un homme n'a pas pris son parti de marcher à quatre pattes, il faut bien qu'il s'enorgueillisse de quelque chose, ne fût-ce que pour conserver son droit au titre de créature intelligente..." (page 269)

" A la vue de tant de souffrances inévitables, de tant de cruautés nécessaires, de tant de larmes non essuyées, de tant d'iniquités volontaires et involontaires, car ici l'injuste est dans l'air; devant le spectacle de ces calamités répandues non sur une famille, non sur une ville, mais sur une race , sur un peuple habitant le tiers du globe, l'âme éperdue est contrainte de se détourner de la terre, et de s'écrier : " C'est bien vrai, mon Dieu ! votre royaume n'est pas de ce monde."
.. le spectacle de cette société, dont tous les ressorts sont tendus comme la batterie d'une arme qu'on va tirer, me fait peur au point de me donner le vertige... " (page 270)


Voilà où réside l'étonnement : la Russie dépeinte par Custine ressemble tant à l'Urss de la guerre froide ; période où le livre connut une seconde jeunesse. Pour Pierre Nora, cette similitude est liée à l'aspect caricatural de la description de Custine : il a fait une caricature de la société de 1839 mais une peinture de la société de 1950... Troublant non ?
A mon sens, le moment où le trouble "temporel" est le plus grand est celui de la visite de la forteresse de Schlusselbourg, où était mort Ivan VI : difficultés à être autorisé à approcher, comportement des accompagnateurs entre valet déférent et garde chiourme accompli, esquivant les questions et trouvant en tout prétexte à l'écarter. Il ne pourra voir la cellule d'Ivan VI... : il a mal vu mais il a bien deviné ...
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Aristocrate raffiné, le marquis de Custine allait chercher dans la Russie de 1839 des arguments en faveur de l'absolutisme. Cinq mois à peine lui suffirent pour en rapporter un livre féroce et prémonitoire: sous les couleurs de la Russie de Nicolas 1er, cet homme intuitif nous donne à voir, déjà, celle de Staline et de ses successeurs.
Un grand classique.
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Nous restons influencés, souvent inconsciemment, par l'image de la Russie que nous a laissé Astolphe de Custine. Ses Lettres de Russie – d'aucuns y voient l'équivalent russe de la Démocratie en Amérique de Tocqueville – sont un portrait dressé par un esprit Mortemart. D'une plume acerbe, Custine diffère des stagiaires de l'esprit. Brillant, y compris jusque dans ses propres caricatures, l'auteur possède ce ressenti aristocratique qui le conduit à juger un système politique sur le double front des moeurs et des institutions. Il semble croire en cette alliance étroite entre la pensée et le style, entre la politique et l'esthétique.

Ses observations ne sont pas sans rappeler les critiques adressées encore aujourd'hui à la Russie, un pays que l'on se sent obligé de juger (plus que d'autres!) à l'aune de la modernité occidentale.
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Brillantissime. Quelle écriture, mais surtout quelle vision de la Russie. Pour qui connait l'histoire post 1839 et a connu l'URSS, quelle vision magistrale. Extrêmement critique, grinçant mais tout à fait réaliste, en seulement trois mois de séjour. Quand on pense à tous les crétins et à tous les mensonges écrits et publiés… La préface de P. Nora vaut pour elle-même la lecture. On donne raison à Herzen quand il dit que c'est “le meilleur ouvrage écrit sur la Russie par un étranger”.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Les Grecs couvrent les murs de leurs églises de peintures à fresque dans le style byzantin. Un étranger respecte d'abord ces images, parce qu'il les croit anciennes, mais quand il vient à s'apercevoir que telle est encore la manière des peintres russes d'aujourd'hui, sa vénération se change en un profond ennui. Les églises qui nous paraissent les plus vieilles, sont rebâties et coloriées d'hier: leurs madones, même le plus nouvellement peintes, ressemblent à celles qui furent apportées en Italie vers la fin du moyen âge pour y réveiller le goût de la peinture. Mais depuis lors, les Italiens ont marché, leur génie électrisé par l'esprit conquérant de l'Église romaine a compris et poursuivi le grand et le beau; il a produit dans tous les genres ce que le monde a vu de plus sublime en fait d'art. Pendant ce temps-là les Grecs du Bas-Empire, et après eux les Russes, continuaient de calquer fidèlement leurs vierges du VIIIe siècle.
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La tyrannie, c'est la maladie imaginaire des peuples ; le tyran déguisé en médecin leur a persuadé que la santé n'est pas l'état naturel de l'homme civilisé, et que plus le danger est grand, plus le remède doit être violent. C'est ainsi qu'il entretient le mal sous prétexte de le guérir.
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Video de Marquis de Custine (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Marquis de Custine
La Russie des Tsars : d'Ivan le Terrible à Vladimir Poutine de Emmanuel Hecht aux éditions Perrin
La Russie ? " Une autocratie tempérée par l'assassinat " selon la formule célèbre prêtée à Astolphe de Custine, auteur de " La Russie en 1839 ". Sauf que cet absolutisme perdure sous le communisme et que l'on en trouve plus que des traces dans l'actuelle Russie poutinienne. A l'inverse, chaque réformateur qui ne fait pas montre d'une poigne de fer échoue à l'instar de Gorbatchev ou de Boris Eltsine. D'où le titre de cet ouvrage collectif de prestige qui rassemble la crème des historiens et journalistes de l'Express. Il présente dans des textes enlevés, mais historiquement puisés aux meilleures sources, la personnalité et l'action des dix-huit chefs d'Etat emblématiques de la Russie et de l'URSS depuis Ivan le Terrible ? le bien nommé- jusqu'à Vladimir Poutine.
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