Une découverte épatante en fouinant hier dans une de mes librairies parisiennes préférées, La librairie Tschann : la réédition par les éditions
Fata Morgana d'un texte peu connu d'
Henry Miller en hommage à l'un des ses écrivains préférés et profondément admirés:
Blaise Cendrars.
J'ai dévoré ce texte incroyable en une nuit...prise par le tourbillon des mots de Miller. L'auteur sulfureux... que
Blaise Cendrars viendra visiter pour le féliciter de son "
Tropique du cancer"... est bien plus que cela pour Miller. Admiratif , épaté par le parcours aventureux de l'homme, de l'écrivain, sans omettre les talents de découvreur de
Cendrars, au fil de sa vie, de ses fonctions de directeur des éditions de la Sirène , de ses talents de traducteur…Miller éprouve une dette de reconnaissance à tout jamais pour cet écrivain qui rejoint tout ce qui lui tient à coeur dans l'existence : « tu n'as nullement besoin de mon aide, ni de l'aide de quiconque, d'ailleurs. C'est toi, en vivant comme tu fais, qui automatiquement nous aides ; nous tous, partout où des hommes vivent leur vie. Une fois encore, je te tire mon chapeau (…) A la fin de chacune de tes lettres, tu me tends ta « main amie ». Je saisis cette main gauche, chaude et vigoureuse et je la serre avec joie, avec gratitude et à mes lèvres montent les mots d'une reconnaissance qui n'aura pas de fin « (p. 76-77)
Henry Miller à l'extrême mérite de faire découvrir « son »
Cendrars, en dehors des chemins battus et des oeuvres trop connues… il met l'accent sur deux textes qui lui paraissent primordiaux : «
l'Homme foudroyé » et « Une nuit dans la forêt »…Il se sent remué, toujours bouleversé par la force de l'Homme , de son vécu extraordinaire, que
Cendrars transfigure par « ses mots »…son style unique.
J'ai rarement lu un hommage littéraire pareil, hors du commun, bouleversant, nourri d'amitié et d'admiration sans bornes d'un homme de lettres à un autre écrivain ,qui représente la quintessence de son « modèle d'homme et d'artiste»… Comme si la figure de
Cendrars avait accompagné comme un ange tutélaire l'existence de Henri Miller….. Les mots qui vont suivre montrent l'authenticité de cet hommage, largement lié « aux tripes »…et au parcours tumultueux de
Cendrars…
« Aucun écrivain ne m'a jamais fait plus insigne honneur que mon cher
Blaise Cendrars quand, peu après la publication du –
tropique du Cancer-, il frappa un jour à ma porte et me tendit la main de l'amitié (…) il m'arriva, en lisant
Cendrars- et la chose ne me ressemble guère- de poser son livre pour me tordre les mains de joie ou de désespoir, d'angoisse ou de fureur. (…)
Cendrars m'a mis knock-out. Et pas une seule fois, mais des quantités de fois. Je ne suis pourtant pas de ceux qui tendent les fesses aux coups de botte ! Oui, mon cher
Cendrars, tu as fait mieux que briser mes élans ; tu as stoppé pour moi le balancier du temps. Il m'a fallu des joies, des semaines, parfois des mois pour me remettre d'aplomb au sortir de mes bagarres avec toi » (p.40-41)
« Oui,
Cendrars est un explorateur, un infatigable « découvreur » des moeurs et des actions humaines. Si il y réussit, c'est parce qu'il se plante résolument en plein centre de la vie, et prend sa part, et joue son rôle parmi ses congénères. Quel merveilleux et consciencieux analyste ! Et pourtant avec quel mépris il repousserait l'idée d'être appelé un « étudiant ès vie » (…)
..mais ce qui , en fin de compte, l'intéresse vraiment, c'est l'alchimie des relations humaines. A cette inlassable enquête sur les transmutations, il doit le talent de révéler les hommes à eux-mêmes et au monde, d'exalter leurs vertus et de les réconcilier avec leurs erreurs et leurs faiblesses, d'enrichir le respect que nous éprouvons pour tout ce qui appartient essentiellement à l'homme, d'accroître enfin notre amour et notre compréhension du monde.
Cendrars est le type parfait du « reporter » parce que s'allient en lui les facultés du poète, du voyant et du prophète. Innovateur, initiateur, toujours prêt à rendre témoignage, il nous a appris à découvrir parmi nos contemporains les vrais pionniers, les vrais aventuriers, les vrais inventeurs. Je ne connais pas d'écrivain qui, plus que lui, ait su nous rendre cher « le bel aujourd'hui » (p.37-38)
C'est étrange et troublant… de constater combien certaines lectures arrivent à nous à un moment donné…et pas à un autre.
Cendrars est un « Monument » de la Littérature… que je n'ai jamais osé aborder jusqu'à aujourd'hui: Pourquoi ? Comment ? Mystère… Je suis convaincue que notre vécu, notre sensibilité nous dictent inconsciemment le moment propice …pour vraiment « entendre » et « lire » avec toute la disponibilité requise tel ou tel texte, tel ou tel auteur… Pour ma part , il aura fallu un grand nombre d'années et ce texte insensé (dans le « sens » « passionné à l'excès ») de Miller, pour avoir le véritable élan vers les écrits de
Cendrars
N.B/ ma note de lecture est déjà « abominablement bavarde »..J'ai omis de parler de la préface excellente de
Frédéric Jacques Temple « Vivre d'abord »….