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sur 685 notes
- On voulait incarner une troisième voie, montrer qu'une alternative au régime et à Daech était
possible.

Ahmad, Omar, Shadi, Hussam et les autres, jeunes syriens habitant l'enclave de Daraya ont cru à la révolution de 2011 contre le régime de Bachar al Assad.
Comme tant de gens dans tous les pays du monde, ils ont brandi des calicots, crié des slogans, manifesté leur mécontentement de façon pacifique et avec l'enthousiasme de leur âge. Ils voulaient défendre leur pays, leur terre, leur droit à la liberté. C'était une nécessité, au nom du respect et de la pluralité.
Mais on ne brave pas l'ordre établit par un dictateur et c'est dans le sang qu'ils ont été refoulés, muselés.
Sous le prétexte facile et fallacieux de lutter contre le terrorisme, la petite ville est assiégée, continuellement bombardée, contraignant hommes, femmes et enfants qui n'ont pas fui à vivre sous terre, dans les abris sombres et exigus.

Pour donner un sens à leur vie, à leur lutte, ils arpentent les décombres à la recherche de livres enfouis et créent une bibliothèque secrète dans le sous-sol de la ville.

- Dans ce sanctuaire encerclé par les ruines, ils démultiplient les références, explorent de nouvelles
idées, enrichissent chaque jour un peu plus leur bagage culturel comme autant de petites bougies
qu'ils allument pour trouver une porte de sortie dans la nuit. Une vie souterraine et clandestine, où le
silence imposé par en haut se mue en un cri de fureur et de courage.

Delphine Minoui, intriguée par une photo découverte par hasard sur Facebook, cherche à en savoir plus et entre tant bien que mal en contact avec ces jeunes rebelles via internet.
Ils lui parlent de leur combat pour la paix, pour la liberté mais aussi de la peur qui leur colle au corps jour et nuit.
Elle veut faire un ouvrage du récit de ces héros invisibles, leur ouvrage, celui de Daraya, qu'elle rêve de voir figurer dans la bibliothèque secrète.
Elle y raconte la fragilité de l'instant. Elle veut l'inscrire dans l'épaisseur du temps et la mémoire.
Mais Assad ne l'entend pas de cette oreille et menace l'enclave de destruction totale, forçant les derniers résistants à abandonner.
Car il ne se gêne pas, ce monstre, pour utiliser des armes pourtant interdites telles que le napalm.

- Nous espérons que la chaleur du napalm sur Daraya ne gâchera pas le beau temps des délégations
des Nations Unies à Damas ! ironise un de leurs slogans.

Les passeurs de livres de Darya est un document coup de poing qui devrait être lu par tout le monde.
Il remet l'église au milieu du village en ce qui concerne l'amalgame entre révolutionnaires pacifiques, obligés de prendre les armes pour se défendre du régime, et les terroristes islamistes profitant de la situation pour tenter de s'imposer par la violence aveugle.
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J'ai lu ce livre il y a déjà un mois. Que de temps passé avant de venir vous en parler ! Ce n'est pas que je ne trouve pas les mots. C'est que j'aurai souhaité vous en parler autrement. Impossible. Tout a déjà été dit. Ou presque...

Ce n'est pas que je n'ai pas envie d'aborder cette thématique si forte, de la littérature, de la lecture qui sauvent les hommes, de cette formidable entreprise qui consiste à construire une bibliothèque sous les bombes, avec les livres extraits des décombres, des flammes... Décrire à quel point, ce lieu de culture et de loisirs devient ici un lieu de survie, de résistance, une petite bulle protectrice où se poser pour reprendre pied, continuer la lutte, rêver à un pays libre et éclairé... jusqu'à devenir un symbole. Non, ce n'est pas cela.

C'est que j'aimerai évoquer Shadi, Ahmad, Omar, Hussam, les femmes de Daraya et tous les autres qu'on nous présentent la plupart du temps comme des terroristes vivants dans l'obscurantisme et dont la seule motivation serait de détruire le régime de Bachar-al-Assad pour instaurer une gouvernance religieuse et intolérante. Ces dangereux rebelles qu'il faut à tout prix écraser dans un conflit qu'on évoque le plus souvent uniquement comme une guerre contre le terrorisme.

Delphine Minoui évoque de front cette question avec Ahmad :

"La question djihadiste me taraude. A Damas, la télévision pro-régime Al-Dounia ne cesse de proférer la même rengaine : Daraya est un nid de terroristes. Il faut les éliminer. En découdre pour de bon. le mensonge d'Etat, fidèle à la fabrication d'un récit officiel, ne fait aucun doute. Je souhaite pourtant en avoir le coeur net : la banlieue de Daraya héberge-t-elle, oui ou non, des terroristes islamistes, fussent-ils en minorité ?"

La réponse d'Ahmad est honnête et lucide. Si la jeunesse s'est laissée séduire dans un premier temps par cette idée de "l'islam comme étendard, une façon de dire non à un régime castrateur", elle a pour la plupart vite découvert le vrai visage sous le drapeau noir : les attentats-suicides, la terreur imposée dans les territoires tombés sous leur contrôle, l'assassinat de combattants de l'Armée syrienne libre, ...

Dans les passeurs de livres de Daraya, je ne les ai pas trouvés, ces djihadistes ivres de Dieu. J'ai découvert de jeunes hommes qui se battent, pas seulement "contre", mais pour :

- pour le droit de s'exprimer et de vivre autrement ;
- pour la liberté - celle de penser, de dire, d'apprendre, lire et enseigner autre chose que ce qui est convenu et étiqueté politiquement acceptable par le système ;
- pour l'instauration d'une démocratie et donc pour une révolution - politique, culturelle, sociale... ;
- vivre autrement, puis vivre tout court ;
- ...

Je ne suis pas en train de vous dire que Daraya est pure de tout terroriste islamiste. Je vous fais partager cette découverte bouleversante de ces jeunes en lutte, de ces 47 femmes signant cette missive collective : cri de détresse lancé à la face du monde occidental qui s'en fout, noyé dans ses propres préoccupations et qui regarde tout cela de bien loin...

JE regardai tout cela de bien loin. Maintenant, je ressens les choses autrement. J'essaie de ne pas tomber dans la pensée unique, de ne pas laisser ce voile de l'esprit tomber devant mes yeux pour enfin essayer de penser différemment ce conflit. Daraya n'est qu'à une dizaine de kilomètres de Damas, la Syrie, aux portes de la Turquie où vit Delphine Minoui - quelle femme et quelle journaliste ! Qu'il serait salutaire qu'on donne à de telles personnes la parole plus souvent, autrement que brièvement sur la 5 ou Arte. Si vous ne devez lire que quelques pages des passeurs de livres, lisez les pages 92 à 95. Elles touchent au coeur, à un essentiel. Je les publierai sur mon blog. Plus qu'une citation, ce sera un extrait. Tant pis. Je ne force personne à le lire.

Ce leitmotiv de Bachar-al-Assad - "Moi ou le Chaos" -, je ne veux plus le voir comme la moins mauvaise des solutions à ce conflit. Je veux le voir comme ce qu'il est réellement : une carte blanche laissée au tyran pour anéantir tout ce qui s'oppose à lui. Fût-ce son propre peuple...

"De Daraya, ce sont ces images-là que je veux conserver en mémoire, a-t-il insisté. Celle d'un groupe uni, soudé. D'une envie commune de construire l'avenir. de défendre de nouvelles idées. Nous ne faisions qu'un. Une ambiance de solidarité, de camaraderie. Une expérience unique qui aurait pu servir de modèle à d'autres villes. Daraya, ce n'est pas seulement un lieu, c'est un esprit."
Lien : https://page39web.wordpress...
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J'ai beau dire et j'ai beau faire, plus je lis et plus je ne peux que me rendre à cette frustrante évidence : j'accumule toujours plus de retard dans mes lectures.
Pour certaines ce retard se compte en mois mais pour d'autres il peut avoisiner les sept, huit, parfois dix ans !

J'ajoute que le drame syrien initié par les protestations criminellement réprimées de quelques jeunes à Daraa au mois de mars 2011m'a fait d'emblée adhérer au Collectif pour une Syrie Libre et Démocratique, collectif créé par Bernard Schalscha, au sein duquel se sont retrouvés des personnalités et des anonymes, et chacun pendant des années a oeuvré avec ses moyens pour maintenir le cordon ombilical entre la barbarie d'Assad, de Daesch, de l'EI, des Russes, de la Turquie et de l'Iran et le monde dit civilisé auquel la France est censée appartenir.
Car outre l'aide humanitaire ; nous avons fait notre possible et de notre mieux. Rien n'est pire que l'oubli et l'indifférence. Là, ni l'UE, ni Hollande, ni Obama ( surtout pas Obama... la Syrie restera une tache couleur de sang à l'odeur de sarin sur sa présidence ) ne nous ont été d'un grand secours.
Quant à Poutine, il a fait ce qu'il sait faire de mieux, il a massacré, bombardé, torturé, rasé en toute impunité ; la lâcheté occidentale a fermé les yeux sur les atrocités commises par le mass killer du Kremlin...

J'ai lu, il n'y a pas très longtemps, - Va où l'humanité te porte - un bouquin touchant de Raphaël Pitti, grand médecin français rompu à la médecine de guerre, qui s'est rendu clandestinement plusieurs fois en Syrie pour soigner, pour former des médecins et des secouristes à cette médecine de "catastrophe"... ( À présent, à 72 ans... il fait la même chose pour l'Ukraine...) ; ce livre, je vous en ai parlé et vous l'ai recommandé.
J'ai lu - le fil de nos vies brisées - de Cécile Hennion ( je vous en ai parlé et vous l'ai recommandé )... un livre e témoignages déchirant.
J'ai lu - L'apiculteur d'Alep - ( je vous en ai parlé et vous l'ai recommandé )... un roman très touchant de Christy Lefteri...
Et puis, il y a de cela plus longtemps, j'ai lu - La coquille - Prisonnier politique en Syrie -, un livre témoignage extrêmement fort de Mustafa Khalifé, livre référence, livre dont il est beaucoup question dans celui de Delphine Minoui.

Pourquoi ai-je attendu si longtemps avant de lire ce livre indispensable de cette grande journaliste reconnue, primée ( Prix Albert Londres 2006 ) sur ces jeunes gens encerclés dans la ville martyre de Daraya qui, malgré les barils d'explosifs ( pas loin de 10 000 avant la capitulation ), les attaques chimiques au gaz sarin, la famine, l'insalubrité, la maladie et la mort, ont exhumé des décombres tous les livres qu'ils pouvaient sauver, ont créé une bibliothèque souterraine, répertoriant, classant, identifiant, numérotant ces " armes d'instruction massive ", les faisant circuler comme le pied de nez suprême de la rébellion, de la liberté et de la civilisation face à l'obscurantisme sanguinaire de leurs bourreaux ?
Je l'ignore et quelque part m'en veux...

Delphine Minoui, devenue avec sa fillette de quatre ans Stambouliote, découvre sur les RS l'existence de la page " Human Rights " sur laquelle de jeunes Syriens témoignent à travers surtout des photographies, de ce qu'ils vivent au quotidien dans leur pays.
Sur cette page, elle apprend l'existence d'une bibliothèque clandestine à Daraya.
Intriguée, elle cherche à en savoir plus et grâce à ses recherches sur Skype va finir par entrer en contact avec quelques-uns de ces " passeurs de livres " tels Ahmad, Shadi, Hussam, Omar ...
Intéressée par cette " expérience " unique, elle va solliciter leur accord afin d'en écrire un livre, obtenir cet accord et nouer des liens de proximité, en dépit de la distance, avec ces jeunes résistants... une résistance comme une " allégorie : celle du refus absolu de toute forme de domination politique, culturelle ou religieuse."
À la bibliothèque secrète s'ajoute une agora où cette jeunesse se réunit et débat de tout... Un exemple d'un de ces débats : " L'islam politique est-il soluble dans la démocratie ?"
On échange sur ses lectures, on lit à voix haute certains passages...
Des cours sont dispensés à ceux que le régime et la guerre ont privé d'école et d'instruction ; des cours de langue ( l'anglais essentiellement ), des cours de philo etc
Entre 2015 et 2016 ( année de la reddition, de la chute de Daraya ), Delphine Minoui va garder, via Skype et Whatsapp, le contact avec ces passeurs dont les trois grandes figures sont Ahmad ( son principal interlocuteur ), Ustez, le professeur et mentor des plus jeunes ( il a trente-cinq ans ) et Shadi le vidéaste si précieux...
" Ahmad est l'un des cofondateurs de cette agora souterraine. À travers les mailles d'une mauvaise connexion internet, unique lucarne sur le monde extérieur, il me raconte sa ville dévastée, les maisons en ruine, le feu et la poussière, et dans tout ce fracas les milliers d'ouvrages sauvés des décombres et rassemblés dans ce refuge de papier auquel tous les habitants ont accès. Des heures durant, il évoque en détail ce projet de sauvetage du patrimoine culturel, né sur les cendres d'une cité insoumise. Puis il me parle des bombardements incessants. Des ventres qui se vident. Des soupes de feuilles pour conjurer la faim. Et de toutes ces lectures effrénées pour se nourrir l'esprit. Face aux bombes, la bibliothèque est leur forteresse dérobée. Les livres, leurs armes d'instruction massive."

2015 et 2016, années lourdes de souffrances, de morts et de deuil.
Pour la France avec Charlie, le Bataclan et la Promenade des Anglais à Nice.
En turquie, le 12 janvier 2016 un attentat fait 13 morts et de nombreux blessés, le 28 janvier, l'attentat-suicide à l'aéroport Atatürk tue 45 personnes, le 13 novembre n autre attentat fait 6 morts et 81 blessés... Delphine Minoui était sur les lieux avec sa fille au moment de l'attaque...
Les jeunes de Daraya s'inquiètent pour Delphine et font preuve de solidarité à l'égard des victimes des " fous de Dieu " comme en témoignent les mots touchants de l'auteure :
" Ahmad vit sous une pluie de bombes. Il a perdu tant d'amis, n'a pas vu sa famille depuis quatre ans. À Daraya, son quotidien est une montagne d'urgences. Il a pourtant pris le temps de rédiger ce message, de partager sa compassion.
Un terroriste ne s'excuse pas.
Un terroriste ne pleure pas les morts.
Un terroriste ne cite pas - Amélie Poulain- et Victor Hugo ."
Daraya était bien un bastion Syrien de la liberté et de la tolérance.

Les passeurs de livres de Daraya - est un livre et un témoignage précieux pour L Histoire. Il montre et démontre que cette révolution pacifique, qui aurait voulu le rester, a été contrainte de prendre les armes pour survivre aux forces du Néant. Il prouve que cette jeunesse n'était animée que par l'envie légitime de tout être humain de pouvoir vivre libre, heureuse et en paix, choisir sa vie et le système censé la représenter.
Nous savions.
Delphine Minoui nous met le nez sur l'évidence : nous savions que nous savions et nous n'avons rien fait.

Un livre surprenant, fort, attachant, touchant, culpabilisant, indispensable.


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Au cours du siège de la ville de Daraya, en Syrie, entre 2012 et 2016, quelques hommes ont tenté de maintenir un semblant de vie intellectuelle et culturelle.
Entre les bombardements au baril d'explosifs, les attaques au gaz chimique et le manque cruel de nourriture, ces hommes ont résisté face à la barbarie. Ils ont fait ce qui leur était interdit auparavant. Ils ont ouvert des livres, les ont feuilletés, lus, étiquetés, empruntés, prêtés, relus...
De jeunes révolutionnaires syriens ont collecté des milliers d'ouvrages ensevelis sous les décombres, sous les gravats accumulés des destructions d'habitations. Ils ont pris le soin de noter le nom du propriétaire, les ont ensuite rassemblés en un même lieu. Ainsi, est née la bibliothèque, cachée dans un sous-sol d'un immeuble, bien à l'abri du monde extérieur assailli par les bombes.
Dans cet antre, ces hommes ont aménagé des étagères, classé les ouvrages, prévu un espace détente, un espace où la parole puisse s'exprimer librement. Des hommes se sont improvisés professeur, diffusant leurs savoirs.
C'est devenu très rapidement une fenêtre grande ouverte sur le monde extérieur, un lieu de rassemblement, d'échange, de vie au milieu du chaos.

Delphine Minoui, journaliste et spécialiste du Moyen-Orient, est l'auteure de ce récit, bouleversant témoignage des atrocités du dictateur syrien et en même temps une porte ouverte vers la liberté à travers ses passeurs de livres. Au cours de ses échanges, elle a tenté de maintenir un lien souvent fragile en raison des liaisons Internet difficiles avec ces quelques hommes via les réseaux sociaux.

Tout au long de cette lecture, j'ai vibré, patienté, je m'inquiétais du sort réservé de chaque témoignant.
J'avais envie de crier : "Vive les livres, vive la liberté. Arrêtez tout ce massacre, et prenez conscience qu'il y a bien mieux à faire que d'oppresser un peuple pour la simple prétention de détenir le pouvoir".

J'ai découvert ce livre via un post de Raphaël de Casabianca, et depuis je n'avais de cesse de vouloir le découvrir. Je vous invite à mon tour à en prendre connaissance.
Un hymne à la liberté, à la tolérance. Vive les livres!
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» Une arme d'instruction massive « François Busnel, » La Grande Librairie « , France 5
C'est un livre que je convoitais depuis sa sortie en 2017 car j'avais l'intime conviction qu'il serait une étape décisive dans ma vie de lectrice passionnée. Il est LE livre auquel j'attribue mon premier 5/5, celui qui est parfait, tant par son fond que par sa forme. À sa lecture j'ai trouvé tout ce que j'attendais de la littérature contemporaine, et bien plus encore… Après son immense succès aux éditions du Seuil en 2017, il est publié en 2018 au format poche aux éditions du Points. » Les passeurs de livres de Daraya, une bibliothèque secrète en Syrie « est le témoignage bouleversant de la journaliste et auteure Delphine Minoui.
Delphine Minoui est grand reporter au Figaro et spécialiste du Moyen-Orient. Lauréate du prix Albert-Londres en 2006 pour ses reportages en Iran et en Irak, elle sillonne le monde arabo-musulman depuis vingt ans.
Ce récit décrit avec réalité et émotion la puissance des livres dans un monde qui s'effondre.
Tout commence par une photo publiée sur Facebook par » Humans of Syria », que découvre par hasard Delphine Minoui. Cette photo représente un groupe de jeunes, entourés de murs entiers de livres, dans les vestiges d'un immeuble au coeur de Daraya. Daraya cette banlieue rebelle de Damas, un des berceaux du soulèvement pacifique de 2011, encerclée et bombardée depuis 2012 par les forces de Bachar al-Assad.
p. 11 : » Daraya, la rebelle. Daraya, l'assiégée. Daraya, l'affamée. «
Sa conscience journalistique l'incite à rechercher son auteur. Ahmad Moudjahed a 23 ans et est un des cofondateurs de cette agora souterraine. C'est via les réseaux sociaux que Delphine Minoui obtient une première connexion avec lui. Réservé dans un premier temps, Ahmad s'ouvre petit à petit et répond aux questions de la journaliste, par webcam interposée, intriguée de découvrir qu'au coeur des bombardements et de cet état de siège, un groupe de jeunes résistants lutte par les livres.
p. 12 : » Ce projet de sauvetage de patrimoine culturel est né sur les cendres d'une cité insoumise […] Face aux bombes, la bibliothèque est leur forteresse dérobée. Les livres, leurs armes d'instruction massive. «
À première vue, cette initiative peut paraître dérisoire au coeur de l'enclave syrienne.
p. 17 : » À quoi bon sauver les livres quand on n'arrive pas à sauver des vies ? «
Et si les oeuvres « 1984 » et « Fahrenheit 451 » des écrivains George Orwell et Ray Bradbury n'étaient finalement que des romans prémonitoires…
» Brûler pour effacer. Brûler pour déshumaniser. «
La journaliste ne peut faire la connaissance de Abou el-Ezz, le directeur de la bibliothèque, âgé lui aussi de 23 ans. Blessé lors d'une attaque du régime, il est hospitalisé. Ces jeunes ont interrompu des études prometteuses au moment de la révolution de 2011. Mais tous ont la certitude que lire est un acte de transgression nécessaire face à un régime castrateur.
p. 20 : » Ils s'accrochent aux livres comme on s'accroche à la vie. Portés par leur soif de culture, ils sont les discrets artisans d'un idéal démocratique. «
À mille cinq cent kilomètre de là, la journaliste se rend tous les samedis matins à l'Institut français d'Istanbul en Turquie, où elle vit, avec sa fille de 4 ans. C'est l'heure du conte, et elles ne rateraient pour rien au monde ce moment de douce complicité. Même si au même moment, elle ne peut s'empêcher de penser à Ahmad et à ses compagnons.
p. 43 : » le 21 août 2013, Daraya a été victime d'un bombardement à l'arme chimique. «
Ce n'est pas Ahmad qui se présente devant la caméra ce jour-là, mais Omar, un jeune membre de la brigade du front sud de l'Armée syrienne libre. Perplexe, Delphine Menoui l'interroge sur ses motivations à fréquenter assidûment la bibliothèque secrète, alors qu'il combat par la même le régime par les armes.
p. 50 : » Il croit aux livres, il croit en la magie des mots, il croit aux bienfaits de l'écrit, ce pansement de l'âme, cette mystérieuse alchimie qui fait qu'on s'évade dans un temps immobile, suspendu. «
Ils ont moins de 25 ans, mais tous ont acquis une maturité hors norme depuis le début du siège de Daraya. le régime met une telle pugnacité à faire de cette ville de la ceinture damascène un laboratoire de la terreur ! Et de l'autre côté, le Front al-Nostra – affilié à Al-Qaïda – ne cesse ses actes de terrorisme, tout en tentant d'embrigader cette jeunesse.
p. 57 : » Une autre forme d'urbicide, mais dans une version religieuse. Cette volonté perverse de transformer les villes et les hommes pour en faire les otages d'une pensée unique… «
Malgré les bombardements quotidiens, les blessures, la faim, la peur, rien n'altère ni leur conviction, ni leur résistance. En s'inspirant de leurs lectures, ils construisent un avenir.
p. 57 : » Les livres nous ont sauvés. C'est notre meilleure bouclier contre l'obscurantisme. «
Par ce récit, Delphine Minoui se veut le témoin de la situation dramatique de la Syrie, et plus particulièrement de la ville de Daraya. C'est l'histoire bouleversante de héros invisibles, qui vouent une foi incommensurable au pouvoir des livres, dans l'indifférence totale des pays occidentaux. Ce livre est une leçon de résistance et de non-violence. C'est avec une immense émotion que j'ai parcouru ces pages. Un mélange paradoxal de responsabilités et d'espoir. Ce qui est certain, c'est que ce livre marque à jamais, pour ne pas oublier, ne pas LES oublier. Merci à Delphine Minoui pour ce cadeau.
Lien : https://missbook85.wordpress..
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Si je pouvais mettre six étoiles à ce livre, je l'aurai fait !
C'est l'histoire vraie et émouvante (mais ce mot n'est pas assez fort) de jeunes gens qui entretiennent une bibliothèque souterraine durant le siège de la ville de Daraya, en Syrie.
Ces livres les ont sauvés, en quelque sorte (mais pas tous, hélas !). Avec ces lectures variées, classiques ou surprenantes (cf. le succès des ouvrages de développement personnel) ils ont réussi à survivre moralement, sans céder ni au désespoir ni à l'extrémisme religieux, à un enfermement atroce de quatre ans.
Quelle belle leçon de courage nous donnent Shadi, Omar, Usez, Ahmad et les autres par l'intermédiaire de l'autrice, journaliste de grand talent, connaissant bien le Moyen-Orient, qui correspond avec eux par messagerie. J'ai tremblé comme elle lorsqu'elle n'avait pas de nouvelles et soupiré lorsqu'enfin la liaison était rétablie.
Ce témoignage ne peut que toucher les amoureux des livres, les pacifistes et toute personne un tant soit peu sensible.
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Un récit poignant, lu d'une traite. L'auteur, Delphine Minoui, grand reporter, s'est lancée dans un reportage peu ordinaire et un récit étonnant. En 2015, elle découvre sur Facebook sur une photo légendée «une bibliothèque secrète à Daraya». Daraya, c'est une ville de la banlieue de Damas, l'un des berceaux du printemps syrien pacifique, une ville assiégée depuis 2012 par les forces de Bachar-al-Assad. Elle n'a de cesse de connaître l'histoire de cette photo et de cette bibliothèque. Elle retrouve la trace d'un de ses fondateurs, Ahmad, via des contacts Skype et WhatsApp et de très fluctuantes connexion internet. Elle a envie de faire un reportage sur cette improbable bibliothèque, mais impossible de se rendre sur place. Elle décide alors de recueillir des témoignages, sur sa fondation, sur son fonctionnement, sur ses lecteurs. Et, sujet oblige, d'en faire un livre ! Delphine Minoui livre un témoignage bouleversant sur la vie quotidienne dans cette ville assiégée, sur le rôle de la lecture et des livres (alors que la plupart n'étaient pas de grands lecteurs et qu'il n'y avait auparavant pas de bibliothèque à Daraya). le lecteur a vraiment l'impression de faire connaissance avec ces jeunes Syriens. Les témoignages sur le siège de la ville et sur les livres sont bien équilibrés, avec de petites respirations salutaires quand elle évoque brièvement son quotidien personnel, en particulier avec sa petite fille qu'elle emmène à l'heure du conte à l'Institut français d'Istanbul (encore le monde des livres). Elle nous communique avec une grande sensibilité la soif de culture, de liberté et de démocratie de ces jeunes qui ont tout perdu sauf l'espoir. Un très beau témoignage sur le rôle et la puissance des livres, et peut-être aussi, si on est d'humeur optimiste, un message d'espoir.
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Ce récit est une belle parenthèse d'espoir dans un monde en guerre. Malheureusement, nous en connaissons tous la chute…

Le sujet affiché « Des passeurs de livres » n'est qu'un prétexte pour nous plonger au coeur du siège de Daraya et partager le quotidien de ces « combattants » de la liberté. Leurs armes : les livres, la connaissance, le témoignage…

Ce livre, écrit comme une enquête journalistique (l'auteur est journaliste), se lit tout seul, même s'il nous rappelle l'horreur de cette guerre qui se déroule à la porte de notre pays.
Il nous conte l'histoires de jeunes gens courageux qui aiment leur pays, la Syrie, et qui rêvent (ce rêve se réalisera-t-il un jour ?) de démocratie et de paix.

C'est une lecture intéressante.
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Waou... Ce livre doit être lu, par les lycéens qui passent le bac, par les étudiants, par ceux qui ont connu la guerre, par nous tous par souci de vérité, de mémoire, d'humanité. Cest presque un devoir de citoyen.
Je me sens terriblement émue. Merci à l'auteur d'avoir entrepris un tel projet, davoir été là pour eux et de nous partager leur vérité. J'ai beaucoup appris, j'ai changé ma vision du monde. Je reste abasourdie devant la force inouïe de ces jeunes combattants. Ils sont comme nous, ils nous ressemblent, cela aurait pu etre nous... le monde nous cache bcp de choses et nous ment, comme le démontre si bien ce court roman. Alors cette lecture fut une sacrée claque et je le vous recommande à tous, à toi qui lis cette critique.

Un roman poignant, dur de vérité, magnifique.

Bravo Delphine Minoui et merci.
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Dans l'enclave de Daraya coincée entre les bombes de Bachar et les drapeaux noirs des djihadistes résistent de jeunes mercenaires de la paix, amoureux des livres.

' Si ils ne peuvent soigner les plaies, ils ont le pouvoir d'apaiser les blessures de la tête. '

Oubliés des Nations Unies, agonisant dans la ville assiégée, gaz sarin, attaque de l'hopital au napalm, partir ou mourir, témoignages  recueillis via internet par la journaliste Delphine Minoui basée à Istambul.
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