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EAN : 9782760935211
448 pages
BABEL/LIVRE DE POCHE. (01/05/2015)
4.32/5   1116 notes
Résumé :
Lorsqu’il découvre le meurtre de sa femme, Wahhch Debch est tétanisé : il doit à tout prix savoir qui a fait « ça », et qui donc si ce n’est pas lui ? Éperonné par sa douleur, il se lance dans une irrémissible chasse à l’homme en suivant l’odeur sacrée, millénaire et animale du sang versé. Seul et abandonné par l’espérance, il s’embarque dans une furieuse odyssée à travers l’Amérique, territoire de toutes les violences et de toutes les beautés. Les mémoires infernal... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (209) Voir plus Ajouter une critique
4,32

sur 1116 notes
Wahhch Debch, canadien d'origine libanaise, découvre sa femme enceinte assassinée, atrocement torturée. Poussé par une nécessité intérieure qu'il ne comprend pas forcément, il décide de partir à la recherche du tueur. Les premières pistes l'emmènent dans une réserve indienne dans laquelle les autorités n'ont pas droit de cité. Mais plus qu'une chasse à l'homme, c'est une plongée dans sa propre histoire qui attend Wahhch.


C'est un roman étrange que signe le Québécois d'origine libanaise Wajdi Mouawad ! le trait le plus étrange, et le plus significatif, est bien sûr que l'histoire nous est racontée au travers du regard d'animaux, grosses et petites bêtes, qui croisent la route de notre héros, qui cherche au fond la vérité de sa propre histoire. Seule la quatrième et dernière partie, qui est également la plus courte, nous est contée par un "homo sapiens sapiens" (bien que, dans le roman, la plupart de ceux qui se tiennent sur deux pattes ne méritent pas vraiment le qualificatif de "sage" !!). La violence dans Anima est omniprésente, les actes des hommes sont souvent insoutenables. C'est le regard animal qui donne au lecteur le détachement suffisant pour avancer dans l'histoire. Si les animaux suivent Wahhch, c'est parce qu'ils reconnaissent en lui une part d'eux-mêmes ; certains l'aideront, d'autres seront aidés, d'autres enfin retourneront simplement à l'activité qui est celle de leur race. Ce qui est étrange également dans ce roman, qui saute aux yeux, c'est que l'humanité et la bestialité ne sont pas souvent du côté où on pourrait/devrait les attendre.

S'il faut un peu de temps pour s'habituer aux changements de perspectives liés à la gente animale qui prend parole lors du chapitre (ne maitrisant pas les noms latins, j'ai eu le plaisir de découvrir dans le texte à quelle espèce appartenait le narrateur d'un temps), le livre devient vite difficile à lâcher : envoutant, hypnotisant, repoussant, à la limite du supportable parfois, on s'acharne à suivre notre héros malmené dont on ne fait que deviner les états d'âmes et les raisons qui le poussent à suivre sa quête. Nous, nous poursuivons, dans l'espoir d'un peu de lumière, d'un peu de paix, d'un moment de rédemption, pour lui, pour l'humanité qu'il décrit. Mais Anima est résolument un roman noir d'une très grande force, et le mieux que son auteur semble proposer, c'est regarder en face ce que l'on est, être en accord avec soi-même (quel qu'en soit le prix!), et croiser la route d'un Mason Dixon Line.

Anima est une très belle découverte, noire, envoutante et originale. A réserver aux "âmes insensibles" !
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Emerveillement - exaspération - Emerveillement
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Très dur de parler d'un roman qui nous a fait passer par plusieurs états opposés.
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On part sur un roman noir (ne surtout pas s'attendre à un roman policier) : la femme de Wahhch Debch s'est faite tuer d'une façon aussi atroce qu'originale, laissant penser que, décidément, l'Homme soi-disant civilisé n'est rien de plus qu'un animal sauvage… Mais en réalité, l'Homme n'est-il pas plus sauvage que l'animal ? La noirceur de son âme se révèlera en effet plus barbare que celle de nos amis les bêtes. C'est le constat que nous ferons dès que Wahhch se lancera à la poursuite du meurtrier, grâce au mode de narration choisi par l'auteur qui fait toute l'originalité du récit. Car sa quête nous sera contée par…? Les animaux qui observent chaque scène ! En tentant de reconstituer les personnalités et actions des personnages pour avoir le fin mot de cette histoire, nous ne pourrons que comparer leur innocence et leur relative bienveillance envers l'humain, face à la violence gratuite que nous infligeons à notre propre espèce - et aux autres.
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Bien sûr, nous introduire dans les pensées supposées et imaginaires d'animaux bienveillants demeure un parti pris anthropomorphiste de l'auteur. C'est néanmoins assez réussi, à la fois apaisant et ludique : les chapitres portent le nom latin de l'animal qui raconte ; le narrateur animal change tout au long du livre selon quelle espèce assiste à chaque scène, allant de l'abeille au loup en passant par la chauve-souris, le chat, le corbeau, la fourmi, le cafard, ou même le singe etc… On peut s'amuser à deviner quelle espèce raconte rien qu'aux tics de langage ou aux indices d'attitudes ou de mouvements que l'auteur nous glisse dans son verbiage. J'ai par exemple souri au poisson qui oublie ce qu'il vient de vivre trois secondes plus tôt, au canari qui ne cesse de chanter, au corbeau qui lorgne sur le cadavre lors de l'enterrement etc… J'ai également adoré la pédagogie de chaque animal nous contant des scènes humaines avec, somme toute, une grande bienveillance alors même qu'il ne saisit pas tout. J'ai même eu un coup de foudre pour le passage avec les chauves-souris dans la grotte, tout à fait incroyable.
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L'auteur met une belle sensibilité dans ces récits. Ces moments, que j'ai failli qualifier de bourrés d'humanité alors que le compliment serait peut-être plutôt de les dire bourrés d'animalité, vont délicatement parvenir à faire passer au second plan les horreurs qui sont commises par les hommes ou, du moins, à les atténuer par la perception de chaque animal qui ne va pas focaliser sur l'horreur mais décrire tout ce qui l'entoure et constitue chaque scène. C'est à la fois un point positif, parce que ça rend ce roman lisible même aux plus sensibles ; Mais en même temps, c'est peut-être à cause de cela que le roman ne m'a pas toujours passionnée. L'action est lente, atténuée, comme ouatée par le prisme de chaque animal et la fragmentation du récit, qui font qu'on n'est jamais pris dans la tension d'une seule personne qui subit tout et nous ferait tout ressentir : à chaque chapitre on repart où l'animal précédent s'était arrêté, avec un nouveau narrateur frais et dispo qui ne subira pas toute l'horreur, mais un bout seulement, et n'est que l'intermédiaire des sensations du personnage, dont il nous protège en faisant écran. Je trouve que ça épargne le lecteur, mais est-ce que ça ne l'épargne pas un peu trop ?
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Le personnage principal n'est pas désagréable, et son humanité nous paraît d'autant plus palpable qu'elle est décrite à chaque scène sous la perception d'un animal différent. Certains d'entre eux sentent parfaitement l'animal blessé en lui, ce qui peut laisser le doute planer habilement quant à son innocence ou non concernant les faits survenus. Mais il ne transperce pas totalement la vitrine derrière laquelle le place la narration, même si nous avons opportunément parfois son propre ressenti lors des dialogues rapportés, et que nous apprenons à l'apprécier à travers les bêtes qui nous le décrivent plus ou moins tendrement. Alors, quand il retrouve le meurtrier et que l'histoire continue quand même, j'ai ressenti une vraie grande lassitude et l'envie de fermer le livre. Vous savez, comme la lecture de Chaos me l'avait fait. Je me suis dit : On sait qui a tué, on sait ce qu'il est devenu, on ne sait pas pourquoi il a choisi cette victime mais visiblement on ne le saura pas et Wahhch a ce qu'il voulait… Alors vers quoi et où repart-on ? Et j'avoue, dans ce moment de décrochage découragé, j'ai lu en diagonale les passages sur les reconstitutions de guerre, qui prouvent encore une fois la folie des hommes, puis cette histoire d'exposition de photo miraculeuse. J'ai vraiment cru en avoir fini avec le plaisir de lecture et cette histoire. J'avais la sensation que l'auteur voulait raconter trop d'histoires en une, traiter trop de sujets (même s'ils sont tous absolument liés), y rajouter trop de symboles. Overdose ?
Pour ne rien arranger, détail mais qui peut avoir son importance : une partie de l'intrigue se déroulant au Canada, les personnages parlent aussi bien anglais que français dans les dialogues. Certes, c'est de l'anglais basique, mais il y en a pas mal alors si vous n'y pipez mot, ce qui n'était heureusement pas mon cas, ça risque de devenir plus ennuyeux.
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Et puis d'un coup voilà, la fin est de nouveau très bien racontée par le chien, intense mais douce, émouvante, très symbolique. Et je recolle à l'ensemble, les morceaux bougent et se réassemblent pour former un tout plus harmonieux que prévu. Les révélations finales font exploser la bulle dans laquelle nous avait confortablement placés l'auteur et nous achève en nous plongeant dans l'horreur la plus totale. Ames sensibles, vous êtes prévenues.
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Bref, malgré des coups de mou dans cette lecture, et des péripéties finales qui m'ont parues plutôt hasardeuses sur le moment, je le note relativement bien car, finalement, j'en garde un bon souvenir même si ce n'est pas le coup de coeur que j'attendais à la lecture de mon amie Brooklyn. Il me laisse dans le coeur une infinie tendresse bienfaisante. Merci pour cette jolie découverte que je n'aurais pas faite sans toi, l'histoire d'une quête qui en cache finalement une autre, moins évidente, plus profondément enfouie, mais tout aussi salutaire !
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Comment parler d'un tel monument. J'ai pris un coup de poing dans l'âme à le lire.
De retour à la maison, Wahhch retrouve sa femme morte, poignardée, la dépouille profanée d'une ignoble façon et c'est un doux euphémisme. Fou de douleur, Wahhch part à la recherche de son meurtrier, non pour le tuer mais pour le voir et être certain qu'il n'était pas, lui-même, le monstre. « Cet homme-là, si cela avait pu dépendre de sa volonté, aurait préféré confier sa raison à la démence au lieu d'être mesuré dans sa douleur comme il l'était » raconte le grand corbeau
Les animaux seront les grands témoins de cette fuite en avant et, tout à tour, se relaieront pour raconter l'histoire. Cette figure de style, ces voix hors champ servent de soupape de décompression tant, à certains moments, le livre côtoie l'insoutenable.

Dans les premier et second actes, le titre des chapitres, en latin, est celui de l'animal témoin. Nous croiserons toute une gente ailée, des insectes, des animaux domestiques, sauvages, nocturnes…. Au 3ème, les titres sont ceux des villes traversées ou celles qui sont importantes pour son histoire. Ces villes ont des consonances connues : Oran, Jerusalem, Thebes, Cairo… Il y a là une inversion car c'est un dialogue à deux voix, celle de Wahhch et celle du canis lupus lupus, ce loup devenu chien, qui l'a sauvé d'une mort certaine et de l'enfer. En effet, il va retrouver les témoins de sa prime enfance. Il y a un parallèle entre son sauvetage par le loup-chien et ce qui a déterminé le reste de sa vie.
Dans ce livre, nous passons de la guerre de sécession au martyr de Sabra et Chatila, des réserves indiennes à la Palestine, au Liban. Il faudra à Wahhch Debch traverser les Etats-Unis pour découvrir ce qui le hante, pour fermer les vannes des souvenirs, des questions et, surtout, comprendre. Il y trouvera des êtres immondes et violents, mais également des personnages qui le feront avancer, qui le soutiendront physiquement et moralement.

Wahhch Debch est parti à la recherche de son Anima. Il y a sûrement perdu une partie de son âme, mais il a trouvé la vérité. La route de cette vérité se termine à Animas, petit village au sud du Nouveau-Mexique pour mieux repartir vers d'autres territoires.

A certains moments, je ne pouvais plus quitter ce livre et, à d'autres, un ressort me sortait de ma chaise longue tant il fallait que je marche pour digérer ce que je venais de lire.

C'est vraiment une belle oeuvre. « le fleuve glissait dans son vêtement de khôl, la glace en plaques cadenassait sa puissance. Il était dans sa lenteur et nous dans sa fraîcheur » nous dit le goéland poète. Des phrases belles comme celle-ci, il y en a beaucoup dans ce livre que j'ai aimé car quelle écriture ! C'est un livre dur, quelque fois cruel mais jamais voyeur.

J'avais aimé sa pièce de théâtre « Rêves » jouée, entre autres, par Coline. Dans ce livre, il y a toujours l'urgence, la violence, la réalité, le surréalisme, le fait de passer par des « voix off », mais multiplié par 100 et une telle force dans l'écriture. Oui vraiment un gros coup de coeur.
Je ne suis pas certaine d'avoir réussi à vous parler convenablement de ce livre tant tout se bouscule en moi, mais je vous le recommande chaudement.

Lien : http://zazymut.over-blog.com..
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Madame la libraire de Bergerac, vous m'avez chaudement recommandé cet ouvrage et suggéré de vous faire connaître mon ressenti à sa lecture. Je le fais volontiers dans les pages de Babelio. Il me reste maintenant à ne pas trahir ma satisfaction, cette surprise d'avoir apprécié ce roman d'un genre qui n'est pas de ma prédilection.

Je n'ai en effet pas de passion pour le "gore". Je cherche donc encore les raisons qui m'ont poussé à aller au bout de ce road movie sanglant. Mais je vous l'affirme dans ces lignes, Anima fait partie de ceux qui ont rivé mes yeux sur leurs pages au point de mettre ma ponctualité en danger. Force m'est donc de confirmer votre encouragement et de l'applaudir de mes deux mains, ensanglantées, au moment de reposer ce roman sur son rayonnage. Oui, j'ai beaucoup aimé.

Wahhch Debch, son héros, est parti sur les traces de l'assassin de sa femme. Pas pour se venger. Pour le regarder dans les yeux. Pour comprendre. Mettre un visage humain sur la sauvagerie. Une forme d'exorcisme. Tuer est un acte qui doit répondre à une loi occulte. Mais la sauvagerie, trouve-t-elle une justification quelque part ? Il n'y aura que le regard pour le dire.

Sur son chemin les animaux l'observent. Ce sont eux les narrateurs de son parcours en quête d'apaisement. Ils racontent le monde des hommes tel qu'ils le voient. Sans jugement. Des perceptions seulement, selon le sens le plus développé de l'un ou de l'autre. L'odorat avant tout. Il identifie sans faille et décode même les intentions. L'odeur, du sang, des humeurs, des vapeurs artificielles dont s'ennuage l'espèce humaine. La vue, des gestes du prédateur. Les cris, ceux de la victime. Le goût, qu'ils n'ont si peu, parait-il. Le toucher, des matières, la caresse parfois, les coups plus souvent, la déchirure des griffes et mandibules. Et puis ce sixième sens que n'a pas l'homme, la perception du danger. L'intuition.

Point de sagesse, point de sottise chez les animaux. Point d'étonnement ou de contentement. Sur le parcours de qui cherche l'assassin de sa femme, ils observent cet autre animal dont on vante la supériorité de l'intelligence. Et pourtant, ce bipède avide de toujours plus, pétri d'orgueil et de cupidité, si poltron devant la mort, convoite, jalouse, s'arroge des pouvoirs, condamne. De quel droit, quand ce n'est pas pour survivre ?

Le procédé narratif donne à cet ouvrage son originalité. Son "origénialité" me permettrais-je de dire si j'avais le pouvoir d'inventer des mots. De ce procédé narratif, on en tire la conclusion qu'aucune bête au monde, même quand elle se repaît des entrailles de sa proie, ne rivalisera avec la trivialité et la bassesse humaines. Les animaux, qu'ils soient chat, chien, mouche, corbeau, mais aussi blatte ou araignée, souris et tant d'autres encore qui nous racontent le passage de Wahhch Debch dans leur champ de perception nous disent tous que l'horreur est humaine. La vérité quant à elle est animale. Car dénuée de préjugés, de haine. Relisons au passage le monde vu par le poisson rouge dans son bocal. Mémoire de poisson rouge. C'est du vrai talent. C'est avec cette approche de la nature humaine que l'on mesure le génie de ce procédé narratif si original.

Pourquoi l'ai-je donc lu jusqu'au bout cet ouvrage ? Pourquoi m'a-t-il collé aux doigts ? Pas à cause de l'hémoglobine. Car au final j'ai perçu que l'intention n'est pas dans le sordide. C'est un artifice. L'intention est ailleurs. Je l'ai lu jusqu'au bout sans doute parce qu'en qualité de membre d'une espèce capable d'amour, je me suis senti le devoir d'assumer aussi ses manifestations de haine. Peut-être aussi me suis-je dit qu'un monstre sommeille en tout homme et que l'amour que j'ai reçu dans ma vie l'a entretenu en moi dans son hibernation. Quelle chance. Mais plus surement l'ai-je lu jusqu'au bout parce que j'ai moi aussi la conviction qu'on guérit d'autant moins de son enfance lorsqu'elle a été baignée d'épouvante. Ou encore ai-je été fasciné qu'un auteur trouve les mots, le style pour traduire le glauque, le monstrueux, sans révulser son lecteur ?

Anima est un ouvrage certes dur, mais tellement atypique. Le dénouement est superbement amené. Ce roman témoigne d'un vrai talent. Ne vous laissez pas rebuter par le choc des scènes de violence. C'est la nature humaine. Laissez les animaux vous le raconter.

Homo erectus horribilis. Ça aussi je l'ai inventé. Mais ce pourrait être le titre du chapitre dédié à notre espèce.
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Anima comme animisme, des bêtes racontent la course d’un homme à la recherche de l’assassin de sa femme, chacune à leur manière qui est celle de leur espèce. Elles y mettent toute leur « âme » pour témoigner de la quête d’un homme ignorant qu’il poursuit sa vérité et la trouvera au bout du chemin.

Des animaux à qui il ne manque pas la parole, des bêtes meilleures que les hommes, la bestialité étant à mettre du côté des seconds et la sagesse au bénéfice des premiers, voilà les idées jugées originales servies par ce roman racoleur à la violence complaisante. Mais ce n’est après tout qu’un roman policier dont le plus grand défaut est de se prendre au sérieux.
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critiques presse (2)
Lexpress
05 novembre 2012
Anima est une réussite majeure parce que jamais la thèse n'écrase la fiction. On redoute le roman à clef, et c'est exactement l'inverse qui nous est offert : fluidité, limpidité, lumière crue jetée sur la part d'ombre de chacun.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Lexpress
28 août 2012
[…] L'action évolue de manière très subtile, et l'ensemble devient proprement fascinant et bouleversant - notamment dans une troisième partie, un peu différente, et dans l'épilogue, terriblement puissant.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (177) Voir plus Ajouter une citation
À quoi tu décides de tenir ? Et pourquoi ? Tu n'en sais rien. L'enfant, lui, tient à un morceau de tissu. C'est rien, mais il y tient. Un morceau de tissu, une chevelure, une peau. Une femme. Des yeux. Un regard. Une femme avec des mots et une façon de mettre tous ces mots-là ensemble. Une façon de se taire et d'hésiter puis de marcher, d'embrasser. Tu crois t'être habitué à la beauté de son visage, et puis, des années plus tard, en rentrant, ça te surprend. Dans le reflet du miroir, un profil en contre-jour et tout ressurgit comme au premier instant quand ça t'est apparu la première fois et que ton coeur a chaviré et s'est mis à battre et que tu ne voulais plus que la vie soit différente de ce qu'elle était à ce moment-là. À quoi tu tiens et à quoi tu décides de tenir et ce que tu perds à la fraction de seconde où tu la perds. Je l'aimais. Elle était libre, brillante. Elle était belle, elle était drôle. Je l'aimais.
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Il y a des êtres qui nous touchent plus que d'autres, sans doute parce que, sans que nous le sachions nous-mêmes, ils portent en eux une partie de ce qui nous manque.
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[...] Tu entends ma voix ? Je le répète : tu peux me faire trancher les bras, les jambes, la tête, faire jeter tout ça en pâture aux chiens, aux oiseaux, me brûler, me noyer, me donner à manger au boa dans sa cage, tu ne verras pas chez moi l'ombre d'un regret ni l'ombre d'une peur.
Il s'était levé. Mille sensations m'ont traversé. Moi j'aurais voulu le regarder et l'entendre parler sans relâche, sans que quiconque ne songe à l'interrompre, tant la déflagration de sa voix, dans la musculature de son corps, enflammait ma mémoire. La colère ! la rage !la peine ! le chagrin ! Voilà que, sans prévenir, s'éveillait la douleur d'avoir été arraché, il y a longtemps, à l'insatiable liberté de mes jungles et de leurs ciels, lorsque, sautant entre les branches, dévorant des espaces de plus en plus vertigineux, je voyais la virginité du monde se déployer sous mes yeux dans sa bouleversante enfance. Toutes les nuances du vert des vies sages et sauvages, où sont-elles ? Où sont-elles ? Voilà qu'un homme, sans me les rendre, me ramenait à elles parce que sa voix, sa parole, qu'aucune hésitation ne perturbait et qu'une même folie habitait, devenaient miennes. Cet homme parlait pour moi qui ne savais pas parler : ses sons étaient mes sons, sa voix était ma voix et sa langue, dépliée comme jamais, faisait vibrer ma raison en lui ouvrant la fenêtre du souvenir.
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C'était l'heure du thé, mais le thé, vert ou noir, qu'il soit au gingembre ou à la menthe, m'indispose. Je préfère le Coca-Cola light. La sensation gazéifié de cette boisson m'étonnera toujours. J'aime sa couleur rubis, sa légèreté, sa fraicheur et son gout caramélisé. J'aime en particulier cet instant où, affleurant par magie au milieu des glaçons, sa mousse brunâtre se met à pétiller à mesure que le liquide se déverse dans le verre jusqu'à en atteindre le rebord sans déborder pour autant à l'extérieur. Le thé n'a pas autant de talent, c'est une boisson prudente et austère qui exige un cérémonial où la température de l'eau et le temps requis pour une juste infusion ne peuvent souffrir la moindre approximation. Si la diversité des teintes et des parfums en émeuvent plus d'un, pour ma part elle me laisse indifférent. Son heure, seule, me ravit.
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Nous, les chiens, percevons les émanations colorées que les corps des vivants produisent lorsqu'ils sont en proie à une violente émotion. Souvent, les humains s'auréolent du vert de la peur ou du jaune du chagrin et quelquefois de teintes plus rares : le safran du bonheur ou le turquoise des extases. celui-là, fatigué, épuisé, englouti par l'opacité opaline du chemin, exhale, depuis le centre de son dos, le noir de jais, couleur de la dérive et des naufrages, apanage des natures incapables de se départir de leur mémoire et de leur passé.
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Videos de Wajdi Mouawad (45) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Wajdi Mouawad
Wadji Mouawad est dramaturge, romancier, metteur en scène, Grand prix du théâtre de l'Académie française et il dirige actuellement le Théâtre national de la Colline depuis 2016. Cet homme d'origine libanaise est venu donner son point de vue sur la question "Que faire de notre héritage culturel?". "On a semé en moi la graine de la détestation, qui consistait au fond à détester tout ce qui n'était pas de mon camp et mon clan", a expliqué Wadji Mouawad, qui a grandi au Liban pendant la guerre civile, dans une "culture de la détestation". Aujourd'hui, il a choisi de réfléchir à la manière dont son héritage personnel l'encombre dans la situation que nous vivons actuellement, et notamment le conflit israélo-palestinien, et plus particulièrement depuis les attentats du 7 octobre 2023. Selon lui, il n'est pas possible d'être neutre du fait de notre héritage. Après ce constat, il en vient à se poser la question suivante : "Est-ce que notre héritage ne devient pas un obstacle à notre capacité à l'empathie?".
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