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Voici sans doute l'un des romans les plus stupéfiants que j'ai lu. Originalité du sujet et beauté du style sont les deux qualités que je veux d'abord retenir. Et je vais être franche : n'attendez pas ici une lecture pépère ! Nous sommes bombardées de sensations, d'informations, de descriptions. Et pour cause : le narrateur est un drone "vivant", qui tourne autour de la terre et se gave de ce qu'il écoute et voit. Il s'appelle Jérusalem ( référence, j'imagine, à la Jérusalem céleste ??), et il nous narre son histoire, qui croise la grande Histoire. Je ne vais pas résumer ce roman, je n'aime pas ça. Disons que vous y découvrirez les portraits saisissants de plusieurs de ses possesseurs, civils ou militaires. Que vous voyagerez dans l'espace et le temps actuels (guerres au Moyen-Orient notamment, Inde, Asie), mais que vous découvrirez aussi des récits du passé très peu connus en France. Car c'est l'une des autres forces de cet ouvrage : nous faire découvrir une autre Histoire. Dans celle-ci, à l'origine, ce n'est pas le meurtre du père qui la déclenche, mais celle de la Mère, la Déesse mère, au profit du Dieu patriarcal, le nôtre. Ce n'est pas une thèse je vous rassure mais un étrange roman, depuis le "meurtre des déesses" comme le dit Jérusalem, jusqu'à maintenant, et j'avoue que c'est franchement éclairant, quand on pense à cette situation des femmes. La chute commence avec la nôtre, la destruction de la vie débute avec notre fragilisation dans la société, notre rôle secondaire. On croise des personnages réels, des universitaires américains dont les travaux archéologiques ont porté sur cette déesse autrefois dominante et aujourd'hui déchue. Comment se fait-il qu'en France, nous n'ayons que des informations partielles sur cette affaire ? Notre féminisme me semble un peu pauvre d'un coup, et pas très curieux ! Voilà, je vous en dis assez peu, mais il y a aussi, et surtout, de superbes passages sur mille choses : Venise (Les façades succédaient aux quais, qui succédaient aux canaux, où s'agençait la mer. Façades hautes, rectangulaires, verticales entre des rues maigres, leurs surfaces rongées d'arcades, de chapiteaux, de linteaux creusant des mondes de bêtes, de madones et de christs tétant leur sein, de fenêtres aux vitres cannelées, avec la pupille du souffleur en guise de cible.) la pluie (La pluie glisse derrière la vitre, imprimant d'innombrables petites virgules sur le verre entre lesquelles s'incrustent tous les mots du paysage.) Voilà, c'est un roman d'une densité exceptionnelle qui restera dans ma bibliothèque, et qui fera partie des livres que je relirai encore.
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