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EAN : 9782070302468
213 pages
Gallimard (20/01/1967)
3.97/5   132 notes
Résumé :
Éloges (1911) :
- Images à Crusoé (1909)
- Écrit sur la porte (1910)
- Pour fêter une enfance (1910)
- Éloges (1911)
La Gloire des Rois (1948) :
- Récitation à l'éloge d'une Reine (1910)
- Histoire du Régent (1911)
- Amitié du Prince (1924)
- Chanson du Présomptif (1924)
- Berceuse (1945)
Anabase (1924) :
Exil (1945) :
- Exil (1942)
- Pluies (1944)
- Neiges (... >Voir plus
Que lire après ÉlogesVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (14) Voir plus Ajouter une critique
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La poésie de Saint-John Perse est sons, couleurs et eau qui coule, comme elle est rythmes et vibrations. Il faudrait lire ou relire cette poésie comme on ne l'a jamais fait, à haute voix, pour en percevoir toute la musicalité. Faire de cette lecture une expérience poétique et sensorielle.

Saint-John Perse a commencé à écrire très tôt et ce recueil de Poésie Gallimard s'ouvre sur des textes composés alors qu'il n'a que 17 ans. Sa jeunesse ne l'empêche cependant pas de vouloir, immédiatement, trouver sa propre voix. Et en effet, cette poésie qui se déroule en longs flots ininterrompus est unique dans le paysage poétique contemporain.  Saint-John Perse use de répétitions ( "J'avais, j'avais ce goût de vivre"), procédé que l'on emploie plutôt dans la chanson et fait revenir certaines phrases dans le texte, tels des refrains entêtants. Il faut lire et dire le texte d'une traite pour ressentir l'enivrement, presque la transe, que procure cette poésie. Et que dire du plaisir que procurent les mots lorsqu'ils sont en bouche. Des mots gourmands comme "fabuleuse", "prodige", "merveilles" et des mots légers comme "engoulevent" qui font immédiatement rêver. le génie de Saint-John Perse est de savoir si bien les accoler pour qu'ils se magnifient les uns les autres, tel un peintre qui choisirait ses couleurs. Ainsi, ce sont parfois de véritables tableaux qui surgissent sous nos yeux, particulièrement dans "Neiges", tiré du recueil "Exil", écrit en 1944.

Passionné du verbe, Saint-John Perse le fut assurément, lui qui écrivait "Voici que j'ai dessein d'errer parmi les plus vieilles couches du langage, parmi les plus hautes tranches phonétiques: jusqu'à des langues très lointaines, jusqu'à des langues très entières et très parcimonieuses..."
En effet, chez ce poète, tout est voyage, y compris dans le temps et ce sont bien des récits de légende que nous lisons, sorte de chanson de geste des temps modernes, inclassable et surtout indémodable.
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ELOGES

Je me suis donné pour objectif cette année de relire de la poésie, genre que j'avais abandonné sur les bancs de l'école, avec deux souvenirs agréables et pourtant bien différents: Hugo avec Demain dès l'aube et Aragon avec Les yeux d'Elsa.

Difficile pour moi de faire une critique de la poésie, et encore plus de celle du XXème siècle. Là où la poésie des siècles précédents s'enserrait de règles destinées à créer la magie dans la contrainte, les poètes modernes s'affranchissent du carcan des pieds, vers et rimes, recherchant par d'autres biais la musicalité, le biais pour toucher le lecteur ou pour exprimer les émotions. La poésie est donc affaire tellement intime, savoir si elle éveille en nous des images, pas forcément celles que l'auteur souhaiterait mais celles qui sont enfouies en nous.

Tout en comprenant le sens général du recueil (nostalgie, retour sur l'enfance, éloge de la nature en opposition à la civilisation), je ne me suis pas senti emporté par la poésie de Saint-John Perse. J'y ai même parfois été gêné par les images de l'ancien monde des maîtres ravis non seulement de ce que la nature leur offrait, mais aussi des soins prodigués par leurs servants (leurs esclaves ?).

Les poèmes en référence à Crusoe sont ceux qui m'ont le plus emporté avec la reprise nostalgique de plusieurs des éléments du récit, repris après le passage du temps et la perte de tout le charme que l'aventure leur avait apporté.

Mon édition comportant d'autre recueils de l'auteur, je tenterais peut-être l'expérience avec un d'eux, et j'ajouterais alors mes impressions à la suite ici.
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Un recueil composite, qui intègre plusieurs oeuvres, les premières de l'auteur. Éloges, qui donne son titre au volume de Gallimard, comprend des textes publiés en revue au début du XXe siècle. L'ensemble de ces textes semble se référer à l'enfance, passée en Guadeloupe, résonne du souvenir de Crusoé, lui aussi attaché à une île. Une sorte de monde idéal, rêvé, émerge, mais un monde perdu.

La gloire des rois est publié en tant que recueil en 1945, les textes qui le composent ont été écrits entre 1907 et 1924. L'ordre définitif (le sens ?) n'est établi par l'auteur qu'en 1972.

Il annonce le recueil Anabase, considéré comme essentiel dans l'oeuvre de Saint-John Perse. Ce dernier est publié en 1924, c'est le premier pour lequel l'auteur utilise le nom Saint-John Perse qui deviendra célèbre. le titre fait référence au texte de Xénophon, qui raconte les aventures d'un corps expéditionnaire grec, les Dix-Mille, qui reviennent de Perse après la mort de Cyrus le Jeune au service duquel ils combattaient. C'est une expédition héroïque légendaire, un voyage initiatique. Il n'est pas facile de voir le lien précis avec le texte de Saint-John Perse, d'ailleurs les analyses et tentatives de lecture en sont aussi nombreuses que contradictoires.

Le livre se clôt parle cycle Exil, écrit au USA entre 1941 et 1943. L'auteur s'y est réfugié pendant le seconde guerre mondiale, il doit abandonner sa carrière de diplomate, il est déchu de sa nationalité française par le régime de Vichy et ses biens sont confisqués. Il se remet à l'écriture dans ces conditions douloureuses, il restera une quinzaine d'années aux USA.

J'ai essayé de restituer un peu ces poèmes dans leur contexte, pour tenter peut-être de trouver une clé d'entrée pour pénétrer ces textes. J'avoue avoir eu beaucoup de mal à les lire, à être portée par leur musique. Cela ne me touche pas vraiment. Je ne suis pas contre une poésie cérébrale, mais celle-ci me reste hermétique pour l'instant. le côté très disparate de ce recueil ne m'a sans doute pas aidé à trouver un rythme. Une autre tentative peut-être.
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Dans le Coran, Dieu a dit : "Et Il apprit à Adam tous les noms". Saint-John Perse a tenté de revenir à ce moment fatidique qui précède la descente sur terre, pour célébrer tous les Noms, embrasser tout l'univers dans sa poésie.

Dans la poésie persienne, (ici quatre exemples : "Eloges", "La Gloire des rois", "Anabase" et "Exil") apparaît l'étendue de son dessein cosmique, la véritable tâche du Poète, celui qui aspire à inventer une langue nouvelle, lui qui dit : "j'ai dessein d'errer parmi les plus vieilles couches du langage, parmi les plus hautes tranches phonétiques" labourant "la terre arable du songe" pour créer une réalité mythique et un merveilleux épique, cherchant à faire "un grand poème né de rien". Saint-John Perse trouve dans tout lieu fade un goût de la grandeur. Tout l'univers est présent dans cette poésie. Tout trouve une signification, même la chose la plus insignifiante ; rien ne se perd tout se transforme en beauté exquise, car pour ce poète "toute chose au monde [lui] est nouvelle"! Lui qui chante la beauté de l'enfance, regarde le monde d'un oeil curieux d'enfant. Dans un rythme vivant, orchestré de versets sublimes, chaque mot est choisi avec une exactitude encyclopédique.

Cet Albatros, vaste oiseau des mers, a été un poète précoce (à 17 ans, il écrit son premier poème "Images à Crusoé").
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La poésie de de Saint John Perse, en particulier ce recueil, est d'un accès complexe de prime abord, de par ces compositions poétiques sibyllines, utilisant la forme du verset, parfois avec une longueur déroutante en se rapprochant de la prose presque classique. Néanmoins, les paragraphes se modulant selon la volonté de l'auteur, ce recueil offre dans sa première partie : éloges, une poésie de la réminiscence de l'enfance du poète, sous les cieux ensoleillés et tropicaux de sa terre natale, la Guadeloupe. Souvenirs égrenés au son d'une prosodie dithyrambique, sur l'amour, la beauté, la nature, la famille, l'art de vivre antillais, terre de douceur, de merveilles, où l'auteur fait revivre un esprit colonial d'antan, mais sans jamais de mépris racial ou social pour ses compatriotes iliens. Au contraire, il exalte dans ses versets une tendresse infinie pour les petites mains qui gravitent et s'occupent de faire vivre cet univers de la bourgeoisie créole, participant au bonheur de ce paradigme idyllique.
La suite du recueil, que ce soit la Gloire des rois, Anabase et exils, marquent une rupture très nette avec le début de l'oeuvre, orientant la poésie de l'auteur vers des horizons de voyages, empreints d'histoires, de lyrisme presque épique, combiné avec une recherche intérieure sur la vocation du poète et son appréhension globale de l'humanité et de l'existence. Dans la dernière partie : exils, l'auteur évoque son départ obligé d'Europe et de la France à cause de la Seconde Guerre mondiale et de ses choix politiques. Douloureux moment, exprimant encore d'une façon de plus en plus quintessenciée, son cheminement personnel compliqué, ce ressenti exacerbé de solitude en tant que poète face au monde et ce besoin impérieux, d'en déchiffrer la signification existentielle et poétique. La poésie de Saint John Perse reste mystérieuse, alambiquée, tellement elle est intime dans son entendement profond, cependant, c'est peut-être pour cette raison, qu'on lui décernera en 1960 le prix Nobel de littérature.
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Citations et extraits (52) Voir plus Ajouter une citation
C'est le soir sur ton Ile et à l'entour, ici et là, partout où s'arrondit le vase sans défaut de la mer ; c'est le soir couleur de paupières, sur les chemins tissés du ciel et de la mer.
Tout est salé, tout est visqueux et lourd comme la vie des plasmes.
L'oiseau se berce dans sa plume, sous un rêve huileux ; le fruit creux, sourd d'insectes, tombe dans l'eau des criques, fouillant son bruit.
L'île s'endort au cirque des eaux vastes, lavée des courants chauds et des laitances grasses, dans la fréquentation des vases somptueuses.
Sous les palétuviers qui la propagent, des poissons lents parmi la boue ont délivré des bulles avec leur tête plate ; et d'autres qui sont lents, tâchés comme des reptiles, veillent. - Les vases sont fécondées - Entends claquer les bêtes creuses dans leurs coques - Il y a sur un morceau de ciel vert une fumée hâtive qui est le vol emmêlé des moustiques - Les criquets sous les feuilles s'appellent doucement - Et d'autres bêtes qui sont douces, attentives au soir, chantent un chant plus pur que l'annonce des pluies : c'est la déglutition de deux perles gonflant leur gosier jaune...
Vagissement des eaux tournantes et lumineuses !
Corolles, bouches des moires : le deuil qui point et s'épanouit ! Ce sont de grandes fleurs mouvantes en voyage, des fleurs vivantes à jamais, et qui ne cesseront de croître par le monde...
Ô la couleur des brises circulant sur les eaux calmes,
les palmes des palmiers qui bougent !
Et pas un aboiement lointain de chien qui signifie la hutte ; qui signifie la hutte et la fumée du soir et les trois pierres noires sous l'odeur de piment.
Mais les chauves-souris découpent le soir mol à petits cris.
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Exil, IV
     
...
Et quand se fut parmi les sables essorée la substance pâle de ce jour,
De beaux fragments d’histoire en dérive, sur des pales d’hélices, dans le ciel plein d’erreurs et d’errantes prémisses, se mirent à virer pour le délice du scoliaste.
Et qui donc était là qui s’en fut sur son aile ?
Et qui donc, cette nuit, a sur ma lèvre d’étranger pris encore malgré moi l’usage de ce chant ?
Renverse, ô scribe, sur la table des grèves, du revers de ton style la cire empreinte du mot vain.
Les eaux du large laveront, les eaux du large sur nos tables, les plus beaux chiffres de l’année.
     

     
Ainsi va toute chair au cilice du sel, le fruit de cendre de nos veilles, la rose naine de vos sables, et l’épouse nocturne avant l’aurore reconduite...
Ah toute chose vaine au van de la mémoire, ah ! toute chose insane aux fifres de l’exil : le pur nautile des eaux libres, le pur mobile de nos songes,
Et les poèmes de la nuit avant l’aurore répudiés, l’aile fossile prise au piège des grandes vêpres d’ambre jaune…
Et les poèmes nés d’hier, ah ! Les poèmes nés un soir à la fourche de l’éclair, il en est comme de la cendre au lait des femmes, trace infime…
Et de toute chose ailée dont vous n’avez usage, me composant un pur langage sans office,
Voici que j’ai dessein encore d’un grand poème délébile...
     
pp. 151-152
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... Or ces eaux calmes sont de lait
et tout ce qui s'épanche aux solitudes molles
du matin.
Le pont lavé, avant le jour, d'une eau
pareille en songe au mélange de l'aube, fait une
belle relation du ciel. Et l'enfance adorable du
jour, par la treille des tentes roulées, descend à
même ma chanson.

Enfance, mon amour, n'était-ce que cela?...

Enfance, mon amour... ce double anneau de
l'œil et l'aisance d'aimer...
Il fait si calme et puis si tiède,
il fait si continuel aussi,
qu'il est étrange d'être là, mêlé des mains à
la facilité du jour...

[...]

(extrait de "Éloges") - p.47
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À présent laissez-moi, je vais seul.
Je sortirai, car j'ai affaire: un insecte m'attend pour traiter. Je me fais joie du gros œil à facettes: anguleux, imprévu, gros comme le fruit du cyprès.
Ou bien j'ai une alliance avec les pierres veinées-bleu : et vous me laissez également, assis, dans l'amitié de mes genoux.

1908.
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          À présent laissez-moi…


     À présent laissez-moi, je vais seul.
     Je sortirai, car j'ai affaire : un insecte m'attend
pour traiter. Je me fais joie
     du gros œil à facettes : anguleux, imprévu, comme
le fruit du cyprès.
     Ou bien j'ai une alliance avec les pierres veinées-
bleu : er vous me laissez également,
     assis, dans l'amitié de mes genoux.
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