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Yves di Manno (Éditeur scientifique)
EAN : 9782080681706
978 pages
Flammarion (29/01/2002)
4.15/5   30 notes
Résumé :
Ce flot de textes, de références à des hommes ou à des événements, de longs développements sur des considérations économiques et dynastiques, ces échappées magnifiques sur les mythes et les récits historiques résistent fortement à toute tentative d'ordre. C'est un courant symphonique incessant : le dispositif est avant tout celui que lui impose le flux mental des images et des obsessions de Pound. C'est la langue en action, d'un seul homme. La polyphonie universelle... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
"I have tried to write Paradise
Do not move
Let the wind speak
that is paradise
Let the Gods forgive what I
have made
Let those I love try to forgive
What I have made."

Je pense à toi, sombre ombre d'Ezra Pound. Où te trouves-tu, maintenant ? Dans l'Enfer de Dante, faisant un tour de hula hoop (la barbe et les cheveux dans le vent glacial) avec chacun de ses "cercles" ? Dans le Purgatoire (car tes convictions n'étaient pas toujours irréprochables), ou t'as enfin atteint ton Paradis ?
Pas facile, de parler de tes "Cantos" - c'est une hydre poétique - on coupe une tête, et d'autres repoussent aussitôt... et si on te demande les explications, tu ris et tu nous envoies au diable...

Ce qui est un savant fou à la science, Pound l'est à la poésie moderne. Il a consacré la moitié de sa vie à la rédaction des "Cantos", sans jamais pouvoir les achever vraiment. Son but ?
Une partie de l'histoire du monde est déjà symboliquement représentée par la "Divine comédie" de Dante. Tout ce qui manque va se trouver, donc, dans les "Cantos" - circa 120 "chants" (à l'instar de Dante); les histoires plus ou moins unifiées, les observations, mémoires, exhortations, rêveries...
Et je crois aussi que c'est destiné à être lu à voix haute - pour toute la peine qu'il s'est donné à reprendre la métrique anglo-saxonne, provençale; les auteurs "classiques". Pour le "clash des consonances" des langues (anglais, français, italien, latin, grec, chinois...).

C'est monumental. C'est brillant !
C'est un salmigondis décourageant et incompréhensible !

Mais Pound était spécial. Extrêmement érudit, tout en minimisant l'érudition. En lamentation constante sur l'insuffisance culturelle, notamment en Amérique. Sympathisant avec les futuristes italiens et Mussolini. Souffrant de troubles bi-polaires; enfermé pour haute trahison et libéré pour "manque de jugeote", pour ainsi dire.
Son influence est immense. Eliot, Yeats, W.C. Williams, Joyce, Hemingway - en passant par la "beat generation" - pour aboutir dans le folk de Dylan, et peut-être aussi dans le rock et le punk contestataire dans "USURA".

Mais si on veut vraiment rentrer dans ce "ramassis" ("ragbag", comme il disait lui-même), il faut peut-être devenir un peu Pound et accepter une sorte de folie...

Comment définir l'ensemble aussi hétéroclite qui forment les "Cantos" ?
Imaginez une vieille maîtresse de travaux d'aiguille, qui a l'habitude de se consacrer au patchwork. Et un jour, elle se dit que tous les ouvrages qu'elle a fait, ou qu'elle a pu voir jusque là ne suffisent plus - trop plats, artistiquement étriqués, sans couleur, ou au contraire aux couleurs trop criardes - bref, sans portée et sans fondement.
Et une idée (folle ?) lui vient de créer, en quelque sorte, un ouvrage ABSOLU et UNIVERSEL, un summum de tout ce qui existe en la matière. le reflet de l'histoire du monde en patchwork...
Que faut-il pour se lancer dans une telle entreprise ?
Primo - beaucoup de connaissances. Pour le choix des tissus et pour ce que ce choix exprime. Des vieux chiffons récupérés dans les malles ferrées de monastères anglo-saxons, lavés et repassés. Les manches de chemises de troubadours provençaux. Les morceaux de brocart (pas si brillants que ça) datant de la renaissance italienne. Les petites chutes de lin écru, venant du fin fond des âges - peut-être même de la voile du bateau d'Ulysse. de la soie chinoise - sauvage où peignée ? Les deux !
Les morceaux abîmés, imbibés de sang ( et bien d'autres liquides corporels). Les mouchoirs, les pansements usagés, les tissus brodés...
Secundo - beaucoup de temps et de patience. Cousu ensemble des années durant, retravaillé sans cesse, pour aboutir enfin à un patchwork difficilement comparable aux autres.
Peu de gens s'arrêtent devant pour le contempler, mais ceux qui se donnent cette peine en ont le souffle coupé, et ils essayent désespérément de saisir le sens de tel-quel morceau.
Cousu d'un fil lâche, magnifique d'un côté; mais si on le retourne pour voir de près comment c'est fait, on tombe sur un monstrueux enchevêtrement de fils qui dépassent dans tous les sens. Et si on commence à tirer dessus, on en ressort tellement d'autres que cela peut nous occuper pour le reste de la vie !

A vrai dire, après un coup d'oeil rapide à la face cachée, je me suis contentée d'admirer le devant.
J'en ai saisi le message, je crois... mais pour aller plus en profondeur, le courage me manque. Face à Pound, je me sens....helpless.
J'ai passé une bonne partie d'hiver avec ce recueil...
....Summer is ycomen in
Loude sing I... goddam !
Je ne m'en sors pas indemne !



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C'est une entreprise de longue haleine que de lire les Cantos de Pound, qui sont l'oeuvre de sa vie. Même si je n'attends pas le dernier vers du dernier Canto pour écrire cela, je m'autorise du choc profond que m'ont fait leurs lectures hasardeuses et non-suivies au long des années, grâce à T.S. Eliott son ami. Le génie absolu du poète, l'extrême intérêt littéraire de la préface d'Yves di Manno à l'édition française, permettent de dire aux amateurs de Babelio que cette poésie est l'une des plus importantes et l'une des plus belles du XX°s. La remarque n'aurait aucun intérêt s'il ne fallait ajouter que cette poésie doit se lire et s'étudier non comme je l'ai fait jusqu'à présent, en butinant, mais par une étude comparable à celle qu'exigent les Solitudes ou les Sonnets de Gongora : le lecteur français ou espagnol n'arrive à l'éblouissement des poèmes qu'au bout d'un parcours ardu, comme celui de l'alpiniste qui finit par arriver au sommet de la montagne. (Il consulte la version française, la vérifie dans le texte espagnol, en lit les paraphrases et les analyses, cherche dans l'édition Castalia augmentée les commentaires, reconstruit le texte original etc - et tombe foudroyé) ... de même, le lecteur français qui sait de l'anglais, s'il veut bien lire Pound, a besoin pour son entreprise de trois livres en même temps : celui-ci, la traduction française ; évidemment, le texte anglais, si possible dans cette belle édition américaine cartonnée, au beau papier, aux belles impressions ("The Cantos of Ezra Pound", New Directions, New York) : l'âpre anglais de Pound résonnera à ses oreilles que le français charme encore un peu trop ; enfin, grâce à Carroll F. Terrell, "A companion to the Cantos of Ezra Pound", ouvrage de 800 pages où absolument tout, allusions, références, textes étrangers, idéogrammes chinois, vers d'italien médiéval, noms propres, etc, toute la matière première est recensée et éclaircie poème après poème, et expliquée. Puis, il relira le poème. Cette littérature, comme tout ce qui a de la vraie valeur, ne se livre pas d'emblée au coin de la rue : elle doit rendre modeste, studieux, obstiné, car ce qui attend le bon lecteur dépassera toutes ses espérances.
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Voilà que la littérature devient moderne. Nous crûmes trop longtemps les lettres et les poèmes expression d'un moi prétentieux et, il faut le dire, très inutile. Et voilà que Pound et toute la galaxie des objectivistes renie ce je, retourne ce je, pour faire venir la poésie du monde et restitué, de la plus neutre façon par la plume d'un auteur. C'est alors que vraiment le poète devient medium et non ces satanés vers idiots et tremblants d'un Musset très crétin
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Difficile de mettre des étoiles à tel texte comme si l'on notait une chambre d'hôtel ou un restau.
L'Odyssée, la Divine Comédie, les idéogrammes chinois, des siècles d'Histoire, tout cela ramassé dans des Chants au souffle épique.
Dans la même famille de T.S. Eliot (Pound l'a aidé à composer The Waste Land), voilà de la poésie qui se lit avec un mode d'emploi, tant les références littéraires, culturelles, historiques, affleurent à chaque vers. Pound est un peu le Joyce de la poésie du XXème siècle.
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Citations et extraits (57) Voir plus Ajouter une citation
The ant's a centaur in his dragon world,
Pull down thy vanity, it is not man
Made courage, or made order, or made grace
Pull down thy vanity, I say pull down.
Learn of the green world what can be thy place
In scaled invention of true artistry,
Pull down thy vanity,
Paquin pull down !
The green casque has outdone your elegance.

"Master thyself, then others shall thee beare"

Pull down thy vanity
Thou art a beaten dog beneath the hail,
A swollen magpie in a fitful sun,
Half black, half white
Nor knowst'ou wing from tail
Pull down thy vanity
How mean thy hates
Fostered in falsity
Pull down thy vanity
Rathe to destroy, niggard in charity
Pull down thy vanity
I say pull down.

(Canto LXXXI)
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Canto 46, version française p. 256
Aurum est commune sepulchrum. Usura, commune sepulchrum.
helandros kai eleptolis kai elarxe.
Hic Geryon est. Hic hyperusura.

CINQ millions de jeunes sans emploi.
QUATRE millions d'adultes analphabètes.
15 millions "mal orientés", autant dire nulle chance d'emploi
NEUF millions annuellement victimes d'accidents industriels évitables
Cent mille délits de violence. Etats/Eunis d'Amérique,
3° année règne de F. Roosevelt, signé F. Delano, son oncle.

Texte p. 234-235.
Aurum est commune sepulchrum. Usura, commune sepulchrum.
helandos kai eleptolis kai elarxe
Hic Geryon est. Hic hyperusura.

FIVE million youths without jobs
FOUR million adults illiterates
15 millions "vocational misfits", that is with small chance for jobs
NINE million persons annual, injured in preventable industrial accidents
One hundred thousand violent crimes. The Eunited States ov America
3rd year of the reign of F. Roosevelt, signed F. Delano, his uncle.

Terrell, A companion to The Cantos ...

"Aurum est" ... Latin : L'or est le commun sépulcre. L'usure, le commun sépulcre.

"Helandros ... helarxe" : grec, "destructeur des hommes, destructeur des cités, destructeur des gouvernements".

"Hic Geryon" : latin. "Ici est Geryon, ici l'hyperusure." Geryon était : 1) un monstre à trois têtes ou à trois corps vivant sur l'île d'Elythia et tué par Héraklès ; 2) le symbole de la fraude et le gardien du 8° cercle de l'Enfer de Dante ; 3) parfois le symbole de l'usure et de la violence faite à la nature et à l'art (Dante, Enfer, 17).

(...)

Eunited : jeu de mots sur United, avec le préfixe grec eu-, qui veut dire "bien accompli, bien fait".
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XVI

(…)
Et à cause de ce fils de pute,
Franz Josef d’Autriche…
Et à cause de fils de pute de Napoléon Barbiche….
On a collé Aldington sur la Colline 70, dans une tranchée
creusée à travers les cadavres
Avec un tas de gosses de seize ans
Réclamant à grands cris après leur mère,
Et il envoya un mot à son commandant :
Je peux encore tenir dix minutes
Avec mon sergent et une mitrailleuse.
Et on le réprimanda pour légèreté.
Et Henri Gaudier y est allé,
et l’on l’a tué,
Tuant ainsi une bonne masse de sculpture,
Et ce vieux T.E. Hulme y est allé,
Emportant un tas de bouquins de la bibliothèque,
London Library, et un obus les enterra dans un trou,
Et la bibliothèque exprima son agacement.
Et une balle le frappa au coude
…après avoir traversé le type qui était devant lui,
Et il lut Kant à l’hôpital de Wimbledon,
dans l’original,
Et le personnel de l’hôpital n’aimait pas ça.
(...) (p. 89)
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Telle, l'oeuvre du temps
Et les petites étoiles tombent aux branches
de l'olivier l'ombre fourche tombe noire sur
la terrasse plus noire que martinet qui passe
sans souci de ta présence,
la marque de l'aile est noire sur la tuile du toit
la marque s'efface avec le cri.
Léger si léger ton poids sur Tellus
n'entaille guère plus
Poids moindre que l'ombre
mais tu as grignoté la montagne,
As - tu pénétré aussi loin la montagne ?

La lumière entre dans la grotte. Io ! Io !
la lumière a plongé au fond de la grotte
Splendeur et splendeur !
par tenailles j'entre aux collines :
Que l'herbe croisse de mon corps
Que j'entende parler l'une à l'autre, les racines,
L'air est neuf sur ma feuille,
la fourche des branches branle au vent.
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CXV, fragment

Les savants vivent dans la terreur
et l’esprit européen s’enlise
Wyndham Lewis préfère s’aveugler
que cesser de penser.
Nuit sous le vent, au milieu des garofani
les pétales sont presque immobiles
Mozart, Linné, Sulmona,
Quand vos propres amis se haïssent
comment pourrait-il y avoir de la paix dans le monde ?
Leurs rudesses me divertissaient dans ma jeunesse.
Une cosse emportée par le vent,
mais la lumière chante éternelle
feu pâle sur les marais
où l’herbe salée murmure à la marée
Le temps, l’espace,
ni la vie ni la mort ne sont la réponse.
Un homme qui cherche le bien
et fait le mal.
In meiner Heimat
où les morts déambulaient
et les vivants étaient de carton-pâte. (p. 815)
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Videos de Ezra Pound (6) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Ezra Pound
Ezra POUND — Un périple américain (DOCUMENTAIRE, 1985) Un documentaire réalisé par Lawrence Pitkethly en 1985. Traduction : Adrien Nicodème (narrateur et intervenants) ; Jacques Darras, Ghislain Sartoris, Michèle Pinson, Alain Suied, Yves di Manno et Denis Roche (poèmes). Avec la présence de : Olga Rudge, James Laughlin, Alfred Kazin, Mary de Rachewiltz, Basil Bunting, Hugh Kenner, Giuseppe Bacigalupo, John Drummond, Rolando Monti et John Gruesen.
Dans la catégorie : Poésie américaineVoir plus
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