Qui connait Cary Grant sait que ce nom n'est qu'un leurre. Plus qu'un pseudonyme, cette identité a permis à Archibald Leach de se recréer, de se réinventer.
Né en 1904 à Bristol, le jeune anglais grandit dans un foyer désuni. Son père quitte rapidement le domicile familial et sa mère disparait alors qu'il n'a que dix ans. On raconte au petit garçon que sa mère est décédée. En réalité, elle a été placée, à la demande de son mari en hôpital psychiatrique, ce qui ne sera révélé que deux décennies plus tard au jeune homme. Recueilli chez de la famille, Archibald grandit ainsi, avec des sentiments d'abandon et de trahison profondément ancrés. Il quitte l'école très tôt pour se lancer dans une carrière de saltimbanque. Puis vient la grande traversée vers l'Amérique, cette terre de tous les possibles. Arrivé à New York, il exerce différents métiers, aux antipodes des lumières d'Hollywood qui éclaireront bientôt sa destinée.
Archibald Leach n'aura eu qu'une seule et unique identité pendant vingt-huit ans. En 1932 nait Cary Grant, création pure et simple des studios Paramount lors de la signature de son premier contrat. Dès lors, l'homme aura deux noms et deux vies.
Cette dualité, c'est le noeud du récit de
Martine Reid. L'auteure nous propose ici de nous interroger sur l'envers du décor, sur la manière dont Archibald Leach a appréhender le personnage de Cary Grant et comment les deux ont cohabités. Là où Cary Grant est la représentation de l'homme parfait, tel que voulu par l'industrie du cinéma de l'époque - grand, athlétique, toujours hâlé, habillé avec chic et distinction – Archibald Leach, l'homme ordinaire, est torturé, drogué au LSD, violent et colérique (notamment avec ses épouses).
Cary Grant disait que tout le monde voulait être Cary Grant, même lui ! Rien de surprenant à cela. Qui ne voudrait pas être parfait ? Qui ne voudrait pas être adulé et aimé ?
La lecture de ce court essai m'a beaucoup intéressé. J'aime beaucoup cet acteur et son parcours et j'ai trouvé que l'auteure était parvenue à dresser une biographie concise mais fouillée de l'artiste et de l'homme. Son postulat de départ « Etre Cary Grant » est très intéressant car en effet, comment peut-on être pleinement une fiction ? Comment peut-on se glisser dans la peau d'un être calibré pour plaire à tout le monde tout en étant soit même aux prises avec des démons intérieurs ? Etre Cary Grant ne serait-il pas une tâche trop grande ?