Merci à
Yvette Rodalec, aux éditions dialogues et à Babélio qui dans le cadre de l'opération masse critique m'ont envoyé "
Imprécis de la pluie".
J'avoue que perdu entre les mille "100 raisons de faire ci ou de ne pas faire ça" et les histoires qui ne m'intéressent pas, j'étais plutôt pessimiste quant au fait de participer ce mois ci à « masse critique ». Certainement un manque d'attention de ma part au vu de la liste proposée. Un moment où je n'ai pas envie qu'on me raconte une histoire mais qu'on me fasse ressentir.
"
Imprécis de la pluie" a été une évidence, un rayon de soleil dans cette longue liste.
Déjà le titre, tout un poème. L'imaginaire embraye, j'ai déjà dans la tête ce que je "veux" trouver dans ce livre (le meilleur moyen d'être déçu… ).
Précis de grammaire, de philo, de… non non non. Imprécis, on ne nous promet pas l'essentiel, pas de best of, juste quelques gouttes tombées de ci de là. Aucune prévision de précipitations d'émotions à la météo du ressenti.
Première surprise, ce livre est un très bel objet. Coup de foudre pour la couverture qui annonce la couleur avec ce dégradé de gris mêlé de bleu, je suis déjà sur mon petit nuage, prêt à en découdre avec le premier anti cyclone venu. le format, la qualité du papier, je suis sous le charme.
En route sur ce Nimbus quelconque, cumulo ou stratus, nomade parcourant les âges, les arts.
Orage, haut désespoir pour les uns.
Hors âge, eau des espoirs pour les autres.
Pessoa et
Rimbaud croisent Renoir et Brassens, Camus,
Gide, Bobin , et tant de peintres, poètes, écrivains (oui j'aurais pu citer Nothomb ou
Elena Ferrante pour dire qu'il y en a pour tout le monde).
Peintures, poèmes, extraits, textes de chansons, la pluie, la pluie, partout. Je m'enivre de cette eau de vie.
Sous tel texte on entend la caresse d'une goutte sur un toit, on devine son parcours sur une vitre, sa délicatesse, sa fragilité. Sous tel autre, c'est la rage ou la mélancolie.
Tout n'est que question d'état d'esprit, d'interprétation, la pluie reste la même que ce soit en averse ou en crachin, en orage ou en bruine, elle reste insaisissable, libre, purifiante, vivifiante.
Sous telle toile, c'est le souvenir de "mon" Paris et les sensations humides et heureuses, la vie. Sous une autre le sentiment d'abandon, l'impression de cataclysme.
La pluie reste pourtant la même, même si là le peintre lui fait dire ce qu'il veut et que le lecteur y voit ce qu'il veut y voir.
Quoi qu'il en soit, les mots se marient aux peintures avec subtilité. Et puis cette odeur d'après la pluie, présente au long des textes et des toiles, cette odeur d'herbe mouillée, de feuilles, de frais, ces senteurs entre renaissance et mélancolie, j'en ai pris plein le nez.
Un petit bémol quand même, si je sais bien que dans ce genre de publication tout choix est "arbitraire", la pluie sert de faire valoir à certains textes alors qu'elle est l'âme dans la plupart des autres.
Une âme parmi d'autres :
« Durant la nuit toute entière, et de longues heures d'affilée, le chuintement de la pluie a diminué sans cesse. La nuit entière, dans mon semi sommeil, sa monotonie glacée a insisté contre mes vitres. Tantôt une rafale de vent fouettait les hauteurs, et l'eau ondulait sonorement en glissant ses mains agiles sur les vitres ; tantôt, elle faisait seulement résonner le sommeil dans l'extérieur mort avec un bruit sourd ».
Fernando Pessoa (Le livre de l'intranquilité).
Un joli moment de lectures dans lesquelles je me replongerai avec plaisir en saison sèche.