Cicatrices met en scène quatre récits parallèles, chacun avec sa propre autonomie narrative. Quatre histoires racontées par quatre protagonistes différents tournant autour d'un événement commun : un ouvrier métallurgiste a assassiné sa femme le jour de la fête du travail.
Avec ce premier roman,
Juan José Saer prend ses distances avec les contraintes littéraires du régionalisme et du réalisme et participe à l'établissement du nouveau roman dans le paysage littéraire de son pays.
D'une prose mi-romanesque mi-poétique et d'un rythme particulièrement efficace avec de fréquents recours à une intertextualité savante à la
Borges, cette oeuvre de Saer superpose les réalités, donc les
cicatrices, d'abord celles de ses personnages puis celles de son pays.
Les
cicatrices, marques de souffrances faites par les premières blessures de la compréhension du monde, sont la raison d'une prise de distance avec la réalité ou du dédoublement de personnalité de ses protagonistes.
Cicatrices politiques également, que Saer n'aborde jamais de front et l'ouvrier devenu meurtrier un 1er mai en est le symbole fort, ces blessures de l'histoire politique immédiate marquée par la tension, la violence, la répression sont évoquées avec de nombreuses références à la période 1945-1955 et une évidente prise de distance sceptique de l'auteur.
Polyphonique, chaque narrateur imposant sa propre subjectivité temporelle et narrative, le récit de
Cicatrices dilue progressivement les certitudes et efface l'auteur comme figure tutélaire pour donner le pouvoir au lecteur, notamment celui d'interpréter le sens des quatre histoires et des évènements qu'elles recèlent.
Cette mise en question de la démarche romanesque par une négativité de l'écriture s'accompagne d'un questionnement sur l'énigme de la perception, un certain regard désenchanté et une incertitude sur le sens du réel. Oeuvre inaugurale,
Cicatrices annonce toute la teneur du futur corpus littéraire de
Juan José Saer.
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