Avant toutes choses, nous tenons à remercier
Saint-Luc qui a eu non seulement la gentillesse de nous offrir un exemplaire de son roman mais aussi - mais surtout, sommes-nous tenté d'écrire - d'attendre cette "fiche" qui, en raison des fêtes et de quelques soucis et obligations personnels, a beaucoup tardé à sortir de notre clavier.
Il n'est pas facile d'écrire un roman policier en France. Pourquoi ? Parce que l'auteur se retrouve ou bien immanquablement coincé entre l'ombre omniprésente de
Simenon (oui, il était belge mais il écrivait en français et Jules Maigret est, lui, qu'on le veuille ou non, intégralement français ) et celle, carrément bicéphale pour les aficionados, de Frédéric Dard-San Antonio (d'accord,
Simenon a usé d'on ne sait trop combien de pseudonymes mais qui se les rappelle encore, hormis les exégètes de son oeuvre ?) Tandis que
Frédéric Dard, bien avant
San-Antonio, demeure l'auteur de quelques excellents romans policiers, parmi lesquels, par exemple, "Toi, le Venin", d'ailleurs adapté au cinéma par
Robert Hossein.
Et les auteurs contemporains ? nous objecterez-vous.
Thierry Jonquet par exemple et tous ceux qui remportent chaque année le Prix Polar ? Eh ! bien, disons que Jonquet, à notre avis, tourne en rond depuis ses débuts et que les autres, eh ! bien, ont du mal à se distinguer sur la distance ...
C'est dire que
Saint-Luc a choisi la difficulté. Toutefois, avec son Albéric Garon, commissaire au langage à la fois énergique et poétique, il nous semble aussi très bien parti pour tenter - et pourquoi pas gagner - le pari de la distance et celui de l'efficacité. le sujet choisi - les affaires que certains politiques voudraient bien oublier - est évidemment porteur puisque, depuis Giscard d'Estaing, le parcours de nombre de nos gouvernants (tout particulièrement Giscard, nous le répétons, et bien sûr
François Mitterrand ) est parsemé d'"accidents" plus ou moins sanglants. Et quand ce n'est pas sanglant, c'est si enlaidi par l'argent, le trafic d'armes et le trafic d'influences que cela donne tout autant envie d'aller voir ailleurs si, par hasard, l'herbe est plus nette.
Mais sans le style, tout cela, soulignons-le, ne pèserait pas lourd et on se lasserait somme toute assez vite.
Saint-Luc ne court sur ce plan aucun danger : il mène son action tambour battant, en une langue vive mais jamais vulgaire, et avec beaucoup d'humour - noir ou pas. En outre, son personnage dégage une curieuse impression de solidité - une solidité cependant bien plus bavarde que celle d'un Maigret.
Et puis - c'est la cerise sur le gâteau - les méthodes utilisées par Garon sont parfois très musclées. On peut même affirmer qu'elles se rapprochent de celles dont ont usé ceux qu'il poursuit. Cette façon de traiter l'affaire relève, par contre, des procédés chers aux grands privés américains - et à notre Nestor Burma national. Certains se récrieront peut-être : il y a toujours des donneurs de leçons ... (Nous sommes plutôt partisan de traiter le mal par le mal, donc, ça ne nous a pas choqué. ) Mais Garon continuera sa route, une route que nous lui souhaitons excellente. Seul risque encouru : qu'il se fasse plus cynique, plus dur ... Mais n'est-ce pas le parcours obligé de tout policier confronté à des affaires politiques ...
Mais arrêtons-nous là : le titre est suffisamment parlant et ce que nous avons ajouté sur notre brillante petite galaxie pourrie de politiciens devrait suffire. Petite précision cependant :
Saint-Luc ressuscite avec brio l'ambiance des grandes villes provinciales - ici Lyon la Magique. Ca nous change très agréablement des cités et tribunaux de la région parisienne ...
Nous nous permettrons cependant un petit bémol : les assassins et donneurs d'ordres d'assassinats ne sont pas tous planqués du côté droit de l'échiquier. Rappelez-vous la mort étrange de Pierre Bérégovoy, ami si proche de Tonton ...
De toutes façons, la meilleure manière de vous faire une opinion, c'est de vous procurer cette seconde enquête du Commissaire Garon (car c'est la seconde en fait) et de la lire. Allez-y de confiance : cela intrigue et délasse, on passe un bon moment mais parfois, le sourire est tout de même en coin. ;o)