Sous le signe subtil de
Jean Giono, une exceptionnelle rencontre poétique à distance entre deux artistes qui rêvent la même montagne, le même soleil et la même eau vive.
Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/07/05/note-de-lecture-zo-maica-sanconie/
Traductrice, mariée à un danseur de haut vol, Laura accompagne son époux au fil des tournées et des résidences artistiques. Dans l'Oregon de Portland, elle épie le moindre signe en ouest pour nourrir sa quête de beauté et de sens, alors que la superficialité bon enfant des rapports humains ordinaires accroît sa songerie et la forme étrange et discrète de nostalgie qu'elle éprouve sans le savoir vraiment pour les paysages et les terres de quelques arpents des Alpes de Haute-
Provence.
Sculpteur renommé, concepteur d'installations artistiques de toutes tailles et de séries d'objets riches en beauté directe et en sens caché,
Virgile, ayant justement installé son atelier au pied de la montagne de Lure, observe minutieusement les détails de la nature et des rares humains qui l'entourent, tout en préparant ses prochaines expositions, et notamment celle prévue prochainement au Japon. Certains de ses songes discrets sont insondables.
Deux êtres rêveurs et minutieux dans leurs songes, deux êtres que séparent des milliers de kilomètres et que rien ne semble relier, si ce n'est curieusement ces attracteurs étranges que sont pour tous deux la montagne de Lure et le village des Salles-sur-Verdon, englouti par les eaux du lac de retenue de Sainte-Croix en 1974, sous le plus grand mépris, habituel à l'époque, d'EDF et de la Société du Canal de
Provence, les deux bénéficiaires de l'opération. Deux êtres que le hasard – mais peut-être aussi la nécessité – va faire se croiser au Japon, où la compagnie de danse du mari de Laura débute une ample résidence, et où
Virgile expose ses dernières trouvailles. Deux êtres qui saisiront peut-être mieux ainsi le mystère qui les environne.
Autour des mystères croisés de l'humain et de la famille, de la nature, de l'art, et de l'amour,
Maïca Sanconie (dont nous avions tant apprécié il y a quelques années les nouvelles de «
Amor ») nous offre avec ce « Zō », publié chez Quidam en mars 2022, une extraordinaire pensée poétique naissant du dialogue à distance, comme muet et pourtant si plein, de deux esprits marqués presque à leur insu par la terre âpre, par le soleil trompeur et par l'eau vive.
« L'eau vive », c'est celle de
Jean Giono, bien sûr, dont la présence subtile, relayée lorsque nécessaire par ses propres fétiches,
Homère et Melville, irrigue chaque paysage évoqué, chaque source mystérieuse, chaque arpent foulé par
Olivier Mak-Bouchard, visité lorsque nécessaire par un souffle digne de
Saint-John Perse (« Connexion à toute ombre et toute lumière dans la grande continuité du regard » !).
Célébration intense et pourtant si humble de la nature, de la beauté et du songe éveillé parmi les grands déchirements du monde, entre évocation de la danse et continuité de la sculpture, d'une pureté travaillée, injectée d'un Orient combattant dans une
Provence meurtrie, comme en écho au si beau «
Ka Ta » de
Céline Minard, tellurique, élémentaire et magnifiquement vivant, « Zō » s'impose comme un rêve de réconciliation, comme un songe de transmission et comme un cercle magique de
poésie solaire.
Lien :
https://charybde2.wordpress...