AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Florient Azoulay (Autre)Yan Brailowsky (Autre)Emmanuelle Favier (Traducteur)
EAN : 9782251454863
343 pages
Les Belles Lettres (03/11/2023)
3.61/5   175 notes
Résumé :
La tromperie est à l'honneur dans cette comédie. Le chaudronnier Christopher Sly se fait jeter, ivre, hors de la taverne et s'endort sous un buisson. Un lord et sa suite le découvrent. Le lord décide de s'amuser à ses dépens ; il le fait emmener chez lui dans sa plus belle chambre. On fait croire à Sly qu'il se réveille de quinze années de désordre mental, et qu'il est un noble et riche lord... Pour poursuivre son plaisir, le lord a engagé une troupe de comédiens et... >Voir plus
Que lire après La Mégère apprivoiséeVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (28) Voir plus Ajouter une critique
3,61

sur 175 notes
Bon, il va falloir faire preuve de tact en écrivant cette critique.
Affirmons-le d'emblée : oui, j'ai aimé cette pièce, et non, je ne suis pas un infâme misogyne !

La mégère (ou la sauvage, comme l'écrit le traducteur que j'ai lu : François-Victor Hugo) apprivoisée est une comédie qui tape juste. Elle est fraîche, amusante, bourrée de farces plus ou moins grossières et d'interprétations des phrases de l'interlocuteur dans les dialogues qui génèrent la confusion et le rire.
Shakespeare nous emmène encore une fois en Italie où le père d'une jeune fille très courtisée impose que pour la marier, il faudra avant que son ainée trouve époux. Or Catharina l'ainée est particulièrement revêche à l'idée et à ceux qui lui font gentiment des avances : elle n'hésite pas à leur mettre la main dans la gueule. L'un des amoureux de la cadette trouve cependant un ami, Petruchio, prêt à tenter l'aventure. Petruchio va employer ses techniques de dressage d'animaux pour apprivoiser Catharina. En parallèle, les amoureux de Bianca la cadette vont se faire passer pour des professeurs pour approcher leur belle et lui faire leur cour.

Shakespeare manie magnifiquement les codes de la comédie populaire. Il y a ici de quoi rire assez fin et assez gras. Les combines des uns et des autres sont savoureuses. J'ai eu cependant quelques difficultés à différencier tous ces personnages aux noms italiens, sachant de plus que certains s'amusent à changer d'identité. Ce doit être plus simple en scène, où l'on identifie les visages.

Mais la partie qui ne passe plus de nos jours sous nos latitudes (espérons que ça dure) tient évidemment dans le comportement de Petruchio décidé à « dresser » littéralement Catharina : il l'affame ; il l'empêche de dormir ; il l'oblige à tenir pour vrai n'importe quelle ânerie qu'il profère (genre c'est la lune que je vois briller, alors qu'il s'agit du soleil). de nos jours, on associerait son comportement à de la torture physique et mentale. La conclusion de la pièce elle-même enfonce le clou en acceptant la méthode et en relayant la place éternelle de la femme, douce, aimante, et surtout obéissante au côté de son seigneur et maître. Disons-le, lu aujourd'hui c'est abject.
Cependant, en lisant je me suis forcé à me rappeler que Shakespeare s'adressait au bon peuple d'Angleterre de la fin du 16ème siècle (et du début du 17ème). Remis dans son contexte, la morale tient la route (argh ! j'ai du mal à écrire ça). Je suis malheureusement sûr qu'elle tient la route encore aujourd'hui dans de nombreux endroits de notre planète.

Cette pièce présente un prologue qui enserre l'histoire dans une autre histoire comme une mise en abîme : un Lord décide de s'amuser d'un clochard aviné en l'emmenant chez lui, l'habillant comme lui et le persuadant qu'il est lui. Sly, le clochard, est vite convaincu. Et voilà que son « épouse » (un valet déguisé) lui propose de voir une pièce donnée par une troupe de passage. Et l'histoire de Petruchio et Catharina commence.
Selon François-Victor Hugo, Shakespeare souhaitait par-là inviter tout le peuple de Londres pour voir cette pièce. Why not. Ce que je comprends moins, c'est pourquoi on n'a pas droit à un épilogue qui nous montre la réaction de Sly à la pièce. J'ai eu l'impression qu'il manquait une conclusion à la première poupée russe.

Lisez la pièce pour vous amuser donc, mais surtout, oubliez sa morale.

Commenter  J’apprécie          444
Christopher Sly, bien aviné, s'endort au bord de la route. Un Lord de passage, décidé à s'amuser à ses dépends, le fait transporter dans ses appartements et l'entoure de mille richesses. À son réveil, Sly se croit en plein délire et les domestiques lui affirment qu'il est Lord et qu'il se relève d'une grave maladie. « Suis-je un lord ? Est-il vrai que je possède une telle femme ? Ou bien est-ce un rêve que je fais ? Ou ai-je rêvé jusqu'à ce jour ? Je ne dors pas ; je vois, j'entends, je parle ; je sens ces suaves odeurs, et mes mains sont sensibles à la douceur de ce toucher. Sur ma vie, je suis un lord en effet, et non pas un chaudronnier, ni Christophe Sly. Allons amenez-nous notre femme, que nous la voyions ; et encore un coup, un pot de petite bière. »
Pour poursuivre son étrange plaisir, le Lord a engagé une troupe de comédiens et offre à Sly le spectacle d'une pièce de théâtre. « Les comédiens de Votre Honneur ayant été informés de votre rétablissement sont venus pour vous régaler d'une fort jolie comédie, car nos docteurs sont d'avis que ce divertissement est très bon à votre santé, voyant que c'était un amas de mélancolie qui avait épaissi votre sang, et la mélancolie est mère de la frénésie : ainsi ils vous conseillent d'assister à la représentation d'une pièce, et d'accoutumer votre âme à la gaieté et au plaisir ; remède qui prévient mille maux et prolonge la vie. »
Voici la pièce dans la pièce : Baptista, vieil aristocrate de la ville de Padoue, voudrait marier sa cadette, la douce Bianca, que courtisent déjà deux hommes, mais il doit d'abord trouver un époux à Catherine, son aînée au caractère insupportable. Arrivent deux hommes : Petruchio de Vérone qui ne pense qu'à épouser une fille riche et Lucentio de Pise qui tombe immédiatement amoureux de Bianca. le premier persuade le vieux Baptista de lui donner son aînée en mariage et le second échange sa place avec son valet pour approcher la belle Bianca sans affronter les deux prétendants en titre. Ne reste qu'à Petruchio à mater son irascible épouse et à Lucentio à séduire et épouser Bianca.
Shakespeare présente un bel exemple de mise en abîme : les premiers personnages, Sly et le Lord, deviennent spectateurs d'une autre pièce de théâtre, ce qui met le vrai spectateur à la marge de la représentation et le force à dédoubler son attention puisque la première pièce continue subrepticement. La tromperie est à l'honneur dans cette pièce : le Lord se joue de Sly et Lucentio prend la place de son valet pour mieux arriver à ses fins. Et la pièce toute entière se joue du spectateur et des repères classiques.
Pour ce qui est de la mégère que l'on apprivoise, le titre français est un peu édulcoré. Petruchio ne prend pas de pincettes pour rendre Catherine docile : privée d'eau, de nourriture et de beaux vêtements, pas étonnant qu'elle devienne rapidement une épouse obéissante. Et quel contraste avec Bianca présentée comme la femme parfaite, douce, tendre et forcément soumise. le rêve de tout homme ? Mouais. Carrément misogyne le Shakespeare !
La pièce est drôle et facile à lire, mais elle gagne sans aucun doute à être vue sur les planches, surtout pour faire la différence entre les deux pièces qui se jouent plus ou moins simultanément.
Commenter  J’apprécie          310
Cette réplique m'a hérissé au plus haut point !
Et bizarrement je ne peux apprécier cette oeuvre à sa juste valeur … à cause de ce passage…
Je suis choquée par ce passage et j'avoue que je n'arrive même pas à me raisonner en le justifiant par un contexte historique… moi personnellement cette réplique me reste en travers de la gorge !!!

J'adore pourtant William Shakespeare mais là j'avoue ça ne passe vraiment pas …
Je m'étrangle ,je défaille ,je déteste, je réprouve, j'abhorre…ce qui va suivre… en résumé j'aurai préféré que Catherine n'ait jamais dit cela et surtout que le grand Shakespeare n'ait jamais écrit ce passage :

« CATHERINE
Fi ! fi ! allons, apaisez ce front dur et menaçant, et ne lancez pas de vos yeux ces regards méprisants pour blesser votre seigneur, votre roi, votre gouverneur ; cela ternit votre beauté, comme la gelée flétrit les prairies ; cela détruit votre réputation, comme l'ouragan disperse les tendres bourgeons ; et cet air renfrogné n'est en aucune façon aimable, ni convenable. Une femme en courroux est comme une fontaine troublée, fangeuse, sans transparence, sans pureté, et perd toute sa beauté ; et tant qu'elle est dans cet état, personne, dans l'excès même de la soif, ne daignera boire de son onde, ni seulement en approcher ses lèvres. Votre mari est votre souverain, votre vie, votre gardien, votre chef, votre roi ; celui qui s'occupe du soin de votre bien-être et de votre subsistance, qui livre son corps à de pénibles travaux, sur mer et sur terre, qui veille la nuit, seul, pendant les tempêtes, le jour par le grand froid, tandis que vous reposez chaudement, en paix et tranquille, dans votre demeure ; et, pour tous ces sacrifices, il n'exige d'autre tribut que l'amour, de doux regards et une sincère obéissance : faible salaire pour une dette si immense ! le respect et la soumission qu'un sujet doit à son prince, la femme les doit à son mari ; et quand elle est brusque, chagrine, morose et acariâtre, et qu'elle n'obéit pas à ses ordres honnêtes, qu'est-elle sinon une rebelle coupable et traîtresse, indigne de pardon, envers son tendre époux ? Je rougis de voir des femmes assez simples pour offrir la guerre, lorsqu'elles devraient demander la paix à genoux, ou vouloir s'arroger le sceptre, le commandement et l'empire, lorsqu'elles ont fait voeu de servir, d'aimer et d'obéir. Pourquoi la nature nous a-t-elle faites d'une constitution faible, délicate et sensible, incapable de soutenir les fatigues et les agitations du monde, si ce n'est afin que nos qualités paisibles et nos coeurs fussent en harmonie avec notre nature extérieure ?

Allons, allons, vous, vermisseaux révoltés et impuissants, mon caractère était né aussi impérieux que le vôtre ; mon coeur était aussi fier, et peut-être avais-je plus de raisons pour rendre parole pour parole et menace pour menace ; mais aujourd'hui, je vois que nos lances ne sont que des fétus de paille, que notre force n'est que faiblesse, et faiblesse extrême ; et que lorsque nous paraissons être le plus, nous sommes en effet le moins. Allons, rabaissez votre orgueil, car il ne vous sert à rien, et placez vos mains sous les pieds de vos maris, en preuve de l'obéissance qui leur est due ; si le mien l'ordonne, ma main est prête, pour peu que cela lui fasse plaisir. »
Commenter  J’apprécie          2210
Au contraire d'autres lectrices, moi c'est la pièce dans la pièce qui m'a intéressée. J'ai d'abord connu le face à face Katherina/Petruchio grâce à la TV il y a bien des années, avant de lire enfin la pièce, en français puis en anglais.
Elle m'a fortement amusée je dois l'avouer, même si au fil des années, mon plaisir s'est teinté d'un certain agacement.
William Shakeaspeare ne traite jamais vraiment bien les femmes dans ses pièces, soit elles ont peu de personnalité, ou sont dociles et se meurent d'amour pour leur prince, soit elles sont machiavéliques et poussent leurs amants au crime.

Le personnage de Katherina tranchait donc agréablement sur le reste de la troupe, jusque qu'à ce que, hélas, elle finisse par adopter le point de vue du mari.
Leurs affrontements me rappellent parfois ceux de Benedick et Beatrice (Beaucoup de bruit pour rien) mais en plus brutal et moins nuancé. Les répliques sont tout de même savoureuses, les deux protagonistes adoptant tout à tour un ton cinglant, ironique, mielleux ou insolent.
Ici, il s'agit davantage de grosse farce comme on pouvait en voir ou en lire au Moyen-Age. En effet, le mythe de la femme indomptable et revêche finalement domptée par son époux se rencontrait fréquemment (et là je tiens à préciser que le grand Will s'est montré plus "soft" que d'autres auteurs !).

Cette guerre des sexes qui relève du fantasme de domination masculine reste néanmoins fort drôle à lire et plus encore à voir sur scène. Il me reste à souligner que c'est l'une des rares pièces qui se finit bien (heu c'est à dire sans bains de sang, crime épouvantable, trahison, parricide et tutti quanti !), rien que pour ça, elle mérite donc d'être redécouverte...
Commenter  J’apprécie          120
Cette pièce parut pour la première fois en 1623, sept ans après la mort de Shakespeare. Mais on peut se poser des questions sur son origine. En effet, en 1594, un auteur anonyme publia à Londres une pièce intitulée « Une mégère apprivoisée ». le titre est quasiment identique, l'intrigue aussi mais les lieux, les prénoms et les relations entre les personnages diffèrent. Aussi peut-on faire des hypothèses : Shakespeare est-il cet auteur anonyme qui par la suite a amélioré sa pièce initiale en l'étoffant davantage ou bien est-ce qu'il s'est inspiré de cette pièce ?
C'est la seule fois que Shakespeare met en scène une femme acariâtre. Même si le titre de la pièce révèle le dénouement de l'histoire, on peut être surpris par cet écart. Par ailleurs, la pièce s'ouvre sur un prologue quelque peu étrange. le duc et ses serviteurs décident de faire passer un ivrogne pour le duc. Ainsi ils lui font croire qu'il a perdu la mémoire et lui proposent de regarder une pièce de théâtre qui n'est autre que la pièce que nous lisons.
Si les répliques de la mégère et de son prétendant Petruchio font parfois sourire, il est cependant regrettable que des phrases en italien ou en latin n'aient pas été traduites. On ne peut aussi s'empêcher de penser à « La belle au bois dormant » même si les raisons de l'isolement ne sont pas identiques. Les personnages sont attachants surtout les prétendants de Bianca qui se lancent sans hésitation dans un imbroglio pour la séduire.

Résumé : Baptista, un riche gentilhomme de Padoue, refuse de marier sa cadette Bianca avant son aînée Catharina. Malheureusement celle-ci n'a pas la langue dans sa poche et ne plaît à aucun homme. Ainsi les deux prétendants de Bianca Hortensio et Grumio décident d'unir leurs efforts pour trouver un mari à Catharina. Baptista enferme Bianca pour lui éviter toute rencontre et se met à la recherche de professeurs pour ses filles. Quand Vincentio entend cela, il met au point un stratagème : il se portera volontaire pour donner des leçons à la jolie Bianca afin de la séduire et il fait passer son valet Tranio pour lui. D'autres jeunes garçons dont Hortensio acceptent aussi d'être des professeurs.
Petruchio rejoint son ami Hortensio et lui dit qu'il veut faire un mariage d'argent. Hortensio compte alors lui présenter Catharina…

Acte I Scène 2 :
Petruchio : Signor Hortensio, entre des amis tels que nous, quelques mots suffisent ; si donc tu connais une personne assez riche pour être la femme de Petruchio, comme l'argent est le refrain de ma chanson matrimoniale, fût-elle aussi laide que l'amoureuse de Florent, aussi vieille que la Sibylle, aussi bourrue et aussi acariâtre que la Xantippe de Socrate, ou pire encore, fût-elle aussi rude que la mer Adriatique en fureur, elle n'altérera pas, elle n'émoussera pas en moi le tranchant de la passion ! Je viens à Padoue faire un riche mariage ; s'il est riche, il est heureux.
Grumio : Voyez vous monsieur, il vous dit tout bonnement ce qu'il pense. Donnez-lui de l'or suffisamment, et mariez-le à une poupée, à une figurine ou à une vieille stryge édentée, ayant autant d'infirmités que cinquante-deux chevaux ! Tout est bien, s'il y a apport d'argent.
[…]
Petruchio : Pourquoi suis-je venu ici, sinon dans ce but ? Croyez-vous qu'un peu de tapage puisse effaroucher mes oreilles ? Est-ce que je n'ai pas dans mon temps entendu les lions rugir ? Est-ce que je n'ai pas entendu la mer, soulevée par les vents, faire rage, toute suante d'écume, comme un sanglier furieux ? Est-ce que je n'ai pas entendu gronder les grandes batteries dans les plaines, et l'artillerie du ciel dans les nuages ? Est-ce que je n'ai pas, dans une bataille rangée, entendu les bruyantes alarmes, le hennissement des coursiers et le cri des trompettes ? Et vous venez me parler de la langue d'une femme, qui frappe bien moins l'oreille qu'une châtaigne éclatant dans l'âtre d'un fermier ! Bah ! Bah ! Gardez vos épouvantails pour faire peur aux enfants.

Acte II Scène 1 :
Hortensio (parlant de Catharina) : Certes, non ; car c'est elle qui a rompu le luth sur moi. Je lui disais simplement qu'elle se trompait de touches, et je lui pliais la main pour lui apprendre le doigté, quand, dans un accès d'impatience diabolique : Des touches, s'écrie-t-elle, vous appelez ça des touches ? Eh bien, je vais les faire jouer ! Et, à ces mots, elle m'a frappé si fort sur la tête que mon crâne a traversé l'instrument. Et ainsi, je suis resté quelque temps pétrifié, comme un homme au pilori, ayant un luth pour carcan, tandis qu'elle me traitait de misérable racleur, de musicien manqué, et de vingt autres noms injurieux, comme si elle avait appris une leçon pour mieux m'insulter.
[…]
Petruchio : Ayant entendu dans toutes les villes vanter ta douceur, célébrer tes vertus et chanter ta beauté, bien moins cependant qu'elles ne le méritent, j'ai été porté à te rechercher pour femme.
Catharina : Porté !... à merveille ! Eh bien, que le diable qui vous a porté vous remporte ! Vous m'avez tout de suite eu l'air d'un meuble transportable.
Petruchio : Qu'est-ce à dire, d'un meuble…
Catharina : Oui, d'une chaise percée !
Petruchio : Tu as dit juste : assieds-toi donc sur moi.
Catharina : Les ânes sont faits pour porter, et vous aussi.
Commenter  J’apprécie          10

Citations et extraits (26) Voir plus Ajouter une citation
[Catharina (à Baptista)]: Je vous le demande, monsieur, voulez-vous donc me prostituer à ces épouseurs ?
[Hortensio]: Épouseurs, ma belle ? Comment l'entendez-vous ? Pas d'épouseurs pour vous, tant que vous ne serez pas de plus aimable et plus douce humeur.
[Catharina]: Ma foi, monsieur, vous n'avez rien à craindre; vous n'êtes pas encore à mi-chemin de mon cœur; vous y seriez, que mon premier soin serait de vous étriller la caboche avec un escabeau à trois pieds, de vous barbouiller la figure et de vous berner !
[ Hortensio]: De pareilles diablesses, bon Dieu, délivrez-nous !
(Acte I, scène 1)
Commenter  J’apprécie          310
CATHERINE
Trop légère pour être attrapée par un rustre comme vous, et cependant je pèse mon poids.
PETRUCHIO
Votre poids ! votre bourdonnement, buzz !
CATHERINE
Vous voilà pris comme un busard.
PETRUCHIO
Ô tourterelle aux lentes ailes ! un busard te prendra donc ?
CATHERINE
Oui, pour une tourterelle, comme il prend un busard.
PETRUCHIO
Allons, allons ; guêpe : oh ! par ma foi, vous êtes trop colère.
CATHERINE
Si je tiens de la guêpe, défiez-vous donc de mon aiguillon.
PETRUCHIO
J’y sais un remède : c’est de l’arracher.
CATHERINE
Oui, si le sot peut trouver la place où il est.
PETRUCHIO
Qui ne sait où la guêpe a son aiguillon ? Au bout de sa queue.
CATHERINE
Au bout de sa langue.
PETRUCHIO
La langue de qui ?
CATHERINE
La vôtre, si vous parlez de queues ; et là-dessus, adieu.
(Elle va pour s’éloigner.)
PETRUCHIO
Quoi ! ma langue à votre queue ? — Allons, revenez, bonne Cateau, je suis gentilhomme.
CATHERINE, revenant
C’est ce que je vais voir.
(Elle lui donne un soufflet.)
PETRUCHIO
Je vous jure que je vous donnerai une taloche si vous frappez encore.
CATHERINE
Vous pourriez y perdre vos bras : si vous me frappez, vous n’êtes point un remède : c’est de l’arracher.
Commenter  J’apprécie          80
[Bianca]: Où en étions-nous restés ?

[Lucentio]: Ici, Madame:
Hac ibat Simois; hic est Sigeia tellus;
Hic steterat Priami regia celsa senis.

[Bianca]: Traduisez.

[Lucentio]: "hac ibat", comme je vous l'ai dit, "Simois", je suis Lucentio, "hic est", fils de Vicentio de Pise, "Sigeia tellus", ainsi déguisé pour gagner votre amour, "hic steterat", et ce Lucentio qui est venu vous faire la cour, "Priami", est mon valet Tranio, "regia", qui a pris ma place, "celsa senis", afin de mieux tromper le vieux Pantalon.

(Acte III, scène 1)
Commenter  J’apprécie          130
[Petruchio]
Allons, n'ayez pas l'air grognon, ne trépignez pas, ne vous effarez pas, ne vous irritez pas. Je veux être maître de ce qui m'appartient. Catharina est mon bien, ma chose, elle est ma maison, mon mobilier, mon champ, ma grange, mon cheval, mon bœuf, mon âne, mon tout.
(Acte III, scène 2)
Commenter  J’apprécie          220
Acte I Scène 2 :
Petruchio : Signor Hortensio, entre des amis tels que nous, quelques mots suffisent ; si donc tu connais une personne assez riche pour être la femme de Petruchio, comme l’argent est le refrain de ma chanson matrimoniale, fût-elle aussi laide que l’amoureuse de Florent, aussi vieille que la Sibylle, aussi bourrue et aussi acariâtre que la Xantippe de Socrate, ou pire encore, fût-elle aussi rude que la mer Adriatique en fureur, elle n’altérera pas, elle n’émoussera pas en moi le tranchant de la passion ! Je viens à Padoue faire un riche mariage ; s’il est riche, il est heureux.
Grumio : Voyez vous monsieur, il vous dit tout bonnement ce qu’il pense. Donnez-lui de l’or suffisamment, et mariez-le à une poupée, à une figurine ou à une vieille stryge édentée, ayant autant d’infirmités que cinquante-deux chevaux ! Tout est bien, s’il y a apport d’argent.
[…]
Petruchio : Pourquoi suis-je venu ici, sinon dans ce but ? Croyez-vous qu’un peu de tapage puisse effaroucher mes oreilles ? Est-ce que je n’ai pas dans mon temps entendu les lions rugir ? Est-ce que je n’ai pas entendu la mer, soulevée par les vents, faire rage, toute suante d’écume, comme un sanglier furieux ? Est-ce que je n’ai pas entendu gronder les grandes batteries dans les plaines, et l’artillerie du ciel dans les nuages ? Est-ce que je n’ai pas, dans une bataille rangée, entendu les bruyantes alarmes, le hennissement des coursiers et le cri des trompettes ? Et vous venez me parler de la langue d’une femme, qui frappe bien moins l’oreille qu’une châtaigne éclatant dans l’âtre d’un fermier ! Bah ! Bah ! Gardez vos épouvantails pour faire peur aux enfants.

Acte II Scène 1 :
Hortensio (parlant de Catharina) : Certes, non ; car c’est elle qui a rompu le luth sur moi. Je lui disais simplement qu’elle se trompait de touches, et je lui pliais la main pour lui apprendre le doigté, quand, dans un accès d’impatience diabolique : Des touches, s’écrie-t-elle, vous appelez ça des touches ? Eh bien, je vais les faire jouer ! Et, à ces mots, elle m’a frappé si fort sur la tête que mon crâne a traversé l’instrument. Et ainsi, je suis resté quelque temps pétrifié, comme un homme au pilori, ayant un luth pour carcan, tandis qu’elle me traitait de misérable racleur, de musicien manqué, et de vingt autres noms injurieux, comme si elle avait appris une leçon pour mieux m’insulter.
[…]
Petruchio : Ayant entendu dans toutes les villes vanter ta douceur, célébrer tes vertus et chanter ta beauté, bien moins cependant qu’elles ne le méritent, j’ai été porté à te rechercher pour femme.
Catharina : Porté !... à merveille ! Eh bien, que le diable qui vous a porté vous remporte ! Vous m’avez tout de suite eu l’air d’un meuble transportable.
Petruchio : Qu’est-ce à dire, d’un meuble…
Catharina : Oui, d’une chaise percée !
Petruchio : Tu as dit juste : assieds-toi donc sur moi.
Catharina : Les ânes sont faits pour porter, et vous aussi.
Commenter  J’apprécie          10

Videos de William Shakespeare (373) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de William Shakespeare
En Europe comme aux États-Unis, la pièce "Macbeth" de William Shakespeare est entourée de superstitions, au point d'être devenue maudite. Mais d'où vient cette malédiction présumée ?
#theatre #culture #art #shakespeare #macbeth
_____________
Retrouvez-nous sur : Facebook : https://fr-fr.facebook.com/franceculture Twitter : https://twitter.com/franceculture Instagram : https://www.instagram.com/franceculture TikTok : https://www.tiktok.com/@franceculture Twitch : https://www.twitch.tv/franceculture
Et abonnez-vous à la newsletter Culture Prime : https://www.cultureprime.fr/
>Littérature (Belles-lettres)>Littérature anglaise et anglo-saxonne>Littérature dramatique anglaise (128)
autres livres classés : théâtreVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (685) Voir plus



Quiz Voir plus

Roméo et Juliette

"Roméo et Juliette" est une comédie.

Vrai
Faux

10 questions
1998 lecteurs ont répondu
Thème : Roméo et Juliette de William ShakespeareCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..